Quelle est la signification politique de
l'élection partielle d'Haltemprice and Howden?
L'ex Shadow secretary [député de
l'opposition chargé d'examiner le travail d'un ministre en particulier, ndt] de
l'Intérieur, David Davis, a imposé cette élection en quittant son poste de
député. Il l'a fait dans le but avoué de montrer l'étendue de l'opposition
populaire aux lois anti-terroristes prises par le Parti travailliste, qui
étendent la période légale de garde à vue à 42 jours. Il a de plus lié cela à
une opposition plus large à la réduction des libertés publiques.
Les résultats de cette élection partielle
montrent clairement que c'est Davis, plutôt que les médias britanniques et le
Parti travailliste, qui a correctement interprété les sentiments de
l'électorat. Davis a toujours été certain de l'emporter dans cette circonscription
conservatrice sans histoire, particulièrement avec le soutien des démocrates
libéraux et le refus des travaillistes de présenter un candidat de crainte de
subir une baisse humiliante du vote en leur faveur. En fin de compte, Davis a
obtenu 17 113 voix, soit 70 pour cent des suffrages exprimés avec un taux
de participation de 34,5 pour cent. En outre, les Verts arrivent seconds avec
1758 voix en ayant fait campagne sur le thème des libertés publiques. Le Parti
démocrate britannique, de droite, qui est arrivé troisième avec un vote un peu
plus faible, 1714 voix, s'opposait également aux 42 jours.
Les médias eurent beau dépeindre cette
élection comme une « combine pour attirer l’attention » en
ironisant sur la participation de 26 candidats, leur soutien aux mesures
autoritaires des travaillistes a été clairement rejeté.
Cependant, l'élection était plus qu'un simple
référendum sur le Parti travailliste et ses atteintes aux libertés publiques. En
tous points de vue, elle a révélé le déclin profond et la dégradation de ces
tendances et de ces individus qui prétendent défendre les libertés publiques en
s'appuyant sur la gauche bourgeoise. En particulier, cette élection constitue
une réfutation des allégations de l'aile gauche du Parti travailliste et des
syndicats selon lesquelles ils défendent les intérêts des travailleurs.
Cela fait longtemps que plus personne, à
l'exception des personnes les plus naïves politiquement, ne croit que le Parti
travailliste et les bureaucraties syndicales mènent une lutte pour le
socialisme. Cependant, les « gauchistes » ont, de temps à autre, fait
mine de s'opposer aux mesures les plus favorables au patronat et les plus
anti-démocratiques promulguées par les premiers ministres Tony Blair et Gordon
Brown.
Seuls 36 députés travaillistes ont voté contre
l'allongement à 42 jours de la garde à vue. Beaucoup parmi ceux dont on pensait
qu'ils se rebelleraient ont été achetés, et ont voté avec le gouvernement. Le
vote a été suivi d'un quasi-silence dans le Parti travailliste, laissant Davis
monter la seule opposition politique conséquente à cette loi.
De plus, la plupart des députés qui n'ont pas
voté pour cette loi ont gardé le silence depuis. Seuls deux députés
travaillistes n'ont pas respecté la discipline (Bob Marshall-Andrew et Ian
Gibson) avec le vétéran de la gauche du Parti travailliste, Tony Benn. Et ils
l'ont fait en apportant leur soutien à Davis, l'érigeant en champion des droits
civiques. Benn et Marshall-Andrew ont pris la parole aux côtés de Davis,
insistant sur le fait qu'il fallait ignorer son hostilité déclarée envers le
socialisme, son soutien aux lois anti-syndicales et aux guerres d'Afghanistan
et d'Irak.
Marshall-Andrew a même déclaré que voter pour
Davis était très différent de voter tory [conservateur]. Pourtant, c'est
exactement ce pour quoi lui et Benn ont fait campagne : un tory.
Pour autant que l'on puisse encore identifier
un média de gauche en Grande-Bretagne, il est représenté par les journaux The
Guardian, The Observer et The Independant. Un certain nombre de
journalistes du Guardian et de l'Observer a adopté la position de
Benn et Marshall-Andrew, soutenant Davis. D'autres commentateurs dans les trois
publications ont soutenu Jill Seward, qui faisait campagne pour les victimes de
viol et de violences sexuelles. Sa décision de présenter un programme qui
défendait les 42 jours, l'augmentation du nombre de caméras de surveillance et
la mise en place d'un énorme fichier de données génétiques a reçu le soutien du
Sun de Rupert Murdoch [tabloïde de droite, ndt].
Ils ont présenté Seward comme la rivale « sérieuse »
de Davis, une affirmation également avancée dans le Daily Mirror, le Financial
Times, et d'autres. Le vote en sa faveur ayant atteint 492 voix met à mal cette
affirmation. Il faut noter que la candidate la plus mieux placée, ayant fait
une déclaration en faveur de la garde à vue de 42 jours, est Miss
Grande-Bretagne, Gemma Garrett, qui n'avait pas vraiment fait campagne sur le
sujet.
La décision de soutenir Seward était cynique à
l'extrême. En ce qui les concerne, ces experts de gauche ne l'ont soutenue que
parce qu'elle servait de candidat de substitution derrière laquelle ils
pouvaient maintenir leur soutien au Parti travailliste et justifier son programme
de mesures autoritaires en s'appuyant sur le problème, émotionnellement très
chargé, des violences sexuelles.
Il reste de la gauche du Parti travailliste et
des cercles de gauche un petit groupe pathétique qui a sauté dans le train en
marche de Davis. Il y a alors deux issues possibles. Soit, ces gens vont se
retrouver directement derrière le parti conservateur, comme ça a été le cas de
certains anciens hommes de gauche avec le régime gaulliste de Nicolas Sarkozy
en France. Ou, comme ils l'ont fait dans la circonscription d'Haltemprice
and Howden, ils vont affirmer que la défense des libertés publiques est une
question « non partisane ». Dans un cas comme dans l'autre, le
résultat final sera d'avorter le développement d'un mouvement politique de la
classe ouvrière.
Devant cet effort concerté pour mobiliser
l'hostilité envers le Parti travailliste derrière Davis, les groupes de gauche
britanniques comme le Socialist Workers Party n'ont rien dit. Ils ont placé
au-dessus de toute question de principe leurs relations opportunistes avec la
gauche du Parti travailliste et des syndicats.
Quel que soit l’avenir du mouvement
naissant qui réunit des conservateurs, des travaillistes et des défenseurs de
la gauche bourgeoise qui gravitent actuellement autour de Davis, un vide
politique s'est ouvert à gauche. Les travailleurs doivent chercher une nouvelle
direction politique. Le Parti de l'égalité socialiste et son candidat Chris
Talbot étaient les seuls à s'opposer aux atteintes aux droits démocratiques
comme aux atteintes aux acquis sociaux des travailleurs commises par le Parti
travailliste. Ce faisant, nous avons posé un jalon pour l’avenir.
(Article original anglais paru le 12 juillet
2008)