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France : les étudiants ont besoin d’une perspective socialiste et de se tourner vers la classe ouvrière

Par le comité de rédaction
9 janvier 2008

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Malgré des mois de blocus et de confrontations avec la police, le mouvement appelant à l’abrogation de la loi Pécresse sur la réforme des universités est dans une impasse. La loi est toujours en place et avant le début des vacances de Noël, la plupart des blocus étudiants étaient terminés ou avaient été réprimés par la force. La question essentielle confrontant les étudiants opposés à la loi est la suivante : sur quelle base politique peut-on poursuivre la lutte contre cette loi ?

La loi, adoptée au parlement pendant les vacances d’été accorde aux universités une plus grande autonomie pour gérer leurs biens et leur budget, pour recruter le personnel et élaborer leur programme, pour créer des partenariats avec le patronat et rechercher des financements supplémentaires auprès des entreprises privées. La loi accorde aux présidents d’université le contrôle sur les décisions d’embauche et des pouvoirs plus grands en matière de budget. Elle permet des investissements privés plus importants dans les universités publiques, les soumettant directement aux intérêts des entreprises.

Les grèves des étudiants ont touché la moitié des universités françaises environ en octobre et novembre, au moment où les cheminots étaient aussi en grève contre les attaques préparées par le gouvernement sur leur régime de retraite. Les étudiants ont occupé des bâtiments et des bureaux dans les universités pour empêcher que les cours aient lieu ; Les protestations et les  blocus se sont rapidement propagés. Plus de 50 universités sur 85 ont tenu des assemblées générales, une trentaine d’entre elles ont voté pour l’abrogation de la loi.

Le syndicat étudiant le plus important, l’UNEF (Union nationale des étudiants de France) n’est intervenu que pour garder le contrôle sur les étudiants protestataires. Etroitement liée au Parti socialiste (PS), l’UNEF avait déjà cessé toute opposition à la loi en juillet lorsqu’elle avait reçu du président Nicolas Sarkozy des « garanties » que le gouvernement n’envisageait pas de mettre en place un processus de sélection pour les étudiants en Master. Tandis que l’UNEF poursuivait ses pourparlers avec le gouvernement en vue d’obtenir davantage de moyens pour l’enseignement supérieur, les AG (assemblées générales) d’étudiants élisaient, elles, des délégués à la « Coordination nationale » des étudiants et refusaient toute négociation avec le gouvernement.

La Coordination nationale des étudiants, largement influencée par le syndicat combatif Sud-étudiant, la Ligue communiste révolutionnaire (LCR) d’« extrême-gauche » et des groupes anarchistes, a tenu, dans différentes universités, une suite de conventions hebdomadaires appelant à l’abrogation de la loi.

On trouvait chez les étudiants une grande sympathie envers les cheminots. Néanmoins, sans organisation ni soutien massif à l’intérieur du mouvement des travailleurs et des étudiants, cela s’est principalement manifesté sous forme de tentatives isolées d’occupations de gares qui ont vite été réprimées et dispersées par la police. Cet échec à relier les luttes des étudiants et celles des travailleurs provenait directement de la perspective politique des organisations à la tête du mouvement.

Les syndicats, occupés à tenter de limiter l’action des cheminots à quelques grèves isolées d’une journée tandis qu’eux-mêmes préparaient un accord négocié avec le gouvernement, étaient totalement opposés à unifier les luttes des travailleurs et des étudiants. Ils n’ont apporté aucune aide aux étudiants qui essayaient de bloquer les gares. Le dirigeant de Force ouvrière Jean-Claude Mailly a dit dans un entretien télévisé le 12 novembre, « Je ne pense pas que bloquer, comme annoncé par certains, les gares demain, soit une bonne chose. » Le dirigeant de CGT-Rail, Didier Le Reste était lui aussi contre les occupations de gares, au nom du « risque de dérapage au niveau de la sécurité. » Le 12 novembre toujours, le président de l’UNEF Bruno Julliard a dit que l’UNEF « ne soutenait pas » les occupations des gares.  

La défaite de la grève des cheminots à la mi-novembre a alors permis au gouvernement de se concentrer sur les blocus étudiants et d’en venir à bout.

Le gouvernement ne souhaitait pas faire usage de la force contre les étudiants tant qu’il était confronté, dans l’économie, à la menace sérieuse d’un blocage des chemins de fer et des transports. Avec la fin des grèves, la police a commencé à s’attaquer aux blocus étudiants au milieu d’une hystérie sécuritaire attisée par les médias au moment de la répression des émeutes de Villiers-le-Bel. Celles-ci avaient suivi la mort, le 25 novembre, de deux jeunes dans une collision avec un véhicule de police. Des escadrons de CRS (police antiémeute) et la police ont progressivement expulsé les étudiants bloqueurs des campus universitaires à Paris, Grenoble, Nantes, Lyon, Montpellier, Rouen, Rennes, Amiens et dans d’autres villes.

La direction de l’UNEF a retiré son soutien, déjà limité, à la grève contre la nouvelle loi après la défaite de la grève des cheminots. Après avoir obtenu quelques concessions minimes lors de pourparlers avec la ministre de l’enseignement supérieur, Valérie Pécresse, Julliard a annoncé le 27 novembre « d'importantes avancées » et appelé les AG à « en tenir compte ». Il a dit qu’il y avait « des garanties nouvelles et des garde-fous aux craintes des étudiants mobilisés ». Deux jours plus tard Julliard appelait à « la levée des blocages et à la suspension de la grève… en raison des avancées obtenues par les étudiants ».

La Coordination nationale des étudiants, qui ne s’était jamais sérieusement préparée à une lutte politique avec le gouvernement, s’est trouvée encore plus désorientée. Après sa réunion du 24 et 25 novembre à Lille, elle a publié une résolution disant « Il est possible de gagner, de faire reculer le gouvernement sur nos revendications…Sarkozy a beau à dire qu'il ne reculera pas face à nous, lui et son gouvernement ont été affaiblis par les grèves….Les cheminots en particulier ont montré que lutter contre Sarkozy et sa politique était possible. »

En fait, comme le montrent les évènements, la défaite des cheminots a libéré l’Etat et lui a permis de s’occuper des étudiants. Travailleurs et étudiants ont pu lutter, mais sans une campagne politique visant à gagner le soutien de la population dans son ensemble, ils ne pouvaient pas gagner. Ce manque de perspective politique s’accompagnait d’une extrême surestimation de la marge de manœuvre politique et économique qu’avait le gouvernement pour faire des concessions aux étudiants.

Le gouvernement doit mener à bien ses réformes, du fait des changements énormes qui secouent le capitalisme mondialisé et qui affectent la place qu’y tient l’Europe. La France est confrontée à un ralentissement de la croissance de son PIB depuis plus d’une décennie, dans un contexte d’ascension rapide d’économies industrielles hautement compétitives utilisant de la main-d’œuvre bon marché, telles la Chine et l’Inde. La préférence stratégique de la bourgeoisie française pour rester compétitive dans ce nouvel environnement est de tourner son économie vers les secteurs de la haute technologie.

Un document publié par le Conseil d’analyse économique (CAE) du premier ministre, intitulé « Mondialisation: les Atouts de la France » déclare: « 42 pour cent des exportations de la France sont dans le haut de gamme. Plus des deux tiers des exportations françaises haut de gamme sont liés à la seule filière aéronautique. Dans le cas de la Chine, ce segment ne représente par exemple que 13 pour cent de ses ventes à l'exportation. Ceci est important, car cela constitue un rempart à la concurrence des pays à bas salaires. [...] La France n'a pas le choix: elle doit [...] se situer sur les segments haut de gamme de la haute technologie pour voir la Chine décrocher. »

Mais la France a encore du retard dans le développement de produits de haute technologie. En 2004 par exemple, les dépenses françaises en matière de recherche et de développement représentaient 2,16 pour cent du PIB, moins que l’Allemagne (2,49) et que la Suède (3,74). Le nombre de brevets par million d’habitants en 2003 était de 40,9 en France, 90,5 en Allemagne et de 91,2 en Suède.

Le capitalisme français veut pousser les universités à entrer à son service, afin de compenser cette faiblesse de l’industrie privée. Le rapport du CAE souligne la nécessité de construire des « pôles de compétitivité, » entreprises en participation entre instituts de recherche publics, universités et compagnies privées. Il donne comme exemple Medicen, groupe de recherche médicale de la région parisienne « rassemblant Gsk, Ipsen, Philips Fr, Pierre Fabre, Sanofi Aventis, Servier, Siemens, le CEA, le CNRS, l'INRIA, l'INSERM, l'Institut Pasteur, Curie et Gustave Roussy, les universités de Paris 5, 6, 7 et Sud, l'École centrale, l'ENS et l'ESPCI. »

Ces changements projetés plaident de façon objective en faveur de l’unification de la lutte des étudiants et des travailleurs, du fait que ces changements requièrent une réorganisation massive des universités françaises ainsi que des attaques résolues sur le niveau de vie des travailleurs.

L’accent mis sur « l’autonomie » des universités aura pour conséquence l’inégalité entre universités, puisque ne seront financées que celles qui seront considérées comme des centres de recherche pour l’industrie privée, tandis que les universités des villes plus petites ou se trouvant dans des régions rurales seront laissées pour compte. De plus, les matières qui ne sont pas immédiatement profitables pour les entreprises privées verront leur financement se tarir progressivement.

Obliger les universités à compter sur un financement privé met inévitablement en péril les étudiants issus de la classe ouvrière, avec l’introduction probable de frais de scolarité élevés comme aux Etats-Unis. Dans ce pays, les étudiants contractent des prêts pour payer leurs études et ils terminent leurs études criblés de dettes. Celles-ci atteignent souvent des dizaines de milliers de dollars.

Le développement d’une industrie de haute technologie basée sur le capitalisme ne peut se faire sans s’attaquer aux conditions de vie et de travail de la classe ouvrière. Par exemple, pour que les entreprises françaises de biotechnique attirent des investissements et soient compétitives sur le marché international, il leur faudra augmenter le coût des médicaments et des soins médicaux pour atteindre le même niveau qu’au Royaume-Uni ou aux Etats-Unis où ils sont beaucoup plus élevés. Cela nécessitera aussi le développement d’une classe plus grande d’investisseurs riches, ce qui signifie priver les travailleurs de prestations sociales et accroître les inégalités sociales ; le rapport du CAE déclare : « [La France a] trop peu de venture capitalists, de business angels (600 seulement en France contre près de 60 000 au Royaume-Uni). »

Pour faire avancer leur lutte, les étudiants français doivent se tourner vers la classe ouvrière. Contrairement aux projets, motivés par le profit, de la classe dirigeante visant les universités, étudiants et travailleurs doivent avancer la perspective de l’utilisation démocratique et planifiée des ressources internationales pour satisfaire les besoins sociaux. Une telle perspective dépend du renouveau de l’héritage marxiste révolutionnaire à l’échelle internationale, et c’est sur cette base que nous appelons à construire une section de L’Internationale étudiante pour l’égalité sociale (IEES) et du Comité international de la Quatrième Internationale (CIQI) en France.

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