Dans un article exceptionnellement honnête publié dans le New
York Times de samedi, l’éditorialiste de la section économique, Joe Nocera,
a révélé ce qu’il qualifie de « petits secrets de l’industrie
bancaire », soit « qu’elle n’a pas l’intention d’utiliser l’argent
[du sauvetage gouvernemental] pour faire de nouveaux prêts ».
Comme l’explique Nocera, le plan annoncé le 13 octobre par
le secrétaire du Trésor Henry Paulson qui consiste à offrir 250
milliards $ d’argent des contribuables aux plus grandes banques, contre
des actions non-votantes, n’a jamais vraiment eu pour objectif d’inciter ces
dernières à recommencer à prêter aux entreprises et aux consommateurs, le but
officiel du sauvetage. Son but premier était plutôt d’engendrer une rapide
consolidation du système banquier américain en subventionnant une série
d’acquisitions de plus petites firmes financières par les plus puissantes
banques.
Dans son commentaire, Nocera cite une conférence téléphonique
privée menée le 17 octobre par un haut dirigeant de JPMorgan Chase, le
bénéficiaire de 25 milliards de dollars en fonds publics. Nocera explique qu’il
a réussi à obtenir le numéro de téléphone pour écouter un enregistrement de la
conversation, à l’insu du directeur dont il tait le nom.
Lorsque l’un des participants demande si les 25
milliards $ de fonds fédéraux vont « modifier nos politiques
stratégiques de prêt », le cadre répond : « Nous pensons que
cela va nous aider à être un peu plus opportunistes dans le domaine de
l’acquisition si l’on considère les banques qui sont encore en
difficulté. »
Faisant référence à la récente acquisition par JPMorgan,
avec l’aide du gouvernement, de deux importants compétiteurs, le directeur
ajoute, « Et je ne crois pas que c’est terminé du côté des acquisitions
même après les fusions de Washington Mutual et de Bear Stearns. Je crois qu’il
y aura de grandes occasions pour notre croissance dans cet environnement, et je
crois que nous avons la chance d’utiliser ces 25 milliards $ dans ce but,
et aussi bien sûr, si la récession se transforme en dépression ou d’autres
imprévus se présentent, cet argent pourra servir de protection. »
Comme l’indique Nocera, « Vous pouvez
relire cette réponse autant de fois que vous le voulez, vous ne trouverez
absolument rien là-dedans qui parle de prêts pour aider l’économie
américaine. »
Plus tard, lors de la conférence, le même directeur
déclara : « Nous pensons que le volume des prêts continuera à
diminuer vu le resserrement du crédit, pour refléter le coût élevé dans le
secteur des prêts. »
« C’est comme si », écrit le chroniqueur du Times,
« l’un des arguments clés du Trésor pour le programme de recapitalisation,
c’est-à-dire qu’il fera en sorte que les banques prêteront de nouveau, est une
feuille de vigne… En fait, le Trésor souhaite que les banques s’acquièrent
entre elles et il utilise son pouvoir pour injecter du capital afin de forcer
une nouvelle et importante ronde de consolidation des banques. »
Plus tôt ce mois-ci, il explique que « dans un geste
passé presque inaperçu », Paulson, l’ancien PDG de Goldman Sachs, a mis en
place de nouvelles baisses d’impôts de plusieurs milliards de dollars qui sont
conçues pour encourager les banques à fusionner. Elles permettent à la banque
qui est l’acquéreur d’immédiatement déduire les pertes apparaissant au bilan de
la banque acquise.
Paulson et d’autres responsables du Trésor ont fait des
déclarations publiques qui appellent les banques bénéficiaires de fonds publics
à utiliser ces derniers pour augmenter leurs activités de crédit. Cela,
cependant, n’est que la ligne officielle présentée au grand public. Le
programme de sauvetage n’impose aucune clause de prêt sur les banques en retour
de l’argent du gouvernement.
Déjà, la crise du crédit a été utilisée pour mettre de l’avant
le rachat de Bear Sterns et de Washington Mutual par JPMorgan, de Merrill Lynch
par Bank of America, de Wachovia par Wells Fargo et, vendredi dernier, de
National City par PNC.
Ce que le Wall Street Journal a qualifié samedi de
« vente brutale » de National City donne un avant-goût de ce qui est
à venir. Le département du Trésor a scellé le sort de la banque de Cleveland en
décidant de ne pas l’inclure parmi les banques régionales qui recevront de
l’argent du gouvernement. Il a ensuite donné à la banque PNC de Pittsburgh 7,7
milliards $ provenant du plan de sauvetage pour l’aider à couvrir les
coûts du rachat de National City. PNC va aussi bénéficier grandement des
baisses d’impôts sur les fusions édictées par le Trésor.
Toutes les raisons invoquées pour justifier
le sauvetage des banques ont été exposées comme étant des mensonges. Les
dirigeants démocrates au Congrès et Barack Obama se sont joints au président
Bush, au président de la Réserve fédérale Ben Bernanke, et à Paulson pour
insister que le sauvetage devait être accepté par le Congrès, et accepté
immédiatement, malgré l’immense opposition populaire. Ceux qui se sont opposés
au plan ont été dénoncés comme une menace pour le bien commun de la population
américaine.
Dans un discours télévisé de par tout le
pays le 24 septembre, avant que le Congrès ne vote sur le plan de sauvetage,
Bush a dit que ce plan « aiderait les consommateurs et les hommes d’affaires
américains à obtenir du crédit d’après leurs besoins quotidiens et afin de
créer des emplois ». Si le plan était rejeté, a-t-il averti, « [d]’autres
banques pourraient faire faillite, y compris certaines dans votre communauté.
La bourse pourrait perdre encore plus de valeur, ce qui diminuera la valeur de
vos épargnes en vue de la retraite… D’autres compagnies pourraient être forcées
de fermer leurs portes et des millions d’Américains pourraient perdre leur
emploi… au bout du compte, notre pays pourrait connaître une longue et
douloureuse récession. »
Un mois plus tard, le sauvetage était voté
et tous les sombres développements dont Bush avait menacé le peuple américain
et dont ce dernier devait être protégé, la fermeture de banques et de
compagnies, l’effondrement de la bourse, l’augmentation en flèche du chômage,
tout cela est arrivé et s’accélère.
Alors qu’Obama parle du besoin pour tous
les Américains de « s’unir » dans l’esprit du « partage du
sacrifice » (ce par quoi il veut dire des coupes draconiennes dans les
programmes de Medicare et de Medicaid, dans la sécurité sociale et les autres
programmes sociaux) et qu’il invoque le coût du sauvetage pour justifier
l’austérité fiscale, les banquiers vont de l’avant et défendent impitoyablement
les intérêts de leur classe.
Tel que le World Socialist Web Site l’avait
écrit lorsqu’il fut proposé la première fois, à la mi-septembre, le plan de
« sauvetage économique » s’est révélé n’être qu’une façon de voler la
société au profit de l’aristocratie financière. L’élite dirigeante des
Etats-Unis, utilisant sa domination sur l’Etat et le système politique des deux
partis, exploite une crise qu’elle a elle-même fabriquée pour imposer un
programme économique, en élaboration depuis longtemps, qui n’aurait pu être
imposé dans un contexte normal.
Le résultat sera des difficultés économiques
plus grandes pour les Américains ordinaires. Les grandes banques auront encore
plus de poids sur les marchés pour établir les taux d’intérêt et pour décider
de l’accès au crédit des travailleurs, des étudiants et des petites
entreprises.
Alors qu’aucune mesure sérieuse n’a été
proposée, que ce soit par l’administration Bush, le candidat présidentiel
républicain ou encore son adversaire démocrate, pour empêcher la catastrophe
sociale de frapper de plein fouet les travailleurs, le gouvernement organise
une restructuration du système financier qui permettra à une poignée de banques
géantes d’augmenter leur pouvoir sur la société.
(Article original anglais paru le 27
octobre 2008)