Depuis le coup d’Etat effectué le 28 juin par les
sections les plus à droite de l’élite dirigeante et soutenu par
l’armée, qui a été formée par les Etats-Unis, les travailleurs honduriens
mènent une lutte implacable contre l’imposition d’un régime
illégitime et répressif.
Plus de 60 000 enseignants honduriens sont en grève
illimitée depuis le 29 juin, soit le jour après que le président élu, Manuel
Zelaya, fut capturé à la pointe du fusil par l’armée et sorti du pays par
avion. Les écoles demeurent fermées à la grandeur du pays, avec l’appui
des étudiants et des parents. D’autres sections de la classe ouvrière
sont entrées dans la lutte, menaçant de l’intensifier en érigeant des
barricades sur les autoroutes.
Cette résistance héroïque se développe alors que le pays se
trouve de fait en état de siège. Un couvre-feu est imposé et l’armée
contrôle les rues. Les droits démocratiques fondamentaux ont été suspendus et près
de 1000 opposants au régime issu du coup ont été arrêtés. Des sections des
médias qui s’étaient opposées à la prise de pouvoir ont été fermées, des
soldats armés prenant le contrôle d’installations servant à leur
diffusion et menaçant de tuer des journalistes.
Dimanche, le coup d’Etat a fait sa première victime.
Isy Obed Murillo, un jeune homme de 19 ans, a été abattu par des soldats
honduriens à l’aéroport de Tegucigalpa où des milliers de personnes
s’étaient rassemblées pour démontrer leur appui à Zelaya. L’armée
empêcha finalement l’avion de ce dernier de se poser.
Il y a tout lieu de craindre que cela ne soit qu’un
début, et pas seulement au Honduras. L’oligarchie à la tête de ce pays
est l’une des plus arriérées et réactionnaires de la région. Son commandement
militaire est formé par le Pentagone, qui maintient une base militaire capitale
à Soto Cano où plus de 600 soldats américains sont déployés.
Le danger que les travailleurs du Honduras puissent être
victimes d’une tragédie sanglante comme celles qui furent infligées aux
ouvriers du Brésil, de l’Uruguay, du Chili et de l’Argentine il y a
de cela plus de 30 ans est bien réel à ce point-ci.
Au Honduras, comme ailleurs en Amérique latine, on
n’a jamais véritablement réglé les comptes pour les crimes commis par les
régimes fascistes et militaires dirigés par des gangsters tels que Pinochet au
Chili et Videla en Argentine. Ceux qui étaient à la tête des escadrons de la
mort de l’armée hondurienne, escadrons bénéficiant du soutien américain,
et qui ont massacré, assassiné, « fait disparaître » et torturé il y
a de cela 25 ans bénéficient encore aujourd’hui de l’impunité, tout
comme la plupart de leurs homologues dans la région.
L’approfondissement de la crise économique mondiale, qui
a fait diminuer le pouvoir d’achat des Honduriens de 30 pour cent par
rapport à tout juste un an plus tôt, conduit à une nouvelle période
d’intense conflit de classe, affaiblissant la façade de démocratisation
érigée lorsque les chefs militaires de l’Amérique latine ont donné les
rênes du pouvoir aux politiciens civils dans les années 1980.
Les leçons des défaites passées doivent être apprises pour
en prévenir de nouvelles. D’abord et avant tout, comme ce fut démontré
maintes et maintes fois, du coup militaire brésilien en 1964, au Chili en 1973
et en Argentine en 1976, la classe ouvrière ne peut se défendre contre la
dictature en subordonnant ses luttes aux factions supposément
« progressistes » de l’élite dirigeante du pays.
Nulle part cela n’est plus vrai que dans le cas du
président hondurien, Manuel Zelaya, qui, comme les leaders mêmes du coup,
cherche à obtenir l’intervention de l’administration Obama à
Washington pour que cette dernière fasse respecter la légitimité politique de
sa présidence.
Après son vol théâtral au-dessus de Tegucigalpa dimanche
— Zelaya avait annoncé qu’il « sauterait » s’il
pouvait trouver un parachute — le président évincé a abandonné sa
promesse de retourner au Honduras par « les airs, la terre ou la
mer », se rendant plutôt à Washington mardi pour une réunion avec la secrétaire
d’Etat Hillary Clinton.
Le résultat de cette réunion fut que Zelaya donna son
accord à la « médiation » par le président costaricien Oscar Arias
entre le président élu et ceux qui l’ont renversé. Arias est un vétéran
de tels sales accords, ayant participé à la fin des années 1980 dans le
processus Esquipulas qui avait mis fin à la guérilla insurrectionnelle de
gauche en El Salvador, consolidant le pouvoir dans les mains des factions de
l’élite dirigeante appuyées par les Etats-Unis.
De manière significative, Clinton a refusé d’appeler
au retour du président renversé, permettant seulement que
l’administration américaine favorise « une résolution pacifique de
cette affaire » et la « restauration de la démocratie ».
Il n’y a aucun doute que le coup au Honduras fut
préparé avec les faveurs de Washington et en toute connaissance de cause par ce
dernier. Selon des rapports qui ont été publiés, des diplomates américains
étaient en discussion avec les opposants de Zelaya sur l’éviction du
président du pouvoir et il est impossible de croire que l’armée
hondurienne ait été déployée sans l’approbation de ses chefs américains.
L’objectif de Washington a été de remplacer le
président du Honduras dans le but de provoquer un changement de la politique
hondurienne qui serait plus favorable aux intérêts américains dans la région, y
compris de mettre un terme aux liens économiques et politiques étroits de
Zelaya avec le Venezuela d’Hugo Chavez et le Cuba de Fidel Castro. On
espérait que la rhétorique d’Obama sur le « respect mutuel »
dans l’hémisphère combinée avec quelques dénonciations officielles créeraient
les conditions pour un « coup de velours ».
La décision de Zelaya de se tourner vers Washington et
d’accepter ses demandes pour une médiation avec les dirigeants du coup
est une expression des intérêts de la classe à laquelle il appartient. Venant
d’une riche famille de propriétaires terriens avec des intérêts dans
l’industrie du bois, il est arrivé au pouvoir en tant que le candidat du
Parti libéral qui a partagé le pouvoir à tour de rôle avec le Parti national et
les militaires depuis le 19e siècle. Il avait le soutien de plusieurs parmi les
personnalités les plus riches du Honduras.
Zelaya s’est tourné vers le Venezuela comme source de
pétrole à bon marché et de prêts qui lui étaient accordés sans qu’il ait
à répondre à des questions difficiles sur la façon dont son gouvernement gère
les fonds publics. Ce virage ainsi que sa prédilection pour les expressions
creuses faisant radical ont permis de lui faire une image de dirigeant de
« gauche » défiant l’oligarchie.
En réalité, Zelaya a obtenu le soutien nécessaire pour
joindre l’ALBA (l’acronyme espagnol pour l’Alternative
bolivarienne pour les Amériques, un regroupement commercial des pays de la
région parrainé par le Venezuela) en promettant d’appuyer la candidature
à la présidence de Roberto Micheletti, le dirigeant de droite du Parlement qui
a été propulsé à la tête du pays suite au coup d’Etat.
Toutefois, peu importe les différences acerbes entre Zelaya
et les éléments de droite qui l’ont renversé, les deux factions sont des
défenseurs indéfectibles des intérêts de la classe dirigeante capitaliste du
Honduras. La résolution de la crise actuelle sur la base d’un accord
suite à une médiation des deux camps signifiera une défaite politique pour les
travailleurs du Honduras, tout en contribuant à la légitimation des coups d’Etat
militaires, qui seront plus probables en Amérique centrale et dans le reste de
l’hémisphère.
Seuls les travailleurs honduriens, qui ont été la
principale force s’opposant au coup, peuvent défaire une entente
réactionnaire pour mettre un terme à la crise actuelle. La tâche essentielle
est la construction d’un mouvement politique révolutionnaire de la classe
ouvrière qui sera indépendant de toutes les factions de la bourgeoisie et sera
armé d’un programme socialiste. Un tel mouvement doit être construit avec
l’objectif de la lutte pour un gouvernement des travailleurs et des
paysans et de la transformation socialiste non seulement du Honduras, mais
encore de toute la région comme partie de la lutte pour établir les Etats unis
socialistes des Amériques.
Les travailleurs aux Honduras et dans toute
l’Amérique latine pourront trouver un appui non dans les manœuvres
impérialistes de l’administration Obama, mais dans la classe ouvrière
américaine, qui est elle-même poussée par la crise économique à entrer en lutte
avec le capitalisme.