Par Joe Kishore
28 juillet
2009
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Voilà maintenant six mois, Barack Obama devenait le 44e
président des Etats-Unis.
L’élection d’Obama a représenté le rejet populaire de
l’administration Bush et de ses politiques intérieures et étrangères. Le
principal slogan d’Obama, « un changement auquel on peut croire », a raisonné
dans une population qui en avait assez de huit années de guerre et de défense
acharnée des intérêts de l’élite patronale.
Le personnage et le passé d’Obama ont symbolisé, pour
de larges sections de la classe ouvrière et des jeunes, ce désir de changement.
Nombreux sont ceux qui ont vu dans le fait qu’Obama allait devenir le premier
président afro-américain une raison de croire qu’il allait instinctivement être
solidaire des pauvres et des opprimés. En tout cas, croyait-on, il allait être
bien différent de ce qui l’avait précédé.
Quelle évaluation peut-on faire à la lumière de six
mois d’expérience ? Les faits parlent d’eux-mêmes. Sur chaque question cruciale,
Obama, à la tête de majorités démocrates considérables dans les deux chambres du
Congrès, a continué la politique fondamentale de son prédécesseur.
La politique militaire
La direction qu’allait prendre l’administration sur la
politique militaire fut indiquée très tôt. Le 23 janvier, soit trois jours après
son assermentation, Obama ordonna des tirs de missiles à l’intérieur du Pakistan
par des drones Predator qui firent 18 morts. Les mains tachées de sang, Obama
procéda ensuite rapidement.
La guerre en Afghanistan en maintenant, de façon
absolue, « la guerre d’Obama ». Sous sa gouverne, les Etats-Unis ont entamé une
multiplication du nombre de soldats par deux, de 32 000 à 68 000, et ils mènent
présentement une importante opération pour éradiquer l’opposition populaire dans
le sud. Au moins 30 soldats américains et 25 de l’OTAN sont morts ce mois-ci,
faisant de juillet le mois le plus meurtrier jusqu’à maintenant pour les forces
de l’occupation.
Sous Obama par contre l’opération est devenue la
guerre « AfPak ». Des missiles américains sont maintenant dirigés régulièrement
contre le Pakistan, tuant souvent des dizaines de civils pakistanais.
L’administration fait pression sur le Pakistan pour qu’il mène sa propre
offensive dans les territoires du nord-ouest, offensive qui a entraîné le
déplacement de centaines de milliers de réfugiés et causé la mort à grande
échelle.
L’occupation de l’Irak se poursuit. La réduction des
forces américaines dans les villes n’annonce pas la fin de l’implication de
l’armée des Etats-Unis dans le pays. Quelque 130 000 soldats demeurent
stationnés dans ce qui est l’équivalent de bases militaires permanentes à
l’extérieur des villes, et l’administration a commencé à qualifier ses soldats
de « conseillers ». Advenant l’éclatement de cette fragile situation politique,
l’armée américaine interviendrait de toutes ses forces.
Les politiques économiques et sociales
Sur la politique intérieure, la préoccupation première
d’Obama a été de défendre la richesse des sections les plus puissantes de
l’élite patronale et financière. Par des injections de liquidités et des
programmes de subventions et de prêts, des billions ont été offerts, sans
condition, aux banques et aux institutions financières. L’administration s’est
opposée à toute véritable limite sur les salaires ou bonus des cadres.
Profitant des dons du gouvernement, les plus grandes
banques ont rapporté d’importants profits au second trimestre de 2009, y compris
3,44 milliards $ pour Goldman Sachs et 2,7 milliards $ pour JPMorgan Chase. Les
banques prévoient offrir cette année des bonus record à leurs cadres et à leurs
opérateurs.
Ces mêmes institutions qui ont précipité la crise
économique par leur spéculation et opérations frauduleuses ne se sont jamais
aussi bien portées. Cela n’est pas une coïncidence. C’est l’objectif que
souhaitait atteindre la politique de l’administration Obama.
De nombreux travailleurs de l’automobile se sont
tournés vers Obama espérant un changement positif. Plutôt, l’administration a
imposé des coupures massives dans les salaires et les avantages sociaux, ainsi
que la destruction de dizaines de milliers d’emplois. Obama a dirigé General
Motors et Chrysler vers le tribunal de la faillite où les deux compagnies y ont
laissé des milliards en engagements indésirables, y compris leurs
responsabilités envers le régime de santé de dizaines de milliers de retraités.
L’administration mène une politique semblable au
niveau des gouvernements locaux et d’Etats en refusant de leur offrir le genre
de prêts faits aux banques. Le plus gros Etat du pays, la Californie, est au
bord de l’effondrement économique. Le gouvernement californien profite de la
crise pour sabrer dans l’éducation, l’aide sociale et d’autres programmes
sociaux. Des mesures draconiennes semblables sont implémentées à travers le
pays.
Pour ce qui est de la principale initiative d’Obama au
pays, la « réforme » du système de santé, les propositions de l’administration
sont motivées par le désir des entreprises de couper dans les coûts de santé de
leurs employés et sont liées aux demandes d’acteurs majeurs dans l’industrie de
la santé, particulièrement les compagnies d’assurances et pharmaceutiques.
La « réforme » du système de santé est passée du
besoin de soins de santé décents pour tous à des coupes de coûts. Obama insiste
que réduire les dépenses en santé est impératif pour abaisser le déficit
budgétaire et relancer l’économie, alors même qu’il déclare qu’il fera « tout ce
qu’il faut » pour sauver les banques.
Si un projet de loi sur la santé finit par passer, les
travailleurs devront payer plus pour une assurance-maladie inadéquate et des
soins rationnés. Cette « couverture étendue » sera utilisée comme prétexte pour
couper les programmes fédéraux de soins de santé, particulièrement Medicare.
Comme tout le reste, le système de santé est en pleine
restructuration pour devenir un système plus ouvertement de classe. Les
travailleurs auront à choisir entre leur santé et d’autres besoins, alors que
les riches pourront obtenir les meilleurs traitements que l’argent peut acheter.
Le résultat des politiques de l’administration pour
faire face à la crise économique est une redistribution massive de la richesse
du bas vers le haut.
Les droits démocratiques
Sur tous les points essentiels, l’administration Obama
a continué les politiques antidémocratiques de son prédécesseur. Il a invoqué
les « secrets d’Etat » pour bloquer des poursuites judiciaires qui s’opposaient
à la torture et l’espionnage domestique. L’administration a renversé une
promesse de divulguer des photos montrant la torture de détenus par les
Etats-Unis. Il a maintenu les tribunaux militaires et a indiqué qu’il prévoit
adopter une politique d’emprisonnement d’une durée indéterminée pour les
prisonniers à Guantanamo Bay.
Obama a régulièrement insisté pour dire qu’il n’y
aurait pas de poursuites judiciaires des crimes commis sous l’administration
Bush. Cela veut dire que personne ne sera tenu responsable et que les crimes
vont se poursuivre.
* * *
Le résultat des élections de 2008 est une
démonstration de l’échec de la démocratie américaine. Ces élections ont produit
un résultat diamétralement opposé aux aspirations des électeurs qui ont voté
pour le vainqueur.
Il n’est pas possible, par le système politique
actuel, d’effectuer un changement dans la politique gouvernementale. La raison
principale est que les institutions et les partis politiques sont les
instruments purs et simples du la domination de la classe dirigeante. L’élite
financière exerce un contrôle absolu sur tous les aspects de la vie politique.
Ce qui est peut-être le plus remarquable est que
l’administration Obama s’efforce à peine dissimuler son caractère de classe.
Elle semble assumer que le personnage d’Obama est, en lui-même, suffisant pour
étouffer l’opposition. Dans la mesure où l’attention de l’administration est
concentrée sur le parti démocrate et sa périphérie (la coterie assortie de
publications et d’organisations de « gauche ») cette évaluation est correcte.
Cependant, il y a déjà une chute significative dans
les taux d’approbation d’Obama, incluant des déclins substantiels concernant
l’économie et la santé. Selon le plus récent sondage de Washington Post-ABC
News, les taux d’approbations globaux d’Obama sont tombés sous la barre des
60 pour cent pour la première fois. Nous suspectons que le malaise du public est
en fait beaucoup plus large et profond que ces chiffres ne le laissent paraître
jusqu’à maintenant.
Ici, le fameux aphorisme de Lincoln est approprié :
« Vous pouvez tromper une partie du peuple tout le temps et tout le peuple
pendant un certain temps, mais vous ne pouvez tromper tout le peuple tout le
temps. »
La colère et le désenchantement du public sont poussés
par l’impact objectif de la crise économique, les conséquences des guerres d’Obama
et la contradiction de plus en plus évidente entre les sentiments populaires
auxquels il a fait appel pour être élu et les intérêts sociaux qu’il sert. Dans
la mesure où le peuple américain sent qu’il s’est fait rouler, l’opposition de
masse n’en sera que beaucoup plus intense.
L’administration n’a pas encore à tenir compte de
l’intervention indépendante de la classe ouvrière américaine. Lorsque ce
mouvement de classe va se développer, il cherchera de nouvelles voies
indépendantes en opposition à tout le système politique et social.
(Article original anglais paru le 21 juillet 2009)