Mercredi, les représentants de General Motors (GM) ont soumis trois offres de
reprise pour Opel et GM-Europe au gouvernement allemand à Berlin.
Les offres avaient été adressées au siège de GM à Detroit par l’équipementier
austro-canadien Magna, par la holding financière belge RHJ International (RHJI)
contrôlée par Ripplewood et le constructeur automobile chinois BAIC.
Les trois offres prévoient des attaques massives à l’encontre des 48 000
salariés des usines GM en Allemagne, en Grande-Bretagne, en Belgique, en Espagne
et en Pologne. Plus d’un cinquième des emplois européens devraient être
supprimés avec des conséquences désastreuses dans la sous-traitance de
l’industrie automobile. Les salaires et les acquis sociaux subiront des coupes
draconiennes.
Magna planifie les réductions d’emplois les plus importantes, 11 600 contre
9900 proposées par RHJI et 7580 par BAIC. Néanmoins, le comité d’entreprise et
le syndicat allemand IG Metall ont entrepris une campagne concertée dans les
quatre usines d’Opel en Allemagne en vue d’une reprise par Magna. La raison en
est que Magna s’est déclaré prêt à favoriser les usines allemandes en limitant à
un total de 2500 les réductions d’emplois à Rüsselsheim, Bochum, Kaiserslautern
et Eisenach. Le groupe automobile chinois BAIC et l’investisseur RHJI projettent
de supprimer 3000 et 3900 emplois respectivement en Allemagne.
Dès le départ, les comités d’entreprise allemands avaient cherché à s’assurer
que le gros du « plan de restructuration » soit rejeté sur les usines
européennes hors d’Allemagne. Même la dénomination de « sauvetage d’Opel »
montre que les usines allemandes devaient être favorisées aux dépens des usines
des autres pays. Le plan de Magna prévoit la fermeture éventuelle des usines à
Anvers en Belgique et à Luton en Grande-Bretagne.
Cette information n’a cependant été publiée qu’en Allemagne. En
Grande-Bretagne, par contre, Magna affirme vouloir sauvegarder la production
britannique durant trois ans dans le but de ne pas mettre en danger le crédit de
500 millions de livres sterling réclamé auprès du gouvernement britannique. Ceci
montre ce que signifient vraiment les promesses de « sauvegarde des usines ».
Dès que les accords auront été signés et que les gouvernements auront versé
leurs subventions, les promesses seront écartées.
A bien des égards, Magna a présenté la pire des trois offres. L’entreprise
réclame 4,5 milliards d’euros de subventions et de crédits de l’Etat alors que
RHJI réclame 3,8 milliards et BAIC se limite à 2,6 milliards d’euros. RHJI a
fait connaître son intention de rembourser les crédits de l’Etat en l’espace de
cinq ans et de renoncer à verser des dividendes durant le même laps de temps.
Dans une lettre adressée aux travailleurs allemands d’Opel et qui fut
divulguée à la presse, le président du comité d’entreprise d’Opel, Klaus Franz,
a sévèrement attaqué le plan de RHJI en déclarant que c’était un cheval de Troie
pour General Motors. Le plan de RHJI avait été élaboré par GM, a affirmé Franz,
et la participation de près de 40 pour cent de GM n’était que le premier pas
pour restituer le « nouveau Opel » à GM, après avoir profité de l’argent des
contribuables allemands.
Franz a annoncé une action de « protestations massives de la part des comités
d’entreprise et d’IG Metall » au cas où l’offre de RHJI était acceptée. « Alors
nous monterons aux barricades ! »
Ces mêmes comités d’entreprise qui avaient refusé d’organiser ces derniers
mois la moindre lutte pour la défense des emplois veulent à présent mobiliser
les travailleurs allemands en soutien d’un plan qui supprime 12 000 emplois et
qui prévoit la détérioration des salaires et des conditions de travail.
La véhémence avec laquelle Franz fait campagne en faveur de Magna est due au
fait que lui et ses partisans du comité d’entreprise ont conclu un accord
lucratif avec l’entreprise.
Le comité d’entreprise a accepté la destruction de 11 600 emplois, des coupes
dans les salaires et la suppression de la prime de vacances, de la prime de noël
et d’autres prestations, y compris la part employeur des contributions à la
retraite d’entreprise et les primes pour heures supplémentaires. On s’attend à
ce que les travailleurs acceptent une flexibilité plus grande du temps de
travail. Le nombre de salariés intérimaires à bas salaire sera augmenté jusqu’à
constituer 30 pour cent de l’effectif.
Le comité d’entreprise européen, également présidé par Franz, a aussi cherché
à intimider les travailleurs, à étouffer toute résistance et à monter les
travailleurs d’un pays contre ceux d’un autre pays.
En échange, Magna a offert aux comités d’entreprise allemands une part de 10
pour cent de Opel/GM Europe réorganisé. Les membres du comité d’entreprise, qui
sont déjà privilégiés et qui peuvent exercer leur activité comme permanent
syndical dans l’entreprise pour un salaire nettement supérieur à celui des
autres travailleurs, passeront de l’état de « co-gestionnaires » à celui de
propriétaires d’entreprise.
L’argent économisé grâce à la suppression des emplois, la
réduction des salaires et les baisses de prestations sociales sera versé dans la
société de capitaux contrôlée par les comités d’entreprise. Franz fut nommé le 5
juillet président de la nouvelle société lors d’une réunion du comité
d’entreprise du groupe. Des hauts fonctionnaires issus des quatre comités
d’entreprise en Allemagne seront membres du conseil de surveillance. Les
travailleurs n’auront pas de droit de vote.
L’implication des comités d’entreprise d’Opel à prendre directement des parts
dans la société représente une étape qualitativement nouvelle dans la
dégénérescence des syndicats. Ils ne peuvent plus être considérés comme étant
des organisations ayant le moindre lien avec la classe ouvrière.
La situation est comparable à l’évolution faite par les bureaucraties
staliniennes dans l’ancienne Union soviétique et en Europe de l’Est. Il y a
vingt ans, les bureaucrates privilégiés de par le bloc soviétique s’étaient
rapidement transformés en une couche de nouveaux bourgeois. Les syndicats ne se
contentent plus de jouer le rôle de simples serviteurs du patronat, ils font
tout leur possible pour rejoindre la bourgeoisie en tant qu’actionnaires et
propriétaires.
Il faut mentionner que le président d’IG Metall, Bertold Huber, a souligné
dans une interview accordée à Der Spiegel qu’il n’était pas un « 68tard »
mais plutôt un « 89fard » Il a décrit combien la réintroduction de
l’exploitation capitaliste en Europe de l’Est l’avait impressionné et fortement
marqué.
Afin de concrétiser leurs objectifs, les syndicats et les comités
d’entreprise travaillent intimement avec les directions des entreprises, les
associations patronales et le gouvernement allemand. Ils considèrent leur tâche
primordiale comme étant la suppression de toute opposition de la part des
travailleurs. La bureaucratie a foulé aux pieds les droits démocratiques, en
utilisant des méthodes de gangster pour manipuler des élections, fermer lors de
réunions syndicales les microphones à ceux qui s’opposaient à leurs projets.
La défense de l’emploi, des salaires et des acquis sociaux requiert une
rébellion contre les syndicats et leurs structures organisationnelles dans les
usines. Il est nécessaire de construire des comités d’usine indépendants qui
devront établir des liens avec les travailleurs dans les usines d’autres pays
dans le but de préparer des mesures communes de lutte.
Le but d’une telle mobilisation doit être la défense inconditionnelle de tous
les emplois et de toutes les usines. Les accords contraignants et les
concessions acceptés par Franz et ses collègues doivent être déclarés nuls et
non avenus. Aucun des partenaires mineurs de GM/Magna n’a le droit de parler ou
d’agir au nom des travailleurs.
Le sort des salariés de GM est partagé par des millions de travailleurs de
par le monde. C’est la raison pour laquelle la défense de tous les emplois et de
tous les salaires chez GM-Europe doit devenir le point de départ de la
construction d’un front commun contre la politique de la destruction sociale
poursuivie par la classe dirigeante. Ceci requiert un programme socialiste
international.
La résistance pratiquée sous la forme de grèves et d’occupations d’usine
contre les licenciements planifiés doit être le premier pas vers une
transformation fondamentale des relations sociales.
La dictature du capital financier et des banques doit être brisée par la
nationalisation des principales institutions financières en les plaçant sous le
contrôle démocratique de la population laborieuse.
Les groupes automobiles doivent être transformés en véritables entreprises
publiques placées sous le contrôle démocratique des travailleurs. Ce n’est que
sur cette base qu’il sera possible de développer davantage l’économie et de
servir les intérêts des grandes masses de la population et pas des actionnaires
et des profits privés.
Pour l’application de ce programme, les travailleurs requièrent un nouveau
parti. C’est pourquoi le Parti de l’Egalité sociale allemand (PSG) participera
aux prochaines élections législatives en Allemagne. Le PSG coopère étroitement
avec son organisation sœur en Grande-Bretagne, le Socialist Equality Party (SEP)
ainsi qu’avec des partisans dans d’autres pays européens dans le but d’unifier,
dans une lutte commune pour le socialisme, la classe ouvrière au-delà des
frontières nationales.