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Julien Dray, membre en vue du Parti socialiste (PS) et, avant cela, de la Ligue communiste révolutionnaire (LCR) soi-disant trotskyste, est l’objet d’une enquête pour détournement de fonds tirés de comptes de l'association SOS-Racisme et de l'organisation lycéenne FIDL (Fédération indépendante et démocratique lycéenne.) Ce scandale a attiré l’attention du public sur les liens existant entre des organisations contestataires et les échelons élevés de l’appareil d’Etat en France.
Le 19 décembre, Le Monde révélait que Dray, 53 ans, député de l’Essonne, en banlieue sud de Paris et proche collaborateur de Ségolène Royal, candidate PS à l’élection présidentielle de 2007, était l’objet d’une enquête par Tracfin, la cellule française de lutte anti-blanchiment du ministère des Finances. Le journal citait un rapport de Tracfin faisant état de « mouvements de fonds suspects à partir de comptes de l'association Les Parrains de SOS Racisme et de l'organisation lycéenne FIDL », au bénéfice de M. Dray, principalement via son secrétariat. Dans les années 1980, Dray avait été le cofondateur de ces deux organisations.
Les enquêteurs ont fait une perquisition au domicile parisien de Dray, et un peu plus tard le même jour dans les bureaux de SOS-Racisme et de la FIDL.
Le Monde écrit, « les flux suspects au préjudice de la FIDL, mais aussi des Parrains de SOS-Racisme, se montent à 351 027 euros. Il y a eu 94 350 euros retirés en espèces sur trois ans des comptes des Parrains de SOS par un membre du bureau. Des chèques, pour un total de 127 377 euros, ont été tirés sur les comptes de la FIDL et des Parrains de SOS sur la même période, puis encaissés par Nathalie Fortis (attachée de presse de SOS et de Julien Dray) et Thomas Persuy (directeur administratif et financier), tous deux ayant les signatures des comptes. Tracfin signale que 102 985 euros ont été versés par les mêmes Fortis et Persuy sur les comptes personnels de Dray. »
Il est significatif que ni la FIDL ni SOS-Racisme, toutes deux victimes présumées de l’affaire, n’aient critiqué la conduite de Dray mais qu’elles aient au contraire pris sa défense. Un porte-parole de la FIDL a dit avoir appris par voix de presse que son local « allait être perquisitionné dans le cadre d'une enquête préliminaire pour un détournement de fonds dont nous serions les victimes. » Il a dénoncé ce qu’il a appelé « des amalgames médiatiques » visant à « gravement nous salir. » L’avocat de SOS-Racisme, Dominique Tricaud a mentionné « le bazar dans la paperasse » mais il a ajouté que « l’argent n’a pas été détourné de sa destination. Après, que les règles de comptabilité soient nullissimes, je suis tout prêt à le croire. »
Dray s’est refusé à tout commentaire public sur l’affaire, disant qu’il ne parlerait qu’à la brigade financière. Il a dit à Libération : « Je fournirai les éléments et les réponses aux questions qu’on voudra bien me poser. Pour l’instant, nous contestons les versions et les interprétations qui ont été données jusqu’à présent. »
De telles assurances ne sont pas totalement crédibles, étant donné le bilan de Dray en matière d’implications dans des scandales de financement. En 1999, l’achat par Dray d’une montre d’une valeur de 54 000 euros avait été mentionné dans une enquête pour corruption à la MNEF (Mutuelle nationale des étudiants de France.) La semaine dernière, l’hebdomadaire satirique Le Canard enchaîné a rapporté que durant les trois dernières années, Dray avait dépensé plus de 200 000 euros pour l’achat de montres, de stylos, de chaussures de luxe et de séjours dans des hôtels luxueux de Monaco.
Mais comme le suggèrent ces ennuis passés, ces allégations contre Dray ne datent pas d’hier et ne sont pas une grande surprise. De plus le moment choisi pour les révéler est, à n’en pas douter, une décision politique. Au moment où elles ont été révélées, des manifestations de masse d’étudiants et de jeunes travailleurs ébranlaient la Grèce et les gouvernements d’Europe surveillaient attentivement les événements grecs, craignant leur propagation dans leur propre pays. En France, la FIDL avait appelé à des manifestations contre le projet de réforme du lycée.
Il est fort probable que le moment choisi pour révéler le scandale concernant Dray avait pour objectif de discréditer la FIDL et d’émousser l’enthousiasme pour les manifestations, servant ainsi les intérêts de la bourgeoisie française et européenne.
Ces révélations concernant Dray fournissent aussi une leçon importante sur la politique de SOS-Racisme et de la FIDL. Fondées sur l’opposition humanitaire et démocratique à l’ordre social plutôt que sur l’opposition de classe au capitalisme, de telles organisations sont, au sens propre comme figuré, une valeur que le personnel haut placé de l’Etat français utilise dans sa tentative d’endiguer toute opposition politique des travailleurs et des jeunes.
La biographie de Dray montre particulièrement comment ces organisations, dès leur création, ont servi de mécanisme politique visant à intégrer les étudiants radicalisés dans l’establishment bourgeois français, dès la période d’après 1968.
En 1969, à l’âge de 16 ans, Dray débuta sa carrière politique au sein de la Ligue communiste révolutionnaire pabliste. En 1980, il joua un rôle prédominant dans la création de l’UNEF-ID (Union nationale des étudiants de France-indépendante et démocratique.) L’UNEF-ID venait de la fusion de deux organisations étudiantes, le Mouvement d’action syndical (MAS) dirigé par Dray et l’UNEF-US (UNEF-Union Unité) dirigée par Jean-Christophe Cambadélis appartenant à une autre organisation soi-disant trotskyste, l’OCI (Organisation communiste internationaliste.) Toutes deux s’opposaient à l’UNEF (Union nationale des étudiants de France) dirigée par le Parti socialiste. Dray fut le vice-président de l’UNEF-ID de 1980 à 1984.
Après dix ans à la LCR, Dray rejoignit le PS en 1982, dans les premières années de la présidence de François Mitterrand. A l’époque, un certain nombre de membres de la LCR et de l’OCI quittaient leur parti pour rejoindre le PS, dont les plus notoires sont Dray, Cambadélis et Henri Weber (qui avait quitté la LCR pour devenir un proche collaborateur de l’ancien premier ministre Laurent Fabius.)
L’expérience de Dray au poste de dirigeant du syndicat étudiant lui a bien servi pour ensuite fonder d’autres organisations contestataires. Il devint membre fondateur de SOS-Racisme en 1984 et occupa le poste de vice-président de l’association pendant quatre ans. SOS-Racisme et des membres de l’UNEF-ID organisèrent ensuite une section de militants lycéens au sein de la FIDL en 1987, après les manifestations de 1986 contre la loi Devaquet. Dray a aussi sponsorisé le groupe féministe « Ni putes, ni soumises ».
Bien que Dray ait techniquement quitté la direction de SOS-Racisme et de la FIDL, l’enquête en cours pour détournement de fonds et la réaction de ces deux organisations montrent clairement que Dray y exerce encore une influence considérable.
Dray a prouvé son utilité lors des manifestations étudiantes de 1990, où il a joué un double jeu. Tandis que Isabelle Thomas, collaboratrice de Dray, était chargée de mission pour les problèmes de la jeunesse dans le gouvernement Mitterrand, la FIDL cherchait à organiser et restreindre le puissant mouvement de protestation qui avait éclaté contre les mauvaises conditions dans les lycées et les banlieues. Mitterrand avait assisté, à la demande de Dray, à un congrès e la FIDL et avait finalement porté un coup d’arrêt aux manifestations en promettant de consacrer 700 millions d’euros à l’entretien des lycées.
Dray devint une personnalité de premier plan de l’aile gauche du PS, mettant en place de nombreuses tendances avec d’autres de l’aile gauche du PS : la Gauche socialiste avec Jean-Luc Mélenchon et Marie-Noëlle Linemann en 1988 et le Nouveau Parti socialiste (NPS) avec Vincent Peillon, Arnaud Montebourg et Benoît Hamond en 2002. Il prônait une position du tout sécuritaire pur et dur et soutint la Loi pour la sécurité intérieure de 2003 du ministre de l’Intérieur de l’époque Nicolas Sarkozy.
Dray quitta le NPS en 2003 et oeuvrant ensemble avec le gouvernement gaulliste au pouvoir, il contribua à organiser la campagne du PS en faveur de la Constitution européenne en 2005 qui fut sabordée par le vote pour le « Non » du peuple français lors du référendum. Par la suite il devint collaborateur et conseiller de Ségolène Royal, candidate présidentielle du Parti socialiste en 2007, favorable à l’économie de marché.
(Article original anglais paru le 14 janvier 2009)
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