Dans un rapport remis lundi dernier à
l’occasion de la Conférence de Bangkok (Thaïlande)des Nations unies sur la
politique alimentaire, Jacques Diouf, secrétaire général de la FAO (Organisme des
Nations unies pour l’alimentation et pour l’agriculture) a averti que plus d’un
milliard de personnes dans le monde connaîtront très probablement des problèmes
de famine en 2009. Ce chiffre dépasse les 963 millions, soit d’après les
prévisions de la FAO, autour d’une personne sur sept en 2009.
Diouf a souligné qu’alors que les prix des
denrées agricoles de première nécessité comme le riz, le maïs, ou le blé ont
baissé par rapport aux prix catastrophiques atteints en 2008, ils demeurent
autour de 30 pour cent plus élevés qu’en 2005. La semaine dernière, dans une
interview donnée au Financial Times, Diouf a soutenu que la crise
alimentaire n'est pas terminée.
Les prix actuels constituent déjà une
énorme charge pour les pauvres et pour la classe ouvrière de par le monde.
Diouf a prévenu que les prix pourraient une nouvelle fois être au niveau de
ceux de 2007 et de 2008 suite à l’absence de crédits actuellement accordés aux
agriculteurs, ce qui a nui à leur production et à leur capacité de production
et de développement.
En 2007 et en 2008, le prix du maïs a
augmenté de 31 pour cent, celui du riz de 74 pour cent, celui du soja de 87
pour cent et celui du blé de 130 pour cent. L’incapacité d’un grand nombre de
personnes à accéder dans ces circonstances à des produits alimentaires basiques
a provoqué des troubles au niveau mondial et des émeutes de la faim ont éclaté
dans pas moins de 30 pays.
La FAO a établi dans le détail une liste
des urgences dans le domaine alimentaire. Dans la mise à jour la plus récente
des urgences alimentaires, publiée en février, la FAO signale que 32 pays du
monde sont dans un état de crise immédiate et d’insécurité alimentaire et ces
pays ont besoin d’une aide extérieure. La FAO a accordé une importance
particulière à la bande de Gaza, dévastée par les récentes agressions
israéliennes ainsi qu'au Kenya, à la Somalie et au Zimbabwe, pays « où la
sécurité alimentaire est précaire suite à des récoltes affectées par la
sécheresse, à une guerre civile et/ou à la crise économique. »
Selon ce rapport « En Afrique de
l’Est, plus de 18 millions sont confrontés à de graves problèmes alimentaires
soit à cause de conflits, soit à cause de troubles, soit à cause de mauvaises
conditions météo, soit à cause de l’association de ces problèmes. Au Kenya des
millions de personnes sont confrontées à des problèmes alimentaires et le
gouvernement « a déclaré l’état de catastrophe nationale et a indiqué
qu’approximativement 10 millions de personnes n’ont aucune sécurité alimentaire,
y compris les 3,2 millions de personnes subissant la sécheresse ».
Toujours selon ce rapport, en Erythrée (en
Afrique du Nord Est) « le prix des céréales est toujours élevé, affectant
la sécurité alimentaire d’une grande partie de la population tandis que de
l'autre côté de sa frontière occidentale, dans le sud du Soudan, malgré une
amélioration globale de la fourniture en céréales, des problèmes de transport
et du système des marchés rendront impossible tout mouvement des zones
excédentaires vers les zones déficitaires ».
De son côté, la Confédération syndicale
internationale a publié en mars un rapport intitulé « Un remède contre la
faim, pourquoi le monde manque de nourriture » qui essaie de dresser un
tableau plus large de la crise tout en se faisant l’écho des prédictions
données par Diouf et par la FAO. « En Afrique, les plus pauvres sont les
plus durement touchés. 160 millions de personnes essaient de survivre avec
moins d’un demi-dollar par jour. La plupart de ces foyers sont des acheteurs
nets de nourriture, pas des producteurs. Ceci entraîne que l’augmentation des
prix alimentaires frappent durement les budgets domestiques des habitants les
plus pauvres des pays en voie de développement. Cet impact est immédiatement
ressenti parce que entre 50 et 70 pour cent de leur budget est consacré à la
nourriture, écartant par là toute idée de régime équilibré à apport
nutritionnel élevé. »
Le rapport continue en affirmant
« dans le monde entier, les prix alimentaires n’ont jamais été aussi
élevés depuis les années 70 et depuis la crise pétrolière... le choc des prix
élevés avait déjà commencé en 2006 et les prix des matières premières agricoles
n’a pas cessé d’augmenter jusqu’à la moitié de 2008.Des projections de la FAO à
moyen terme indiquent que les prix alimentaires pourraient baisser en 2009 mais
qu’ils resteront, au cours des années à venir, bien au dessus de leur niveau
antérieur à 2004. »
Après avoir fait un certain nombre de
prédictions sinistres concernant la famine mondiale, Diouf a proposé une
solution pour faire face à la crise en demandant une aide financière aux
dirigeants du G20. Diouf a affirmé que « le premier et le principal
élément c’est le besoin d’investir dans la production agricole et ceci
exigerait 30 milliards de dollars par an ».
La solution au problème que Diouf, la FAO
et d’autres agences chargées de surveiller les urgences alimentaires proposent
sont très éloignées du cœur du problème. Si on a besoin de 30 milliards de
dollars ou plus par an, il faut se demander sous quel contrôle ou et dans
l'intérêt de qui ces investissements devront être réalisés. Laisser entre les
mains des dirigeants du G20, et des classes dirigeantes des Etats qu’ils
représentent, l’apport de nourriture et sa distribution à la population
mondiale, ne fait que conduire la crise alimentaire dans un chaos sans fin.
L’état déjà fragile et anarchique de la
production alimentaire mondiale a été fortement aggravé par la crise du crédit
et par la spéculation rampante sur la nourriture qui s’est produite lors de
l’explosion des bulles du crédit, mais la racine de cette large insécurité
alimentaire ne vient pas de la crise actuelle mais de la nature même du système
capitaliste lui même, qui a donné naissance à cette crise.