Le 21 janvier le Parti socialiste francais
annonçait un plan d’alternative pour une relance de l’économie française. Il le
faisait après des mois de soutien tacite aux plans de sauvetage du système
bancaire français mis en place par le gouvernement conservateur de Nicolas
Sarkozy, notamment un plan de sauvetage de 360 milliards d’euros en octobre
dernier. Le 4 décembre, à Douai, Sarkozy avait annoncé un plan de relance « massif », de l’économie cette fois.
Le « contre plan » plan du Parti socialiste, qui porte le titre d’« Agir vraiment contre la crise »,
est essentiellement une extension du récent plan de sauvetage du capitalisme
français aux dépens de la classe ouvrière de Sarkozy.
Le plan du PS prévoit une injection de 50
milliards d’euros d’argent du contribuable, de façon directe ou indirecte, dans
les coffres du patronat, au lieu des 26 milliards prévus par le plan de relance
gouvernemental. Le Parti socialiste met l’accent sur la relance d’une
production en rapide déclin au moyen d’une relance de la consommation tant au
niveau des ménages qu’au niveau étatique régional et local, ainsi que sur une
plus large intervention de l’Etat dans le secteur industriel et bancaire.
Le plan suit étroitement les
recommandations du Fonds monétaire international et correspond à la somme mise
à la disposition de l’économie par le gouvernement de coalition allemand
(CDU-SPD) pour son propre pan de relance. La secrétaire nationale du PS,
Martine Aubry, le présenta ainsi : « Notre plan mobilise 50 milliards de crédits dont 10 milliards en
capital, ce qui se situe dans la fourchette de 2 à 3 pour cent du PIB
préconisée par les experts et par le FMI. »
Le plan d’alternative a été présenté dans
les médias français comme le retour sur la scène politique et la « contre-offensive » d’un Parti socialiste qui se trouvait
jusque-là dans une crise profonde. En novembre dernier, le congrès du PS avait
abouti à l’élection d’Aubry comme secrétaire nationale à la suite d’une
confrontation ouverte entre diverse factions du PS et un vote au finish entre
l’ancienne candidate du PS à la présidence, Ségolène Royal et Aubry elle-même.
La décision du PS de présenter un « contre plan de relance » fait
partie d’une tentative, dans les derniers mois de 2008, de la part de plusieurs
partis sociaux-démocrates européens, de montrer un visage un tant soit peu plus
radical. Aubry avait déjà fait campagne contre Royal au congrès de novembre
avec le slogan « ancrer le PS
à gauche », Royal faisait elle des avances au parti de centre droit, le
Modem (Mouvement démocrate).
Le plan de relance fut, mis à part quelques
« réserves » d’une
personnalité de second plan du PS, Malik Boutih (auquel Sarkozy a par deux fois
demandé de rejoindre son gouvernement), soutenu par toutes les factions du PS.
Le dirigeant de la soi-disant aile gauche de ce parti, Benoît Hamon dit de ce
plan : « C’est un plan
efficace, qui s’attaque aux racines de la crise économique, un plan complet,
ambitieux et crédible », qui permet « un effet de levier sur l’économie ».
On fit grand cas des mesures destinées à
augmenter l’argent à la disposition de ceux qui dépendent de l’allocation
chômage et autres allocations d’Etat pour vivre. Selon le PS, une somme unique
de 500 euros serait mis à la disposition d’en tout 12 millions de personnes, le
salaire minimum garanti serait augmenté de 3 pour cent immédiatement et
l’allocation logement augmenterait de 10 pour cent. Il y a aussi des mesures
pour influencer les prix au moyen d’une réduction de la TVA de 19,6 à 18,6 pour
cent et un gel des loyers en 2009 et 2010 dans les régions où ils sont en forte
hausse. On présenta ces mesures comme particulièrement favorables aux couches
les plus pauvres « c’est une
mesure très efficace, car ce sont des ménages [les plus pauvres] qui ont une
propension à consommer très forte ».
D’autres mesures de ce plan sont censées « protéger » les ouvriers au chômage.
On propose une extension du paiement et de la durée du chômage technique dans
l’industrie et on y appelle à un recours aux préretraites. On veut « rendre les licenciements plus
difficiles », dit le PS. Mais l’ancien ministre de l’Economie sous
Mitterrand, Michel Sapin, dit que « Si la plupart des entreprises qui licencient ne peuvent pas faire
autrement, hélas, certaines y ont recours uniquement pour améliorer leur
profitabilité. Dans ce cas, il faut que les plans sociaux soient examinés à la
loupe et qu'ils soient proportionnels aux moyens de l'entreprise ».
Le plan propose divers encouragements à
l’investissement public tels que l’augmentation des fonds d’Etat pour les
régions et les municipalités. Cela est censé leur permettre de réaliser des
plans déjà établis, d’investir dans des projets écologiques. On entend geler
les réductions d’effectifs dans les hôpitaux et engager des projets de
modernisation des hôpitaux. Le PS propose aussi la construction de 300.000
logements sociaux supplémentaires.
D’autres mesures, aussi nombreuses, doivent
faciliter l’investissement privé qui doit être « relancé durablement ».
Une partie du plan est dédiée à
l’intervention de l’Etat dans l’économie. L’Etat doit intervenir « de façon contraignante » dans les
banques qui sont recapitalisées et les conditions attachées à un sauvetage et à
la mise à disposition de nouveaux fonds doivent être plus strictes. L’Etat
utiliserait différents moyens, au niveau par exemple de la taxe
professionnelle, pour influencer les décisions prises par les entreprises. Le PS
préconise que l’Etat devienne un actionnaire temporaire dans l’industrie et
dans les services, ainsi que cela a déjà été envisagé pour les banques.
Suivent des mesures destinées à « moraliser » les systèmes bancaire et financier. « En commençant bien sûr par la suppression de l’ensemble des
indemnités de départ et des bonus des dirigeants ayant conduit leurs
entreprises dans l’impasse ; en poursuivant par l’interdiction pour les
banques ayant perçu une aide de l’Etat de verser des dividendes ou de racheter
leurs actions. »Une banque qui reçoit de l’argent des impôts serait obligée d’avoir
un représentant de l’Etat dans son conseil d’administration.
La dernière partie du contre plan est
dédiée à la réintroduction d’une forme de règlementation du système bancaire,
de nouvelles lois devant être votées au niveau national et européen, y compris
un plus strict contrôle des revenus des hauts managers et une « lutte contre la fraude et l’évasion
fiscale ».
Malgré ses appels vagues à une
règlementation financière au niveau européen, le contre plan du PS est
nationaliste et utopique.
Il situe les origines de la crise
uniquement dans les bas salaires et un manque de consommation, dans ce qui
serait, par ailleurs, un système économique viable. Le plan déclare ainsi « Une fois le stade aigu de la crise
passé, nous refusons que les mêmes choix politiques qui ont conduit à la
catastrophe soient de nouveau mis en œuvre. »
La point de départ du PS est que l’Etat
français est en mesure de protéger l’économie nationale d’une crise qui est,
elle, mondiale. L’incapacité des divers blocs économiques et Etats nationaux de
trouver une solution commune à la crise a été clairement démontrée au moment où
la crise a éclaté. Malgré les déclarations en faveur d’actions concertées
contre la crise, chacune des économies les plus importantes s’est engagée sur
la voie du protectionnisme et a décrété ses propres mesures de relance et de
sauvetage, dirigées contre ses rivales, sans qu’aucun de ces plans n’ait
d’ailleurs eu aucun effet sur la crise.
Un tel plan national ne peut que signifier
l’attaque des conditions de vie des ouvriers en vue d’améliorer les chances de
l’économie française vis-à-vis de ses rivales en Europe et dans le monde. C’est
le sens de la plainte du PS selon laquelle le gouvernement Sarkozy ne mettait
pas assez d’argent à la disposition de l’économie. Ce plan ne peut être réalisé
qu’au moyen d’une détérioration des conditions de travail, des salaires et des
revenus de la classe ouvrière.
Il ne peut pas défendre les emplois. Il se
fonde sur l’idée qu’une dépense à court terme des ménages va donner un
« coup de fouet » à la consommation et par là, relancer la
production. Mais les employeurs eux, licencient à tour de bras, poussant à la
baisse des salaires et fermant usines et bureaux.
Le PS et son plan ne prennent absolument
pas en compte la réalité de la crise. Leur prémisse erronée est que celle-ci,
due à la sous-consommation, est elle-même produite par un déséquilibre dans la
distribution et non pas qu’il s’agit d’une crise de la production capitaliste
elle-même. La formule utilisée par le PS est celle d’« une crise structurelle du modèle contemporain de capitalisme »
et celui-ci préconise la réforme d’un système qui ne peut pas être réformé.
Selon le contre plan le système n’est pas
seulement fondamentalement sain, mais il retrouvera sa santé à court plutôt
qu’à long terme, à condition qu’on aide l’industrie et les banques à traverser
la tempête. En général le plan du PS n’est pas fondamentalement différent de celui
du gouvernement Sarkozy. Le journal d’affaires Les Echos écrit à ce
propos : « Concrètement,
ces plans doivent être précédés par une remise en route des circuits
financiers. Le sauvetage des banques est « une précondition » sinon
l'argent dépensé sera gâché. Le contre-plan du PS veut conditionner les aides
aux banques à l'octroi de crédit et à la suppression des bonus, exactement
comme l'a demandé le président de la République. Egalité gauche-droite sur ce
point. »…
...» Le plan Sarkozy et le contre-plan Aubry proposent en gros la même
chose pour les entreprises. Même focalisation, notamment, sur l'automobile
alors que selon le FMI les aides sectorielles comme le refinancement des
constructeurs américains sont une mauvaise idée. »
Une réponse socialiste à la crise du
système capitaliste comprendrait l’expropriation des banques et des grands
groupes par la classe ouvrière pour qu’ils soient dirigés de façon à satisfaire
les besoins sociaux. Cela présuppose une mobilisation de la classe ouvrière
pour prendre le pouvoir politique et l’établissement d’un gouvernement ouvrier.
(Article original anglais paru le 31
janvier 2009)