D’éminents démocrates au Congrès ont donné leur approbation
à un programme considérablement développé d’attaques américaines clandestines
contre l’Iran selon un article du journaliste d’enquête Seymour Hersh, publié
dans le New Yorker, et rendu accessible dimanche sur le site Internet du
magazine. (voir en anglais “Preparing the Battlefield—The Bush Administration steps up its
secret moves against Iran”)
Le président Bush a émis une directive présidentielle, un
avis secret, aux hauts dirigeants du Congrès à propos du programme clandestin
contre l’Iran, l’an dernier, après que les démocrates eurent pris contrôle du
Sénat et de la Chambre des représentants lors des élections en novembre 2006.
La directive appelait à une série d’opérations, y compris le financement de
groupes séparatistes parmi les minorités arabes et baloutches, et le kidnapping
de membres des Gardiens de la révolution iraniens pour fin d’interrogation en
Irak, ainsi que la prise pour cible d’individus en Iran pour assassinat.
Hersh rapporte que Bush a rempli les conditions légales en
avisant les chefs démocrates et républicains de la Chambre et du Sénat, ainsi
que le président et les membres responsables des comités du renseignement. Les
quatre démocrates sont la speaker de la Chambre Nancy Pelosi, le chef de la
majorité au Sénat Harry Reid, le président du Comité sur le renseignement du
Sénat Jay Rockefeller, et le président du Comité sur le renseignement de la
Chambre des représentants Silvestre Reyes.
Hersh écrit : « Le Congrès est en mesure de
s’opposer à la Maison-Blanche lorsqu’il reçoit une telle directive. Il a le
pouvoir de retenir le financement pour toute opération gouvernementale. Les
membres de la Chambre des représentants et le leadership démocrate du Sénat qui
ont accès à cette directive peuvent aussi, s’ils le décident, et s’ils
partagent les mêmes idées, trouver des façons d’influencer la politique de
l’administration. »
Rien de tel ne s’est produit. Aucun des quatre
congressistes démocrates n’a fait quoi que ce soit pour contrecarrer
l’opération clandestine contre l’Iran, et les 400 millions $ furent discrètement
approuvés sans annonce publique. Et ils n’ont pas davantage contacté Hersh pour
commenter son article du 29 juin paru dans le New Yorker. Les démocrates
préfèrent garder secrète leur collaboration avec la violation du droit
international de l’administration Bush.
Cette révélation démontre la complète insincérité de la
position « anti-guerre » adoptée par les démocrates durant l’élection
de 2006 et au cours de l’actuelle campagne présidentielle 2008. Bien que
tentant de s’attirer les votes de la vaste majorité des Américains qui
s’opposent à la présente guerre en Irak et à une nouvelle guerre contre l’Iran,
les démocrates se préparent discrètement à poursuivre la même politique si, et
cela semble maintenant probable, ils reprennent la Maison-Blanche lors de
l’élection de novembre.
Hersh semble insinuer l’existence d’un conflit entre les
démocrates au Congrès et le nominé du parti à la présidence, le sénateur Barack
Obama. Il écrit : « le financement pour l’intensification a été
approuvé. Autrement dit, certains membres de la direction démocrate... étaient
prêts, en secret, à suivre l’administration dans l’expansion d’opérations
clandestines contre l’Iran, alors que le candidat du parti à la présidence, Barack
Obama, a affirmé qu’il préférait les pourparlers et la diplomatie. »
Il n’y aucune raison de croire qu’il y a actuellement un
conflit entre Obama et les démocrates du Congrès sur la campagne d’actions clandestines
contre l’Iran. C’est davantage une question de division du travail. Obama, dans
le cadre d’une campagne électorale visant à tromper le peuple américain, met
l’emphase sur la diplomatie et la résolution pacifique des différends. Les
démocrates du Congrès, qui partagent maintenant la responsabilité de la
politique américaine avec la Maison-Blanche de Bush, doivent faire tout ce qui
est nécessaire pour défendre les intérêts de l’impérialisme américain dans la
région.
Obama a déjà proposé une attitude militaire américaine plus
agressive en Afghanistan et le long de la frontière séparant l’Afghanistan et
le Pakistan, déclarant qu’il déplacerait des troupes de l’Irak vers
l’Afghanistan et autoriserait des frappes transfrontalières contre des sites
présumés d’al-Qaïda au Pakistan, et ce, avec ou sans la permission du
gouvernement pakistanais.
Il est également rapporté, qu’Obama considère garder le
secrétaire à la Défense Robert Gates à son poste dans une nouvelle
administration Obama. Le Times de Londres écrivait dimanche, « Les
plus haut conseillers d’Obama en matière de politique étrangère et de sécurité
nationale font pression pour le maintien de Robert Gates au Pentagone après
qu’il ait été largement louangé pour sa performance. Ce geste serait en ligne
avec le désir d’Obama de nommer un cabinet de tous les talents. »
Richard Danzig, un ancien secrétaire naval et principal
conseiller militaire pour Obama, a dit au journal, « Ma position
personnelle c’est que Gates est un très bon secrétaire à la Défense et qu’il va
être encore meilleur dans une administration Obama. » Le journal commentait
que « retenir Gates donnerait à Obama une "raison" d’ajuster sa
politique » en relation avec la guerre en Irak – c’est-à-dire renier sa
promesse de mettre fin à la guerre et de poursuivre l’occupation américaine
indéfiniment.
Gates a tendu sa propre branche d’olivier aux démocrates en
nommant l’an dernier deux anciens représentants de l’administration
Clinton au conseil politique de défense : John Hamre, nommé président, et
l’ancien secrétaire à la Défense de Clinton, William Perry, qui fait maintenant
partie des principaux conseillés en matière de sécurité nationale d’Obama. Il
en résulte un canal de communication direct entre le Pentagone et la campagne
d’Obama.
L’article de Hersh apparaît alors que les tensions
augmentent au Moyen-Orient, avec une répétition de menaces publiques d’action
militaire contre l’Iran, soit par Israël ou les États-Unis ou encore les deux,
et des avertissements des représentants iraniens qu’en cas d’agression, ils réagiraient
par de fortes représailles.
Plus tôt ce mois-ci, les forces aériennes israéliennes ont
mené un exercice général simulant une attaque contre Téhéran, envoyant des
avions militaires pour un vol de 1500 kilomètres contre des cibles fictives
dans la mer Méditerranée. Des représentants de l’administration Bush ont
divulgué l’information sur l’exercice militaire aux médias, clairement pour
tenter d’intimider le régime iranien, aussi bien que pour préparer l’opinion
publique aux États-Unis et dans le monde pour une telle attaque.
Le général de division Mohammad Ali Jafari, commandant de la
Garde révolutionnaire iranienne, la plus grande force militaire du pays, a mis
en garde samedi que dans l’éventualité d’une attaque américaine ou israélienne,
l’Iran pourrait fermer les voies maritimes qui passent par le détroit d’Ormuz
utilisé par les pétroliers qui approvisionnent le monde avec le pétrole du golfe
Persique. « Naturellement, chaque pays attaqué par un ennemi utilise toute
sa capacité et ses opportunités pour confronter l’ennemi », a-t-il dit au
journal iranien Jaam-e Jam, selon l’Agence de presse Fars.
« L’Iran agira de manière définitive pour imposer son
contrôle sur le golfe Persique et le détroit d’Ormuz, a-t-il dit. Après cette
action, le prix du pétrole va augmenter significativement et cela figure parmi
les facteurs qui font reculer les ennemis. »
Trois journaux britanniques ont fait des reportages dimanche
concernant l’intensification de l’atmosphère de guerre :
* Le Sunday Telegraph a interviewé Shabtai Shavit,
l’ancien chef du Mossad, les services secrets israéliens, qui a suggéré
qu’Israël pourrait attaquer unilatéralement l’Iran après l’élection
présidentielle américaine, particulièrement si c’est le sénateur Barack Obama
qui gagne. Il a suggéré que l’Iran était à une année ou moins de construire sa
première arme nucléaire et que l’armée israélienne serait poussée par cette
date butoir. « Le temps qui reste… diminue », a-t-il dit.
* Le Guardian a rapporté que le premier ministre
israélien Ehoud Olmert a tenu une réunion à sa résidence officielle avec Avim Sela,
l’organisateur de la frappe aérienne de 1981 par Israël qui avait détruit un
établissement nucléaire irakien à Osirak, afin de discuter des aspects
pratiques d’une attaque similaire contre l’Iran.
* Le Times de Londres a rapporté qu’en réponse à
ces menaces, l’Iran a pointé ses missiles balistiques à longue portée les plus
puissants, le Shahab-3B, avec une portée de plus de 2000 kilomètres, vers des
cibles en Israël, incluant le principal établissement nucléaire israélien à Dimona
dans le désert de Negev.
La campagne secrète des Etats-Unis en Iran implique autant
l’Agence centrale de renseignements (CIA) que le Commandement spécial des
opérations communes du Pentagone, a écrit Hersh. Comme dans d’autres articles
provenant du journaliste d’expérience — le premier à rapporter les crimes de
guerre américain, du massacre de My Lai près de 40 ans plus tôt jusqu’à la
torture à Abou Ghraib en 2004 — ses sources proviennent de sections désabusées
de l’appareil de renseignements et de l’armée, particulièrement la CIA.
Hersh fait état d’un conflit entre la CIA et la Maison-Blanche
quant aux termes utilisés dans la directive pésidentielle : la CIA demande
l’autorisation explicite d’assassiner pour ses agents américains engagés dans
des actions secrètes en Iran tandis que la Maison-Blanche prétend que
l’autorité de Bush en tant que commandant en chef est suffisante.
Parmi ceux qui ont été interviewés, on compte l’ancien chef du
commandement central américain, l’amiral William Fallon qui est maintenant
retraité. Il avait été congédié par le secrétaire à la Défense Robert Gates
plus tôt cette année après qu’un profil dans le magazine Vanity Fair
avait dépeint Fallon comme un opposant interne d’une guerre des Etats-Unis
contre l’Iran.
Citant des commentaires provenant d’anciens responsables des
renseignements et de l’armée, Hersh a décrit une lutte interne de plus en plus
acerbe dans le gouvernement américain, avec le bureau du vice-président Richard
Cheney jouant un rôle de premier plan dans la mise de l’avant d’une campagne
agressive de provocations et d’une liste plus large de cibles. Un ancien
responsable a parlé à Hersh d’une réunion dans le bureau du vice-président :
« Le sujet de cette rencontre était la façon de créer un casus belli
entre Téhéran et Washington. »