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WSWS : Nouvelles et analyses : Europe

Le mouvement de protestation grec requiert une perspective socialiste

Le PASOK et la SYRIZA ne sont pas une alternative au gouvernement de droite

Déclaration des sections européennes du CIQI
12 janvier 2009

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Cette déclaration a été distribuée lors des mobilisations de masse d’étudiants et de jeunes qui ont eu lieu à Athènes le vendredi 9 janvier.

Au cours du mois dernier, une série de protestations de masse, de grèves et d’affrontements avec la police ont eu lieu à Athènes et dans d’autres villes grecques. Le gouvernement conservateur de la Nouvelle Démocratie (ND) mené par le premier ministre Kostas Karamanlis est de plus en plus soumis à des pressions et le dernier remodelage du gouvernement est purement symbolique et ne changera en rien la trajectoire de sa politique.

Les deux plus importants partis d’opposition, le Mouvement socialiste panhellénique (PASOK) et la coalition de la gauche radicale (SYRIZA), appellent à de nouvelles élections afin de résoudre la crise actuelle mais aucune de ces organisations ne représente une véritable alternative au gouvernement ND. Après de nombreuses années passées au gouvernement et durant lesquelles le PASOK a appliqué une politique qui allait à l’encontre de la population, le parti a enduré des défaites dévastatrices lors des élections de 2004 et de 2007. Bien que le dirigeant du groupe parlementaire de SYRIZA, Alekos Alavanos, ait exclu récemment toute alliance avec le PASOK, personne ne devrait prendre au sérieux ses paroles. Un certain nombre d’alliances entre le PASOK et la SYRIZA existent déjà au niveau local.

Ce sont avant tout les conditions catastrophiques qui règnent dans les établissements scolaires et les universités grecques et le manque de toute perspective d’avenir qui ont fait descendre un nombre grandissant d’étudiants et de jeunes dans la rue. Les établissements publics sont complètement vétustes et la seule forme d’éducation adéquate n’est assurée que dans des écoles privées qui coûtent très cher. Au terme de leurs études, la plupart des jeunes sont voués soit au chômage soit à des emplois mal payés. Le taux de chômage des jeunes dépasse les 21 pour cent.

Des gouvernements successifs ont affirmé qu’il n’y avait pas d’argent pour l’éducation et les systèmes sociaux alors que dans le même temps une infime minorité amoncèle une fortune fabuleuse. Cette couche peut compter sur le soutien d’une élite politique corrompue et qui, du fait d’une série de scandales politiques ces dernières décennies, a clairement montré son mépris pour la grande masse de la population.

L’intervention de larges couches de la population contre cette évolution est à saluer. Mais la protestation, même dans ses formes les plus radicales, reste limitée à des illusions réformistes. Elle cherche à exercer une pression sur l’élite dirigeante dans l’espoir que celle-ci change sa politique. La crise actuelle du capitalisme exclut toutefois toute possibilité de réforme.

Partout en Europe et de par le monde la jeune génération se trouve confrontée à une société dans laquelle les élites dirigeantes se remplissent les poches aux dépens de la population, pillent les fonds publics, détruisent le système éducatif et social et défendent leurs privilèges avec l’aide d’une bureaucratie d’Etat et de partis ainsi que d’unités de police.

La crise sociale et politique en Grèce et en Europe est l’expression d’une crise profonde du système capitaliste tout entier. L’actuelle crise financière a ravivé les contradictions fondamentales du capitalisme. De par le monde, de plus en plus souvent les gouvernements réagissent à la crise en recourant à la répression interne et à une nouvelle vague d’agression militariste à l’extérieur.

C’est le sens de l’assaut meurtrier mené par l’armée israélienne contre la population sans défense de Gaza. La Grèce avec sa faible base industrielle et son économie qui sont extrêmement enclines aux crises internationales a été tout particulièrement touchée par la crise actuelle. Des milliers de personnes perdront leur emploi dans les mois à venir et Karamanlis a déjà annoncé qu’il répondrait aux difficultés économiques en appliquant des « réformes » supplémentaires, à savoir de nouvelles attaques contre la population.

La lutte contre les coupes incessantes des prestations sociales requiert une perspective socialiste. La classe ouvrière doit s’unir internationalement dans une lutte pour une société socialiste qui place les besoins sociaux et le progrès au-dessus de la course au profit d’une infime élite.

A cet égard, la population grecque n’est pas seulement confrontée à un gouvernement droitier corrompu. Les soi-disant partis de « gauche » et les syndicats défendent aussi l’ordre bourgeois et le système capitaliste.

Les conditions lamentables qui prévalent dans beaucoup d’établissements scolaires et d’universités sont en grande partie dues à la politique appliquée par le PASOK. Ce parti a dominé la politique grecque depuis la chute de la junte militaire en 1974 et formé la plupart des gouvernements grecs jusqu’en 2004. Dans les années 1980, le parti avait mis en vigueur un certain nombre de réformes sociales limitées, enrobées de rhétorique anti-européenne et anti-américaine. Mais depuis, tout comme les partis sociaux-démocrates à travers l’Europe, il a fait passer une série de coupes des prestations sociales. Avec l’arrivée au pouvoir du gouvernement PASOK de Constantin Simitis en 1996, le parti a mis en marche un processus de dérégulation et de privatisation de vastes pans du service public. Cette politique a été essentiellement adoptée et intensifiée par Karamanlis dès son entrée en fonction en 2004.

Dans le même temps, le PASOK entretient des liens étroits avec les syndicats du pays, notamment la Confédération générale des travailleurs grecs (GSEE). Mis à part des manifestations et des grèves rituelles, la GSEE n’a rien fait pour s’opposer aux privatisations qui ont commencé en 1990. En étroite collaboration avec le PASOK et les associations patronales, les syndicats ont imposé des réductions de salaire et perpétré des attaques contre les conditions de travail. La récente occupation des locaux de la GSEE à Athènes a clairement montré que cette organisation représente de plus en plus aux yeux des travailleurs et des jeunes un obstacle au progrès.

Le Parti communiste grec (KKE) a réagi aux protestations des étudiants en entreprenant un autre virage à droite. Suite aux nombreux affrontements violents qui ont eu lieu entre les manifestants et les forces de l’ordre, le KKE a attaqué les manifestants en les qualifiant de « criminels violents qui ont perdu tout contrôle d’eux-mêmes ». La seule préoccupation du parti est d’éviter toute amplification des manifestations qui les fasse échapper au contrôle du syndicat et des appareils bureaucratiques de la social-démocratie. Il est à noter que le KKE est le seul parti d’opposition à s’être prononcé contre de nouvelles élections.

Le KKE fut créé en 1918 comme parti révolutionnaire suite à la Révolution russe. Mais il se trouvait déjà dès la fin des années 1920 sous le contrôle intégral de la bureaucratie stalinienne de Moscou. Dans les années 1940, le KKE avait mis en place sa propre police secrète, l’OPLA qui jusqu’à la fin de la guerre civile avait enlevé et assassiné des centaines de trotskystes qui s’étaient opposés à la politique réactionnaire de Staline.

Le KKE a mis en application la politique traitre de Staline qui dès la fin de la guerre avait déjà accordé la Grèce aux puissances occidentales. En 1949, le KKE avait étouffé la guerre civile en Grèce en permettant aux monarchistes et aux forces de l’extrême droite de regagner de l’influence dans le pays. Cette politique avait finalement abouti dans le coup d’Etat des colonels de 1967 qui donna le pouvoir à un brutal gouvernement militaire pro-occidental et dirigé par le général Georgios Papadopoulos qui tortura et tua des milliers de personnes de gauche, des syndicalistes et des communistes.

L’empressement du KKE à soutenir aujourd’hui un gouvernement droitier s’était clairement révélé en 1989, après l’effondrement de l’Union soviétique, lorsque l’organisation avait participé à une alliance des partis de gauche qui avait brièvement rejoint la coalition gouvernementale de la Nouvelle Démocratie.

La coalition de la gauche radicale, SYRIZA, n’est pas une alternative aux vieilles organisations ouvrières. Au sein de la SYRIZA, Synaspismos constitue le plus important groupe qui tire ses racines d’une scission du KKE. SYRIZA a déclaré son soutien aux récentes manifestations et a appelé à des mesures en vue d’un règlement de la crise sociale et politique. Mais, sous le couvert de sa rhétorique, Synaspismos, en alliance avec les Verts, les maoïstes et autres radicaux, n’offre qu’une version réchauffée de la politique de protestation réformiste. L’alliance cherche à diriger le rapide mouvement vers la gauche de vastes couches de la population vers des canaux inoffensifs pour la classe dirigeante.

Les revendications de l’alliance, dont la fin du processus de privatisation, une augmentation des dépenses publiques et des réformes superficielles du système social et d’éducation, pourraient toutes provenir du programme réformiste du PASOK des années 1980. Toutefois, le virage à droite du PASOK a déjà montré clairement que la mondialisation de la production a depuis longtemps éliminé toute base à la moindre réforme progressiste.

La classe ouvrière européenne a déjà fait toute une série d’expériences avec des partis tels SYRIZA. En Italie, c’est la collaboration de l’organisation Refondation communiste (PRC) qui a aidé Silvio Berlusconi à reprendre le pouvoir. En Allemagne, le Parti La Gauche, qui est uni à Synaspismos dans la Gauche européenne, a imposé en tant que partenaire d’une coalition avec les sociaux-démocrates dans le Sénat de Berlin un certain nombre de coupes dans les prestations sociales. Aujourd’hui, Berlin arrive en tête en Allemagne en matière de taux de chômage et de pauvreté.

Dans ces conditions, les idées anarchistes ont gagné une certaine influence parmi les étudiants. La frustration et la colère de beaucoup d’étudiants contre les partis en faillite de l’establishment sont tout à fait justifiées. Mais, dans le même temps, en l’absence d’une perspective politique claire, le mouvement sera isolé et démoralisé, ce qui à son tour facilitera son exploitation par l’Etat au moyen de provocations contre les manifestations. Il y a eu un certain nombre de rapports qui ont signalé que des agents de l’Etat grec étaient impliqués dans des actes de violence perpétrés lors des manifestations antérieures. A présent, le coup de feu tiré en début de semaine sur un jeune policier sert à diaboliser les manifestants et la « gauche radicale » et ce en dépit du fait que les circonstances exactes du coup de feu et de la personne qui en est responsable restent à éclaircir.

La seule voie pour aller de l’avant pour les étudiants et les jeunes consiste à se tourner vers les travailleurs en Grèce et partout en Europe sur la base d’un programme socialiste international et qui tire les leçons politiques des riches expériences historiques de la classe ouvrière internationale.

Le World Socialist Web Site est publié par le Comité international de la Quatrième Internationale (CIQI) et ses sections de par le monde. La Quatrième Internationale fut fondée par Léon Trotsky en 1938. Elle est issue de la lutte menée par l’Opposition de Gauche contre le stalinisme en URSS. Depuis cette époque, elle défend les principes socialistes et internationalistes du mouvement marxiste dans une lutte contre la social-démocratie, le stalinisme et toutes les formes d’opportunisme politique. Nous invitons tous les étudiants, les lycéens et les jeunes à lire quotidiennement le WSWS et à prendre contact avec notre comité de rédaction.

(Article original paru le 9 janvier 2009)

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