Un rapport publié mardi par Working Poor Families Project
révèle que plus de 28 pour cent des familles américaines, dont un membre ou
deux travaillent, vivent dans la pauvreté.
Le rapport intitulé « Still Working Hard, Still Falling
Short » (Travailler durement sans parvenir à joindre les deux bouts) se
base sur des données couvrant la période 2004 à 2006 et rassemblées par l’US
Bureau of Labor Statistics (bureau américain d’étude des statistiques sur le
travail), l’US Census Bureau’s American Community Survey et le Census Bureau’s
Population Survey ( divers services gouvernementaux de recensement.)
Le rapport montre que 9,6 millions de ménages peuvent être
qualifiés comme étant à faibles revenus ou des « travailleurs pauvres ».
Ce sont des familles gagnant moins de 200 fois le seuil de pauvreté officiel.
Il y avait 350 000 familles de plus dans ce cas en 2006 qu’en 2002. Plus
de 21 millions d’enfants vivent à présent dans des familles à faible revenu, ce
qui représente une augmentation de 800 000 en quatre ans.
En 2006, il y avait aux Etats-Unis plus de 29 millions
d’emplois payés en dessous du seuil de pauvreté officiel, défini par 9,91
dollars l’heure pour un travail à plein temps, soit une augmentation de près de
5 millions des emplois à salaires de misère par rapport à 2002.
L’inégalité du revenu familial s’est également accrue
rapidement entre 2002 et 2006, constate le rapport. En 2006, les 20 pour cent
des ménages américains au haut du classement gagnaient en moyenne 9,2 fois ce que
gagnait le quintile [un cinquième de la population] du bas de l’échelle.
Le rapport constate que les familles de travailleurs pauvres
« manquent de moyens financiers pour satisfaire leurs besoins les plus
élémentaires, une difficulté qui est exacerbée par une augmentation exorbitante
des prix de l’alimentation, de l’essence, de la santé et de l’éducation. »
Environ 60 pour cent des familles à bas revenus sont obligées de dépenser plus
du tiers de leurs revenus pour se loger, et près de 40 pour cent sont privés d’assurance
maladie pour un ou pour les deux parents.
Ces familles vivent difficilement dans des conditions de
pauvreté bien que les parents travaillent de longues heures. Selon le rapport,
« Les adultes vivant dans des familles à bas salaires ont travaillé en
moyenne 2552 heures par an en 2006, l’équivalent de presque un emploi à plein
temps et un quart supplémentaire. »
Selon les statistiques de l’Organisation for Economic
Cooperation and Development (Organisation pour la coopération et le
développement économiques), ce nombre d’heures total est de l’ordre d’un tiers
de toutes les heures disponibles en une année. C’est presque le double du total
annuel d’heures de travail d’un ouvrier allemand moyen qui travaille 1362
heures par an et 162 heures de plus par an que l’ouvrier sud-coréen moyen.
Le rapport enregistre une baisse sensible du niveau de vie de
vastes couches de la classe ouvrière, conséquence de licenciements économiques
et de réduction des salaires des décennies durant et orchestrés par les
gouvernements démocrates et républicains. Ceci montre que les emplois à salaire
de misère sont de plus en plus chose courante et touchent de vastes couches de
la population. Contrairement à certains stéréotypes que prônent les médias, la
majorité des familles vivant de salaires de misère ne sont ni des immigrés ni
des minorités ni des familles monoparentales.
Selon le rapport, quelque 72 pour cent des familles pauvres
ont des emplois. Pour plus de la moitié, il s’agit de couples mariés, dans 69
pour cent des cas les deux parents sont d’origine américaine, pour 89 pour cent
les parents ont entre 25 et 54 ans, et pour 43 pour cent les parents sont blancs
non hispaniques. Seuls 25 pour cent perçoivent des bons de nourriture.
L’étude applique ses statistiques au niveau des Etats. Dans
l’ensemble, les conditions des familles qui travaillent sont pires dans le sud
et dans la région ouest non Pacifique. Le Texas, par exemple, enregistre le
quatrième plus grand nombre de familles travaillant et définies comme familles à
bas revenu, le deuxième plus bas pourcentage de familles à bas revenu et
qui ont fait des études secondaires ou un niveau équivalent, le second plus haut
nombre de familles n’ayant pas fait d’études postsecondaires, le plus faible
nombre de familles bénéficiant d’une assurance maladie et le troisième plus
haut taux d’inégalité des revenus entre les familles.
New York compte le plus haut taux d’inégalité des revenus
entre les familles au niveau national, la Californie a le quatrième plus haut
taux.
L’appauvrissement de sections grandissantes de la population
laborieuse est le résultat d’un nombre de processus : le démantèlement de
vastes sections de l’industrie de base, les efforts entrepris pour casser les
syndicats et briser les grèves dans les années 1980, la démolition du système
de protection sociale, la trahison de la classe ouvrière par les organisations
syndicales.
L’autre côté de ce processus est un enrichissement énorme des
10 pour cent au sommet du classement de la population américaine et la
concentration grandissante de la richesse entre les mains de l’élite
financière.
Une étude réalisée en mars par Equilar et reproduite par le
journal New York Times montre que les chefs d’entreprises des 200 plus grandes
sociétés cotées en bourse gagnent en moyenne 11,7 millions de dollars par an.
En 2005, le un pour cent des ménages américains du haut de
l’échelle disposait de 21,8 pour cent de l’ensemble des revenus avant impôts,
le double par rapport aux années 1970. Ceci représente la plus forte
concentration de revenu depuis l’année 1928 qui a précédé le début de la Grande
Dépression quand environ 24 pour cent du revenu national revenait au centile
supérieur de la population.
Il faudrait aussi remarquer que le rapport « Still
Working Hard, Still Falling Short » reflète les conditions qui existaient
avant le développement de la crise financière d’août 2007 et le glissement
ultérieur dans la récession.