Le Parti de l’Egalité socialiste (Socialist Equality Party, SEP) et
l’Internationale étudiante pour l’Egalité sociale (ISSE) au Sri Lanka ont
organisé, à Colombo le 10 novembre, une réunion qui a attiré beaucoup de
monde, pour marquer le 70e anniversaire de la Deuxième Guerre
mondiale.
Le membre du comité politique du SEP, Nanda Wickremasinghe, qui a présidé
la réunion a expliqué qu’en plein milieu de la plus grande crise économique
mondiale depuis les années 1930, il était nécessaire pour la classe ouvrière
de tirer les enseignements politiques indispensables des événements de la
Deuxième Guerre mondiale.
« La Deuxième Guerre mondiale fut le point culminant de trois décennies
de crise provoquée par le marasme économique de 1913 et l’éruption de la
Première guerre mondiale en 1914. Après la Révolution russe de 1917, des
situations révolutionnaires émergèrent en Allemagne en 1918 et en 1923, en
Grande-Bretagne en 1926, en Chine en 1927, en Allemagne en 1933-34, en
France et en Espagne en 1936 et qui furent trahies par la social démocratie
et le stalinisme. La classe capitaliste sauva sa peau en tuant plus 100
millions d’êtres humains dans deux guerres mondiales. »
Wickremasinghe a dit que c'est seulement sur la base de cette destruction
massive des forces productives, des trahisons du stalinisme et de la force
de l’économie américaine que le capitalisme mondial fut capable de se
stabiliser à nouveau après la Deuxième Guerre mondiale. « Cette époque est
définitivement révolue. Une fois de plus, la question d’un nouveau partage
du monde est à l’ordre du jour. Les Etats-Unis sont à présent la principale
nation débitrice du monde. Ils sont à présent non seulement confrontés à
leurs vieux adversaires mais aussi à de nouveaux comme la Chine, » a-t-il
dit.
L’orateur a souligné que le militarisme connait une fois de plus une
ascension comme le prouvent les guerres hégémoniques menées par les
Etats-Unis en Irak et en Afghanistan pour la domination des régions du Moyen
Orient et de l’Asie centrale riches en énergie. « Il est clair une fois de
plus que le système capitaliste est une chaîne réactionnaire qui entrave les
forces productives. Le risque d’une Troisième Guerre mondiale utilisant des
armes nucléaires est réel. Comme Rosa Luxembourg l’avait expliqué,
l’alternative à laquelle la classe ouvrière est confrontée est socialisme ou
barbarie. »
Le président de l’ISSE, Kapila Fernando, a expliqué : « La Deuxième
guerre mondiale n’était pas le produit d’un méchant Hitler ou d’un méchant
Mussolini ou d’une autre « mauvaise personne » mais le résultat des
contradictions inhérentes et insolubles du capitalisme. Les ex radicaux
petits bourgeois affirment qu’il n’y aura pas d’autre guerre mondiale parce
que les énormes stocks d’armes nucléaires signifient la destruction pour
tous. Mais la question qui se pose est de savoir pourquoi les grandes
puissances se constituent une telle réserve pour commencer ; c'est une
question à laquelle ces gens sont incapables de répondre. »
Fernando a cité les récents commentaires faits par des analystes sri
lankais qui disent que la montée de la Chine d’ici 2014 au rang de première
économie mondiale écarterait la guerre en faisant obstacle aux puissances
américaine et européennes. Loin d’endiguer le risque de guerre, a-t-il
expliqué, l’émergence de la Chine ne fera qu’intensifier les tensions entre
les principales puissances. Dans le même temps, les tensions sociales
grandissantes au sein de l’ensemble de ces pays, y compris la Chine,
entraîneront l’émergence de crises révolutionnaires et l’opportunité
d’abolir le capitalisme.
Wije Dias s’adressant à l’auditoire
Le secrétaire général du SEP, Wije Dias, qui a prononcé le discours
principal, a commencé par expliquer : « Nous ne voulons pas d’une autre
guerre mondiale destructrice mais les profondes contradictions du
capitalisme poussent les puissances capitalistes à la guerre. Le Comité
International de la Quatrième Internationale et ses sections tirent les
enseignements de la Deuxième Guerre mondiale afin de préparer la classe
ouvrière et les masses opprimées aux luttes à venir. »
Dias a cité la brillante analyse rédigée en 1934 par Léon Trotsky La
guerre et la Quatrième Internationale et dans laquelle il avait analysé
la situation cinq ans avant le début de la guerre. « La catastrophique crise
commerciale, industrielle, agraire et financière, la rupture des liens
économiques, le déclin des forces productives de l’humanité, l’insupportable
aggravation des contradictions de classe et internationales marquent le
crépuscule du capitalisme et confirment pleinement la caractérisation de
notre époque faite par Lénine comme étant une époque de guerres et de
révolutions, » écrivait Trotsky.
« A l’intérieur de chaque pays, l’impasse historique du capitalisme
s’exprime dans le chômage chronique, la baisse du niveau de vie des
travailleurs, la ruine de la paysannerie et de la petite bourgeoisie
urbaine, la décomposition et la décrépitude de l’Etat parlementaire, dans
l’empoisonnement monstrueux du peuple par une démagogie ‘sociale' et
‘nationale’ face à une liquidation effective des réformes sociales, la mise
à l’écart et le remplacement des vieux partis dirigeants par un appareil
militaro-policier nu (Bonapartisme, du capitalisme en déclin), dans
la croissance du fascisme, sa prise de pouvoir et l’écrasement de toutes les
organisations prolétariennes sans exception. »
Dias a dit que telles étaient les conditions se développant aujourd’hui.
Après la Deuxième Guerre mondiale, une tendance opportuniste connue sous le
nom de Pablisme avait émergé au sein de la Quatrième Internationale et qui
s’adapta à la stabilité relative apparente du capitalisme mondial. Elle
affirma que les contradictions du capitalisme avaient été surmontées dans
les pays capitalistes avancés et nia la capacité révolutionnaire de la
classe ouvrière.
Dias a expliqué comment ces théories furent mises en pièces par la crise
économique et politique du capitalisme qui avait surgi à la fin des années
1960, y compris aux Etats-Unis. Au début des années 1970, la classe ouvrière
avait adopté une position offensive partout dans le monde. « Toutefois, ces
luttes furent bloquées et trahies par la social démocratie et le stalinisme
soutenus par le Pablisme. C’est pourquoi, il est extrêmement important de
construire un parti révolutionnaire de la classe ouvrière qui soit
indépendant, » dit-il.
Dias s'est penché sur les expériences faites par la classe ouvrière sri
lankaise durant la Deuxième Guerre mondiale. « Les écrits de Léon Trotsky
avaient eu un profond impact sur un groupe de jeunes intellectuels. La
politique de Front populaire du stalinisme avait ouvert la voie à la
dictature fasciste de Franco en Espagne et au renforcement de gouvernements
bourgeois en France. Au Sri Lanka, un groupe de jeunes gens forma le ‘Groupe
T[rotsky]’ puis en 1935 le Lanka Sama Samaja Party (LSSP).
« Quatre ans après l’établissement du LSSP, ses dirigeants reconnurent la
nécessité de déclarer publiquement les principes trotskystes du parti. Ils
votèrent une résolution condamnant le rôle traître de l’Internationale
communiste stalinienne dans la trahison de la classe ouvrière en France et
en Espagne. Cinq dirigeants, menés par S.A. Wickramasinghe, rejetèrent la
résolution pour former le Parti communiste stalinien de Sri Lanka. »
Dias a expliqué que Staline avait d’abord signé un accord avec Hitler
pour ouvrir la voie à l’invasion nazie de la Pologne et à l’éruption de la
guerre en Europe. Puis, après l’attaque de l’Union soviétique par
l’Allemagne nazie, Staline bascula dans l’autre camp impérialiste mené par
la Grande-Bretagne. Fondé sur l’analyse de Trotsky, le LSSP s’opposa à la
guerre et dénonça l’affirmation des staliniens selon laquelle il s’agissait
d’une guerre pour la démocratie et contre le fascisme.
« L’impérialisme britannique reconnut très justement le danger posé par
l’existence d’un parti trotskyste au Sri Lanka. Le gouvernement colonial
interdit le LSSP en 1940 et emprisonna ses principaux dirigeants. Ils
s’échappèrent toutefois de prison et s’établirent en Inde. Là, les
dirigeants du LSSP mirent tout en œuvre pour former le Parti
léniniste-bolchevique de l’Inde (BLPI) et unifier la classe ouvrière de
l’Asie du Sud contre le régime de l’impérialisme britannique. »
Pour conclure, Dias a souligné l’importance de la direction
révolutionnaire et appelé les participants à la réunion à rejoindre le Parti
de l’Egalité socialiste comme moyen de lutter pour une alternative
socialiste à la guerre.