Le processus de ratification de l’accord
de sécurité bilatéral entre les Etats-Unis et l’Irak, accord qui
autoriserait une présence militaire américaine continue en Irak, est maintenant
au point mort. Mardi, le cabinet irakien du premier ministre Nouri al-Maliki a
officiellement rejeté l’entente dont la rédaction a demandé des mois de
négociations épineuses entre les officiels américains et irakiens.
Au dire de tous, les organisations
fondamentalistes chiites, le parti Dawa de Maliki et le Conseil suprême
islamique d’Irak (ISCI), qui dominent le gouvernement et qui ont été des
supporters cruciaux de l’occupation américaine, sont ceux qui ont le plus
insisté pour que l’entente soit modifiée.
On a demandé que l’administration
Bush apporte plusieurs changements importants :
Le cabinet a rejeté une clause de
l’accord qui fixe le 31 décembre 2011 comme date de la fin de
l’occupation américaine « selon les conditions sur le
terrain ». Un amendement pour une date fixe a été proposé.
Contrairement aux assertions trompeuses
selon lesquelles ce changement entraînerait le retrait de toutes les troupes
des Etats-Unis, l’entente permettrait tout de même à Bagdad de demander
une présence américaine continue pour « soutenir » et
« entraîner » l’armée irakienne. Le caractère de ce
« soutien » continu sera traité par l’accord cadre stratégique
qui couvre les engagements militaires des Etats-Unis en Irak et
l’utilisation à long terme des bases irakiennes par les forces
américaines.
À la suite de l’attaque des forces
spéciales américaines en Syrie dimanche dernier, le cabinet irakien a aussi
exigé que l’on interdise explicitement à l’armée américaine
d’utiliser le territoire irakien pour attaquer d’autres Etats.
Des révisions à l’immunité légale
pour le personnel américain ont aussi été exigées. Dans la présente version de
l’accord, les soldats américains et les employés gouvernementaux ont
l’immunité face à la loi irakienne lorsqu’ils sont à
l’intérieur de leurs bases ou en « opérations militaires
autorisées ».
Selon McClatchy News, « les
amendements accorderaient aux autorités irakiennes le droit de déterminer si un
militaire américain était ou non en poste au moment de commettre un présumé
crime en dehors des bases américaines et si un tel Américain devrait être
jugé ».
Un autre changement proposé donnerait à
l’Irak le pouvoir d’inspecter toutes les envois de matériel
militaire entrant au pays.
Avec le présent mandat de l’ONU qui
expirera le 31 décembre, il reste de moins en moins de temps pour conclure un
accord et les responsables américains ont exprimé leurs frustrations face aux
nouvelles demandes irakiennes. La réaction publique de la Maison-Blanche,
cependant, a été relativement silencieuse. Bush a déclaré mercredi que son
administration était en train « d’analyser ces amendements » et
qu’il demeure « plein d’espoir et confiant » qu’un
accord soit conclu avant le 31 décembre.
En coulisse, il semble que des mots plus
durs aient été employés. Dimanche, le général Raymond Odierno, le commandant
des forces américaines en Irak, a apparemment distribué un communiqué de trois
pages aux responsables irakiens qui menaçait du retrait possible des troupes
américaines dans leurs bases et l’arrêt d’une série de fonctions si
la date butoir n’était pas respectée. Les forces américaines opèrent par
exemple tout le système irakien de contrôle du trafic aérien civil. Aussi, il a
menacé que plus de 200 000 Irakiens employés par l’armée américaine
puissent être congédiés.
Un important politicien kurde irakien,
Mahmoud Othman, a décrit le mémo comme « une tentative évidente de
chantage ».
Les forces d’occupation des
Etats-Unis fournissent la couverture aérienne, les renseignements, les
communications, la logistique et l’entretien aux forces irakiennes.
Odierno a supposément menacé de mettre fin à tout soutien et d’annuler la
vente d’armes pour une valeur de dix milliards de dollars.
Le fait que le cabinet ait néanmoins
demandé ces amendements donne une idée de son refus à signer l’entente de
sécurité dans son état actuel.
La majorité des Irakiens est profondément
hostile à l’occupation de leur pays par les Etats-Unis et déteste
l’administration Bush. La guerre illégale d’agression, qui a débuté
en mars 2003 sur la base de fausses prétentions selon lesquelles l’Irak
avait des liens avec les terroristes et des « armes de destruction
massive », a entraîné la mort de centaines de milliers de personnes,
détruit une grande partie du pays et traumatisé la population pour une
génération au moins.
Les défenseurs de la guerre tentent de
justifier le carnage sur la base qu’il en résulte la
« démocratie », alors que ne pouvaient se présenter aux élections que
les partis qui, comme les fondamentalistes chiites et les nationalistes kurdes,
acceptaient la légitimité de l’invasion américaine et son occupation néocoloniale.
Ceux qui se battent contre les envahisseurs étrangers sont appelés, à la façon
d’Orwell, les « forces anti-irakiennes ».
L’expiration du mandat de l’ONU
coïncide avec le prochain cycle électoral en Irak. Les élections provinciales
dans quatorze provinces irakiennes sont prévues le 31 janvier. Les seules régions
du pays exclues du processus électoral sont les trois provinces qui forment la
région autonome kurde et Kirkouk, la province riche en pétrole que réclament
les nationalistes kurdes.
Pour Dawa et le ISCI, l’enjeu est
élevé. Leur but est de garder le contrôle sur les provinces du sud de
l’Irak à majorité chiite. Dans plusieurs régions, toutefois, ils doivent
affronter des personnalités politiques liées au mouvement sadriste de
l’iman Moqtada al-Sadr. Ce dernier se décrit comme le défenseur
nationaliste de l’Irakien pauvre opposé tant à l’élite chiite
qu’aux Etats-Unis.
En insistant que l’accord de sécurité
soit amendé, Dawa et l’ISCI ont cherché à neutraliser l’accusation
qu’ils sont des marionnettes des Américains en affirmant qu’ils
veulent redonner sa pleine souveraineté à l’Irak.
Les principaux partis chiites ont obtenu
mercredi passé le soutien tacite du principal iman chiite en Irak, Ali
al-Sistani, dont les opinions ont une grande influence auprès des chiites
pieux. Dans une déclaration émanant de son bureau à Najaf, on pouvait
lire : « L’ayatollah Ali Sistani insiste que la souveraineté de
l’Irak ne soit pas touchée et il suit de près les développements
jusqu’au moment où l’accord final sera clarifié. »
Au contraire de l’administration Bush
et du républicain John McCain, Obama a déclaré qu’il était prêt à
entreprendre des pourparlers avec le régime chiite iranien, avec lequel les
partis chiites en Irak, l’ISCI en particulier, ont eu des liens étroits
par le passé.
Jusqu’à ce jour, les dirigeants civils
et religieux en Iran se sont déclarés opposés à toute entente sur la sécurité
entre l’Irak et les Etats-Unis et ont appelé à ce que leurs alliés
irakiens ne la signent pas. Cela pourrait changer après le 4 novembre, si la
coopération de Téhéran était vue comme favorisant l’apaisement des
tensions entre l’Iran et les Etats-Unis en préparation de l’entrée
en fonction d’Obama au début de 2009.
(Article original anglais paru le 31
octobre 2009)