Après plusieurs mois de manifestations, le dirigeant de l’opposition
Andry Rajoelina a prêté serment comme président de l’île de Madagascar
qui est située dans l’Océan indien. L’ancien président, Marc
Ravalomanana, a démissionné la semaine dernière après avoir tenté de confier
le pouvoir à un comité militaire composé de hauts gradés de l’armée et
de la marine.
De puissantes sections issues des rangs inférieurs de l’armée
ont soutenu Rajoelina contre Ravalomanana et les gradés de l’armée l’ont
aidé à saisir le pouvoir. Le colonel de l’armée André Ndjiarijaona a
déclaré, « Nous avions déjà dit que nous ne voulions pas de cette
autorité militaire, c’est encore un stratagème de M. Ravalomanana. Les
gens ici ne veulent pas d’une autorité militaire. »
La prise de pouvoir de Rajoelina a été condamnée par l’Union
africaine (UA) qui a suspendu l’adhésion de Madagascar en protestant
que sa prise de pouvoir était un « coup d’Etat ». La
Communauté de développement de l’Afrique australe (SADC) a considéré l’imposition
de sanctions contre Madagascar. Cette attitude est partagée par les
gouvernements occidentaux y compris les Etats-Unis qui ont coupé leur aide
financière. L’on évalue que jusqu’à 70 pour cent du revenu du pays
en aide et en soutien provient de dons de charité, c’est pourquoi Rajoelina
s’efforce à présent désespérément de récupérer le soutien occidental.
Rajoelina, riche homme d’affaires, est entré en
politique après avoir été élu maire de la capitale malgache, Antananarivo, en
décembre 2007. Il a largement vaincu le candidat du parti de Ravalomanana en
remportant 60 pour cent des voix. Il a critiqué le régime de plus en plus
autoritaire de Ravalomanana et gagné le soutien des masses qui réclamaient l’amélioration
de leurs conditions de vie.
Le conflit s’était nettement aggravé en décembre
2008 lorsque Ravalomanana avait pris la décision de fermer la station de
télévision de Rajoelina après que celui-ci avait transmis une interview de l’ancien
président Ratsiraka qui avait été évincé par Ravalomanana en 2002 lors d’un
mouvement populaire identique. Ratsiraka qui vit en exil en France est l’un
des partisans de Rajoelina.
En janvier, Rajoelina avait organisé des rassemblements
oppositionnels et une grève générale dans la capitale. Des dizaines de
partisans de l’opposition avaient été tués. Le 31 janvier, Rajoelina
avait défié Ravalomanana en disant que c'était lui le véritable dirigeant de
Madagascar. Ravalomanana avait répliqué en le destituant de son poste de
maire.
D’autres manifestations qui avaient eu lieu en
février avaient été réprimées par l’armée au cours desquelles une
trentaine de manifestants avaient été tués. Rajoelina avait renforcé sa
tentative de prise de pouvoir en annonçant un gouvernement alternatif.
Le pouvoir a commencé à s’effriter pour
Ravalomanana en mars lorsque des soldats stationnés dans les casernes de la
capitale ont refusé d’exécuter ses ordres et de recourir à la force
contre les manifestants. A un moment donné Rajoelina a trouvé refuge à l’ambassade
de France. Des tentatives de médiation faites d’abord par l’Union
africaine puis par les Nations unies ont échoué.
Le 16 mars une centaine de soldats sont entrés dans le
palais présidentiel et s’en sont emparé bien que Ravalomanana était
retranché ailleurs. Un porte-parole de la section de l’armée a dit que
cette dernière refusait de recevoir des ordres de Ravalomanana.
Selon Africa Confidential, le projet selon lequel
Ravalomanana allait remettre le pouvoir à un comité militaire, avait été mis
en avant pas l’ambassadeur américain, R. Niels Marquardt. Cependant,
des officiers de rangs inférieurs se sont opposés au projet. Africa
Confidential précise : « L’on rapporte que les commandants
militaires affectés à jouer ce rôle [à savoir, la prise de pouvoir dans une
junte militaire] … l’ont refusé en présence d’un officier
subalterne brandissant une Kalashnikov. A un moment crucial, il semblait être
sur le point de vouloir faucher les dignitaires rassemblés pour l’occasion …
Heureusement, la tension s'est dissipée. »
Ravalomanana, riche homme d’affaires ayant fait
fortune dans l’industrie laitière, était devenu le dirigeant de
Madagascar en juin 2002. S’ensuivit une période de lutte de six mois
contre le président sortant, Didier Ratsiraka, qui tout en évitant de
justesse une guerre civile, avait coûté la vie à des dizaines de civils. Le
conflit avait éclaté après des élections contestées. Ratsiraka avait été au pouvoir
pendant plus de vingt ans et entretenait d’étroites relations politiques
avec la France, l’ancienne puissance coloniale. Ravalomanana avait été
en mesure de triompher avec l’aide des Etats-Unis.
Ravalomanana fut réélu président en décembre 2006. Durant
son mandat il chercha à multiplier des liens avec les pays africains
anglophones, Madagascar adhérant en 2005 à la Communauté de développement de
l’Afrique australe (SADC).
Il a ouvert le pays aux investisseurs occidentaux,
notamment aux sociétés minières. Les investissements directs étrangers à
Madagascar ont triplé en 2006 et triplé à nouveau l’année suivante. Des
sociétés pétrolières américaines et britanniques explorent en offshore et des
sociétés canadiennes, japonaises et coréennes se sont associées pour
développer une mine de cobalt et de nickel. Rio Tinto a démarré la production
dans leur mine de limonite. Un projet proposé par le groupe sud-coréen Daewoo
Logistics de louer de vastes surfaces de terres agricoles pour produire de la
nourriture pour la Corée du Sud était en discussion, mais semble avoir été
rejeté par Rajoelina.
Ravalomanana a également courtisé les Chinois et en
novembre dernier, Wu Bangguo, le président du comité permanent de l’Assemblée
populaire nationale s’était rendu à Madagascar pour le rencontrer. Le même
mois, le groupe sidérurgique chinois Wuhan Iron & Steel signait un accord
de coopération pour l’exploitation des ressources minières à
Madagascar.
En dépit des investissements réalisés à Madagascar, l’île
demeure l’un des pays les plus pauvres du monde, en arrivant au 143e
rang de l’indice de développement humain. Environ 70 pour cent de la
population disposent d’un revenu inférieur à un dollar par jour et
luttent pour survivre.
Rajoelina a prêté serment le 21 mars comme président de
« l'Autorité de transition ». Il a suspendu le parlement en
promettant des élections d’ici 24 mois et cherche à introduire des
modifications constitutionnelles. En l’état actuel des choses,
Rajoelina, qui a 34 ans, serait trop jeune pour briguer un mandat
présidentiel, l'âge minimum requis étant de 40 ans. En dépit du soutien
populaire dont il bénéficie par rapport à son opposant Ravalomanana, la
politique de Rajoelina n’est pas fondamentalement différente mis à part
qu’il est appuyé par d’autres sections de l’élite dirigeante.
Sans souscrire explicitement à Rajoelina, le président
Nicolas Sarkozy a dénoncé la prise de pouvoir comme étant « un coup d’Etat »
en appelant dès que possible à l’organisation de nouvelles élections,
la France a rapidement réagi aux développements actuels car elle avait été
prise de court par le renversement en 2002 de Ratsiraka par Ravalomanana.
Fin février, le gouvernement français avait annoncé que
Jean-Marc Châtaigner serait le nouvel ambassadeur à Madagascar. Ceci vient
après un vide de sept mois laissé après le départ, sur ordre de Ravalomanana,
de l’ancien ambassadeur. Châtaigner, un diplomate de carrière, avait
été directeur de cabinet du secrétaire d’Etat chargé de la coopération
et de la francophonie.
Il s’était envolé pour Madagascar juste deux jours
avant la démission de Ravalomanana. Selon le site internet Topmada.com, l’épouse
de Rajoelina se trouvait dans le même avion que l’ambassadeur de France
et Châtaigner avait été accueilli à l’aéroport par Rajoelina.
Le 19 mars, Châtaigner a rendu une visite officielle à
Rajoelina. S’adressant aux médias après sa visite, Rajoelina a souligné
l’importance des relations entre la France et Madagascar.
Bien qu’à ce jour l’on ne sache pas
grand-chose sur les forces et les intérêts qui se cachent derrière la mise en
place de Rajoelina, il est évident qu’elle est dans la lignée des
manoeuvres impérialistes grandissantes et qui visent l’exploitation des
ressources de l’Afrique. Les travailleurs et les paysans de Madagascar
ne tireront aucun profit du remplacement à la tête de l’Etat d’un
riche homme d’affaires par un autre.