Dans son discours du 4 juin à l’AIPAC (American Israël
Public Affairs Committee), le plus grand groupe de pression pro israélien à
Washington, le candidat démocrate à l’élection présidentielle Barack
Obama a clairement fait part de son engagement à défendre les intérêts
impérialistes des Etats-Unis ainsi que d’Israël, tout en proposant un
mélange de diplomatie, de menaces et de force militaire plus souple que celui
utilisé par l’administration Bush.
Après avoir été accusé par Bush en tournée au Proche-Orient,
le mois dernier, de prôner « l’apaisement », Obama s’est
donné beaucoup de mal pour montrer clairement que le changement tactique
qu’il prône profiterait à la fois à l’impérialisme américain et aux
intérêts d’Etat d’Israël.
Il a commencé par une déclaration de soutien à
l’oppression israélienne des Palestiniens, par ces mots : « Nous
savons que l’établissement d’Israël était juste et nécessaire,
enraciné dans des siècles de lutte et des décennies d’un travail patient.
Mais 60 ans plus tard, nous savons que nous ne pouvons pas fléchir, nous ne
pouvons pas céder, et en tant que président je ne ferai jamais aucun compromis
quand il y va de la sécurité d’Israël. »
S’opposant à toute revendication palestinienne pour
Jérusalem, il a dit: « Jérusalem restera la capitale d’Israël, et ne
doit pas être divisé. » Il a soutenu la politique de l’administration
Bush consistant à refuser de négocier avec le gouvernement élu du Hamas dans la
bande de Gaza.
Obama a promis de maintenir le niveau très élevé d’aide
militaire américaine à Israël, en disant qu’il continuerait à « garantir
l’avantage militaire qualitatif d’Israël » sur les autres pays
de la région et en ajoutant qu’il mettrait en place un mémorandum
d’entente garantissant 30 milliards de dollars d’aide à Israël pour
la prochaine décennie.
Il a cependant fait remarquer que l’actuelle politique
américaine au Proche-Orient avait provoqué des revers significatifs pour les
intérêts américains et israéliens, notamment l’échec de l’invasion
israélienne, soutenue par les Etats-Unis, du Liban à l’été 2006 et
l’élection d’un gouvernement du Hamas dans la bande de Gaza en
février de cette année.
Il a déclaré: « Je pense qu’aucun d’entre
nous ne peut être convaincuque la politique étrangère américaine
récente a rendu Israël plus sûr. Le Hamas contrôle à présent Gaza. Le Hezbollah
a resserré son emprise sur le sud Liban et joue des muscles à Beyrouth. À cause
de la guerre en Irak, l’Iran qui a toujours représenté une menace plus
grande pour Israël que l’Irak, s’est enhardi et représente le plus
grand défi stratégique pour les Etats-Unis et Israël au Proche-Orient depuis
une génération. »
Il a proposé un ajustement de la politique étrangère
américaine, comprenant des négociations avec l’Iran : « Nous
utiliserons tous les dispositifs de la puissance américaine pour faire pression
sur l’Iran… Cela commence par une diplomatie dure, fondée sur des
principes et agressive, sans conditions préalables allant à l’encontre du
but recherché, mais une compréhension lucide de nos intérêts. »
Malgré les opinions de soutiens de gauche d’Obama,
encore plus bercés d’illusions, tel The Nation, qui a écrit
qu’il faisait preuve d’« une approche plus humaine et plus
sage en matière de politique étrangère », la politique présentée à grands
traits par le candidat démocrate ne représente pas une rupture réelle
d’avec la politique de guerre et de provocation de l’administration
Bush.
Il n’y a rien de pacifiste ou d’anti-impérialiste
à sa politique. Elle n’est en fait pas moins impitoyable dans sa
poursuite des intérêts impérialistes américains, ni moins hostile aux
aspirations des masses palestiniennes, que la politique de Bush et de McCain.
Au contraire, Obama a argué devant l’AIPAC qu’il mettra en place de
façon plus compétente et plus intelligente la realpolitik impérialiste.
Obama a promis qu’il « garderait toujours sur la
table la menace d’une action militaire pour défendre notre sécurité et
notre allié Israël. » En d’autres termes, les négociations
qu’il propose d’avoir avec l’Iran se tiendraient alors que
l’Iran serait sous la menace constante d’une attaque américaine.
La principale innovation d’Obama est le calcul cynique
que la démonstration de diplomatie qu’il propose signifiera, si
Washington décidait d’attaquer l’Iran, qu’il sera plus facile
d’obtenir l’adhésion de l’opinion publique américaine et
internationale à une guerre plus étendue au Proche-Orient. Il a dit :
« Parfois, il n’y a pas d’alternative à une confrontation.
Mais c’est ce qui rend la diplomatie plus importante. Si nous devons
faire usage de la force militaire, nous sommes plus susceptibles de réussir et
obtiendrons un soutien bien plus grand à l’intérieur du pays comme internationalement,
si nous sommes allés au bout de nos efforts diplomatiques. C’est de ce changement
que nous avons besoin dans notre politique étrangère. »
Pour donner un exemple du genre d’accord qu’il
pourrait proposer à l’Iran, Obama a dit : « Nous présenterons
un choix clair. Si vous abandonnez votre programme nucléaire dangereux, votre
soutien au terrorisme, et vos menaces envers Israël, il y aura des récompenses
significatives, dont la levée des sanctions et l’intégration économique
et politique à la communauté internationale. Si vous refusez, nous allons faire
monter la pression. »
L’appel d’Obama à une nouvelle voie dans les
relations avec l’Iran reflète non seulement des inquiétudes concernant
l’Iran, mais aussi une insatisfaction profonde au sein de l’élite
dirigeante américaine sur la conduite de la guerre en Irak par
l’administration Bush. Son appel à des pourparlers avec l’Iran
s’accorde tout à fait avec son soutien à la réduction de la présence militaire
américaine en Irak et au redéploiement des forces américaines en Afghanistan.
Ayant installé à Bagdad un régime chiite intégriste
entretenant des relations historiques étroites avec l’Iran, la
bourgeoisie américaine est placée devant un dilemme. L’Irak ne joue plus
son rôle traditionnel de contrepoids militaire à l’Iran dans la région et
les Etats-Unis sont confrontés, au sein de leur propre régime fantoche en Irak,
à une opposition significative à une politique d’agression contre
l’Iran.
Le premier ministre irakien Nouri al-Maliki et d’autres
représentants du gouvernement ont publiquement critiqué la politique iranienne
des Etats-Unis. Maliki a accueilli le président iranien Mahmoud Ahmadinejad en
visite d’Etat à Bagdad en mars dernier. Le mois dernier, son gouvernement
avait refusé de participer à une offensive, soutenue par les Etats-Unis, contre
l’Armée du Mahdi chiite dans le quartier Sadr City de Bagdad, exigeant
que Téhéran arrange plutôt une trêve.
Obama a fait remarquer: « Garder tous nos soldats parqués
indéfiniment en Irak n’est pas le moyen d’affaiblir l’Iran,
c’est précisément ce qui l’a renforcé. C’est une politique
pour y rester et pas une politique pour gagner. J’ai proposé un
redéploiement progressif, responsable de nos soldats hors d’Irak. »
Le raisonnement d’Obama est sur la même ligne que
d’importantes sections de l’establishment américain responsable de la
politique étrangère, représenté notamment par le Groupe d’étude sur
l’Irak 2006, qui considère que la politique de l’administration
Bush est une catastrophe et espère qu’une posture moins ouvertement
agressive envers l’Iran réduira l’isolement international de
Washington, à la fois en réduisant l’hostilité des masses du
Proche-Orient envers les Etats-Unis et en poussant d’autres gouvernements
à s’allier à la politique américaine.
Obama a dit : « Si l’Iran ne change pas d’orientation
quand les Etats-Unis lui présenteront ce choix, il apparaîtra clairement…
que le régime iranien est responsable de son propre isolement. Cela renforcera
notre position auprès de la Russie et de la Chine au moment où nous insistons
pour renforcer les sanctions au Conseil de sécurité. Et nous devons travailler
avec l’Europe, le Japon et les pays du Golfe pour trouver toutes les avenues
en dehors des Nations Unies pour isoler le régime iranien. »
Obama soutient depuis longtemps le redéploiement des soldats
américains hors d’Irak et vers l’Afghanistan et l’adoption
d’une ligne plus dure envers le Pakistan voisin, ces deux pays se
trouvant à la frontière orientale de l’Iran. De telles mesures
renforceraient l’encerclement militaire américain de l’Iran et
placeraient les forces américaines en travers des voies terrestres reliant
l’Iran à ses principaux partenaires commerciaux en Asie.