WSWS : Nouvelles et analyses : Etats-Unis
Le rapport qui suit a été présenté par David North, le secrétaire national du PES américain lors d’une réunion nationale qui a eu lieu les 5 et 6 janvier à Ann Arbor dans l’Etat du Michigan.
1. L’année 2008 connaîtra un approfondissement important de la crise politique et économique du système capitaliste mondial. Les perturbations qui affectent les marchés financiers mondiaux sont une manifestation de beaucoup plus qu’un ralentissement conjoncturel, mais plutôt d’un dérèglement profond du système qui est déjà à l’œuvre pour déstabiliser la politique internationale. Comme toujours, ce sont les liens les plus faibles de la chaîne de la géopolitique impérialiste qui se sont rompus en premier. L’assassinat de Benazir Bhutto au Pakistan, les éruptions de la guerre civile au Congo et au Kenya et la réapparition des tensions dans les Balkans sur la question du Kosovo sont tous indicatifs de l’état de plus en plus explosif de la politique mondiale.
2. Seize années après la dissolution de l’Union soviétique, un événement qui annonçait prétendument le triomphe définitif et irréversible du capitalisme mondial, l’économie tremble sur ses bases. L’éclatement de la bulle immobilière aux Etats-Unis, qui a été nourrie par les investissements spéculatifs hors contrôle dans l’hypothèque à risque, a signifié des pertes mondiales se chiffrant dans les centaines de milliards de dollars pour les banques et les institutions financières internationales. Une série d’instruments financiers dénommés par des sigles cryptiques — les SIV (structured investment vehicles ou véhicules d'investissement structurés), les CDO (collateralized debt obligations, obligation adossée à des actifs) et le reste — ont été créés pour « rendre plus sûres » les hypothèques à risque, pour cacher leurs aspects les plus inquiétants et pour répartir le risque dans un grand nombre d’institutions. Le résultat est une crise financière internationale qui, dans les mots d’un analyste, a remis en cause la viabilité et la légitimité du système du capitalisme anglo-saxon. Le Financial Times a écrit que « l’avenir de l’innovation financière du vingt-et-unième siècle s’est depuis évaporé. Les événements de l’an dernier ont montré avec une lumière crue que l’étalement du risque n’empêche pas toujours les chocs financiers, mais peut plutôt contribuer à la propagation de la contagion… »
3. Le caractère extrêmement sérieux de la situation économique actuelle n’est pas un objet de débat au sein de la communauté des analystes bourgeois bien informés. Les plus perspicaces et honnêtes parmi eux reconnaissent que les données sur l’ampleur des pertes financières et leur impact sur les secteurs plus larges de l’économie américaine et mondiale sont encore insuffisantes pour faire des prédictions solides sur les conséquences d’une crise en plein développement. Le resserrement du crédit qui est apparu au début de l’été 2007 demeure la principale menace au bon fonctionnement de l’économie capitaliste mondiale. Se rendant compte que des milliards de dollars en actifs doivent être considérés comme des pertes irrécupérables, la confiance mutuelle qu’ont les institutions financières dans la solvabilité de leurs consoeurs a reçu un dur coup. De plus, il est généralement admis que le même type de pratiques dans les prêts qui ont résulté en une bulle immobilière a eu lieu dans d’autres secteurs de l’économie. On craint de plus en plus qu’une récession américaine mette à nu la témérité avec laquelle les grandes sociétés ont prêté de l’argent. Mais dans cette situation tendue, les espoirs initiaux que l’impact de l’effondrement du prix des maisons sur l’économie américaine dans son ensemble soit rapidement contenu se sont rapidement dissipés. « Les Etats-Unis entrent dans l’année 2008, écrit le Financial Times, avec un plus grand danger de récession qu’à tous moments depuis l’effondrement de la bulle de l’internet en 2000-01. L’économie la plus importante au monde lutte pour maintenir sa croissance dans un contexte de resserrement du crédit, du déclin du prix des maisons et des prix élevés du pétrole. » (2 janvier 2008)
4. Une autre importante étude économique conclut : « Sur la question du resserrement du crédit, il semble y avoir un accord général sur le fait que, tout compte fait, la crise actuelle est déjà plus sérieuse que toutes les crises précédentes de l’histoire moderne. Les principales banques et leurs institutions financières révèlent encore, presque tous les jours, d’immenses pertes, conséquence de prêts imprudents. Le prix des maisons tombe. Et il y a le sentiment général que la situation continuera à se dégrader, particulièrement alors que plusieurs de ceux qui ont contracté des hypothèques à risque [ainsi que ceux qui ont contracté des (malnommés) prêts « intérêts seulement » ou des prêts avec des taux d’intérêts à l’entrée « alléchants »] vont subir une pression de plus en plus importante alors que les taux initiaux qu’ils paient jusqu’à maintenant vont augmenter au cours de la prochaine année. » [Strategic Analysis, November 2007, Levy Institute of Bard College, p. 9]
5. Une crise de l’économie américaine a des implications mondiales directes et immédiates. Le Fonds monétaire international (FMI) a avisé que « le risque de la demande intérieure en Europe de l’Ouest et au Japon est maintenant un indicateur à la baisse » en conséquence de la « contagion » provenant des Etats-Unis. (World Economic Outlook, October 2007, p. 11) Aussi, le FMI anticipe que « la perturbation prolongée des marchés financiers mondiaux pourrait se répercuter sur les flots financiers vers les marchés émergents et déclencher des problèmes dans les marchés intérieurs… [L]a croissance [en Asie et en Amérique du Sud] est vulnérable aux ricochets que provoquerait un ralentissement de la croissance de la demande totale dans les économies avancées… » [ibid., p. 19]
6. Aux Etats-Unis, la crise de l’industrie du logement est avant tout un désastre social pour des millions de familles ouvrières et des classes moyennes. Il est attendu qu’un million de familles perdent leur maison à cause des reprises par les prêteurs hypothécaires dans les deux prochaines années. Des millions d’autres qui ne sont pas immédiatement menacés de reprise sont sérieusement affectés par la crise. Dans plusieurs parties du pays, on s’attend à ce que le prix des maisons perde 25 pour cent ou plus. Un déclin de cette ampleur ne peut qu’avoir un impact dévastateur sur les finances personnelles des familles de la classe ouvrière. Il est bien connu que les prêts garantis par la valeur de la maison ont joué un rôle crucial en tant que source supplémentaire d’argent aux salaires des familles ouvrières et des classes moyennes. Ces prêts ont été contractés pour financer l’éducation des enfants, payer les frais médicaux ou pour rencontrer d’autres besoins pressants. Cette source de revenus additionnels ne sera plus disponible pour des millions de gens.
7. Ainsi, l’effondrement du prix des maisons prive les larges masses d’Américains qui travaillent d’un des principaux moyens par lequel ils avaient tenté de contrecarrer les contraintes financières de trente-cinq années de stagnation des salaires. Le revenu du travailleur mâle dans la trentaine est aujourd’hui 12 pour cent inférieur à celui du travailleur qui avait le même âge en 1978. Comme l’ancien secrétaire au Travail, Robert Reich, l’avait souligné, les « mécanismes de survie » qui ont été utilisés pour faire face à la déflation des salaires a été l’entrée massive des femmes sur le marché du travail (de 38 pour cent en 1970 à 70 pour cent aujourd’hui) et l’addition de deux semaines de travail par année. Les Américains travaillent 350 heures de plus chaque année que l’Européen moyen. Au début du 21e siècle, alors que les travailleurs ont atteint la limite physique d’augmenter leur salaire en travaillant plus, ils ont commencé à dépendre de plus en plus sur le crédit, utilisant leur maison comme garantie. Alors que disparaît le moyen de combler l’écart toujours grandissant entre le revenu et les besoins, des millions de personnes sont confrontées au spectre de tomber dans un abîme financier. Déjà, durant la première moitié de 2007, les faillites personnelles aux Etats-Unis ont augmenté de 48 pour cent. On peut mesurer combien précaire est la situation financière des travailleurs par le fait que 27 millions d’entre eux devront emprunter simplement pour payer les frais de chauffage cet hiver. Mais les cartes de crédits deviennent tout aussi problématiques que les prêts garantis par la maison. Alors que tous les moyens individuels et traditionnels de faire face aux réalités économiques prévalentes disparaissent, la classe ouvrière est forcée de se tourner vers le seul moyen qu’elle a pour se défendre, c’est-à-dire la lutte politique et sociale collective et consciente contre le système capitaliste.
8. Le caractère et les conséquences révolutionnaires de la lutte de la classe ouvrière sont déterminés avant tout par la nature objective de la crise du système capitaliste mondial. Comme dit plus avant, l’expansion de la crise a un caractère structurel. Pour la troisième fois en dix ans, l’économie mondiale a été ébranlée par l’effondrement d’une bulle qui a été créée par une spéculation financière massive. La crise financière de l’Asie de l’Est, qui a commencé lors de l’été de 1997, a engouffré les économies de la Thaïlande, de la Malaisie, de l’Indonésie, de la Corée du Sud, des Philippines et de Singapour et a failli provoquer un effondrement financier international. Il n’a pu être empêché que par d’importantes contre-mesures du FMI, qui a financé des sauvetages nationaux au coût de milliards de dollars pour empêcher une série de défauts de paiement nationaux aux conséquences cataclysmiques. La vulnérabilité des marchés américains des capitaux à la crise asiatique a été montrée par les grandes pertes sur Wall Street. En un seul jour, le 27 octobre 1997, le Dow Jones a perdu 554 points ou 7,2 pour cent en réponse à la tourmente sur les marchés de change en Asie. Les efforts subséquents pour stabiliser Wall Street, particulièrement les faibles taux d’intérêt, ont créé les conditions pour le développement de la bulle de l’investissement qui a commencé à se développer au milieu des années 1990. En 2000, le caractère insoutenable de la folie des « .com », caractérisé par « l’exubérance irrationnelle » des marchés est devenu évident pour tous. La bulle a éclaté et le crash qui a suivi a entraîné la première récession en dix ans. Encore une fois, la réponse de la Réserve fédérale, la banque centrale américaine, a été de diminuer les taux d’intérêts à leur plus bas niveau depuis des décennies et d’inonder les marchés de liquidités. Le caractère hautement spéculatif du marché immobilier était largement reconnu, mais ceux qui font la politique financière ont cru que sa croissance continuelle, peu importe combien douteuse elle était, était nécessaire pour empêcher la résurgence de la récession. Comme l’a signalé l’Institut économique Levy, « La croissance des dépenses personnelles, sur laquelle l’économie américaine a principalement dépendu depuis 2001, a été causée directement et indirectement par le boum hystérique du marché immobilier. » [Strategic Analysis, November 2007, p. 7]
9. La tendance persistante à la création de bulles spéculatives émerge de profondes contradictions dans le développement du système capitaliste mondial, contradictions qui sont particulièrement liées au déclin historique de la position mondiale du capitalisme américain. La baisse à long terme de la rentabilité de l’industrie aux Etats-Unis pousse les institutions financières américaines à rechercher d'autres sources de hauts retours sur l’investissement. Le mode d’existence de l’élite dirigeante américaine a été caractérisé au cours des 30 dernières années par la séparation toujours plus grande entre le processus d’accumulation de la richesse et les processus de production industrielle. Ces derniers n’intéressent l’élite dirigeante que dans la mesure où la disponibilité de main-d’oeuvre bon marché permet un taux de profit assez important pour satisfaire sa demande extrêmement élevée d’enrichissement personnel.
10. Le caractère parasitaire de l’élite dirigeante américaine est inextricablement lié à l’extrême intensification du militarisme. En dernière analyse, les guerres en Irak et en Afghanistan — tout en exploitant comme prétexte les événements du 11-Septembre — sont nées de la poussée de la classe dirigeante américaine pour maintenir la position hégémonique mondiale des Etats-Unis. La doctrine de la guerre préventive, dévoilée par l’administration Bush en 2002, demeure en place. Afin de surmonter les défis géopolitiques et économiques posés par des rivaux actuels ou en émergence, l’utilisation de la puissance militaire est privilégiée. Les défaites subies en Irak, loin de calmer les pulsions agressives de l’impérialisme américain, ont créé de nouveaux impératifs pour le déploiement de la puissance américaine. Les menaces contre l’Iran se sont intensifiées en réaction à la fragilité de la position des Etats-Unis en Irak.
11. Pour ce qui est de la guerre en Irak, la légère diminution de violence ne signifie pas que l'escalade militaire de Bush a réussi, et encore moins que la fin de la guerre approche. Dans une certaine mesure, le déclin temporaire des violences reflète jusqu’à quel point le « nettoyage ethnique » des quartiers — le produit de l’invasion américaine — a été mené. Il y a aussi les conséquences de l’immense massacre qui a lieu en Irak. Mais surtout l’invasion américaine a eu pour résultat d’intensifier énormément les contradictions sociales et politiques dans le pays et la région. L’intensification du conflit entre la Turquie et les Kurdes irakiens menace à tout moment de se transformer en guerre totale. Il n’existe de toute façon — à moins d’un puissant mouvement anti-guerre de la classe ouvrière américaine et internationale — aucune possibilité de retrait des troupes américaines dans un avenir proche. Comme l’a fait remarquer l’écrivain Nir Rosen dans un article paru dans le journal Current History : « L’escalade militaire n’est pas qu’une façon de refiler le problème de l’Irak à la prochaine administration, car en réalité les soldats américains ne quitteront jamais l’Irak. Les importantes bases de la province d’Anbar, telles que al-Assad Et Taqadum, ont été construites pour " durer longtemps " selon ce que m’a dit un officier de la marine. Situées au milieu du désert, pratiquement imprenables et seulement à l’occasion les cibles d’attaques au mortier, ces bases vont demeurer pour des décennies. » [décembre 2007, p.413]
12. Au cours des cinq années qui ont suivi l’invasion de l’Irak, la position stratégique des Etats-Unis s’est détériorée. Surtout en Asie centrale, dont la domination est considérée comme essentielle par Washington pour l’hégémonie mondiale, les Etats-Unis font face à un environnement plus difficile. Le retour de l’influence de la Russie dans la région et le développement économique continu de la Chine et de l’Inde sont perçus comme des obstacles potentiels pour les ambitions impériales des Etats-Unis.
13. Pour les stratèges de l’impérialisme américain, la question de la Chine se fait encore plus menaçante. La croissance constante de la puissance économique chinoise — qui prendra nécessairement une forme de plus en plus militaire — est perçue largement comme étant incompatible avec les intérêts mondiaux des Etats-Unis. La récente création du Centre de commandement militaire américain pour l’Afrique, AFRICOM, est une réaction directe à la croissance constante de l’influence de la Chine sur ce continent. Mais le conflit entre la Chine et les Etats-Unis pour l’influence en Asie orientale est marqué par des tensions plus grandes et plus immédiates encore. Comme l’a affirmé Christopher Layne, expert en politique étrangère : « Si les Etats-Unis tentent de maintenir leur domination actuelle en Asie orientale, un conflit sino-américain est pratiquement inévitable, car dans la grande stratégie américaine se trouve la logique de la violence préventive comme instrument pour maintenir la suprématie des Etats-Unis. Pour une puissance hégémonique en déclin, " étrangler le bébé dans le berceau ", en attaquant de façon préventive un nouvel adversaire — c’est-à-dire lorsque la puissance hégémonique a encore l’avantage militaire — a toujours constitué une option stratégique attrayante. » [Current History, janvier 2008, pp. 16-17]
14. La poussée militariste émerge inexorablement des intérêts et ambitions géopolitiques mondiaux de la bourgeoisie américaine. C’est aussi un produit de l’état de plus en plus nocif des relations sociales aux Etats-Unis. La croissance ahurissante des inégalités économiques au cours des trois dernières décennies a entraîné l’accumulation d’extrêmes tensions sociales sous la surface de la politique officielle et à l’extérieur du discours public cautionné par les médias. Le militarisme impérialiste est l’un des plus importants instruments politiques employés par les élites dirigeantes pour empêcher les tensions sociales de prendre la forme conflit de classe au pays.
15. De récentes études faites par Edward N. Wolff du Levy Economics Institute de Bard College documentent les niveaux extrêmes d’inégalité sociale aux Etats-Unis. Les statistiques ayant trait à la répartition de la richesse et des revenus révèlent le degré extraordinaire de stratification sociale. Le 1,0 pour cent supérieur de la population détient 34,3 pour cent de la valeur nette des ménages aux Etats-Unis. Les 4,0 pour cent suivants possèdent 24,6 pour cent et les 5,0 pour cent suivants, 12,3 pour cent. En tout, les 10,0 pour cent les plus riches de la population détiennent environ 71 pour cent de la richesse nationale des ménages. Les 10 pour cent suivants n’ont que 13,4 pour cent de la richesse. Les 80 pour cent inférieurs des ménages américains ne possèdent que 15,3 pour cent de la richesse. Ceux qui font partie du troisième quintile ne détiennent que 3,8 pour cent de la richesse. Les derniers 40 pour cent des ménages ne possèdent que 0,2 pour cent de la richesse!
16. Si l’on considère la richesse en excluant la propriété d’une maison, la stratification est encore plus marquée. Le 1,0 pour cent supérieur des ménages détient 42,2 pour cent de la richesse non résidentielle. Les 10 pour cent supérieurs possèdent un peu moins de 80 pour cent de la richesse non résidentielle. Les 80 pour cent inférieurs possèdent 7,5 pour cent de la richesse non résidentielle. Les 40 pour cent les plus pauvres rapportent une richesse non résidentielle négative de -1,1 pour cent.
17. En considérant le revenu, le 1,0 pour cent supérieur reçoit 20 pour cent du total. Les 10 pour cent supérieurs obtiennent 45 pour cent du revenu total. Les 80 pour cent inférieurs reçoivent 41,4 pour cent. Les 40 pour cent les plus pauvres n’obtiennent que 10,1 pour cent du revenu.
18. Une autre série de statistiques extrêmement intéressante concerne les conditions financières des ménages situés dans les trois quintiles du milieu (80-60, 60-40, 40-20). Leurs maisons comptent pour 66.1 pour cent de leur richesse personnelle. Leurs liquidités comptent pour seulement 8,5 pour cent de leur richesse. Les outils d’investissements (actions, placements, fiducies, etc.) comptent pour seulement 4,2 pour cent. Ces chiffres montrent très clairement jusqu’à quel point la position financière des trois quintiles du milieu dépend de la valeur de la maison et de la condition générale du marché immobilier.
19. Ce fait rend encore plus significatif la hausse marquée de l’endettement de ces sections de la classe ouvrière et de la classe moyenne. En 1983, le ratio entre la dette et les capitaux propres et la capitalisation boursière était de 37,4 pour cent. En 2004, il a grimpé à 61,6 pour cent. En 1983, le ratio entre la dette et les revenus était de 66,9 pour cent. En 2004, il a grimpé à 141,2 pour cent ! En 1983, la dette hypothécaire sur les maisons de ces trois quintiles comptait pour 28,8 pour cent de la valeur immobilière. En 2004, la dette comptait pour 47,6 pour cent.
20. Une dernière série de statistiques : En 2004, selon Wolff, « les ménages faisant partie du 1 pour cent les plus riches détiennent la moitié de toutes les actions en circulation, des titres de placement et des capitaux d’entreprises. Les 10 pour cent des familles les plus riches, prises comme un groupe, comptent pour environ 80 à 85 pour cent des actions, des obligations, des fiducies, des capitaux d’entreprises et de l’immobilier non résidentiel. De plus, malgré le fait que 49 pour cent des ménages détiennent des actions soit directement ou indirectement par des fonds mutuels, des fiducies ou différents fonds de pension, les 10 pour cent des ménages les plus riches comptent pour 79 pour cent de la valeur totale de ces actions, seulement un peu moins que les 85 pour cent qu’ils détiennent directement par des actions et des fonds mutuels. » [« Tendance émergente dans la richesse des ménages aux États-Unis : l’endettement en hausse et la compression de la classe moyenne, » Juin 2007, p.25]
21. Quelles sont les implications politiques de ces statistiques ? La stratification extrême de la société américaine dans les trois dernières décennies approche rapidement le point de conflit de classe ouvert et violent. Le sclérotique système politique américain, administré par deux partis politiques qui servent d’instruments pour la défense des intérêts de la ploutocratie dirigeante, est organiquement incapable de répondre de manière crédible, sans parler d’une manière progressiste, aux demandes des masses pour du changement social significatif. En dernière analyse, les demandes pour le changement social, même si elles prennent une forme réformiste, entrent en conflit avec la détermination inébranlable de l’élite dirigeante pour la défense de ses richesses et de ses privilèges sociaux.
22. Les élections volées de 2000 — comme le PES et le World Socialist Web Site l’avaient souligné à ce moment — représentaient une étape historique dans la dégénérescence de la démocratie américaine. La décision du Parti démocrate d’accepter le vol des élections démontre qu’aucune section significative de la classe capitaliste américaine ne ressent la moindre obligation de défendre les institutions traditionnelles de la démocratie bourgeoise. Tout ce qui est arrivé depuis l’élection a validé ce jugement. Les violations systématiques des principes constitutionnels et démocratiques réalisés sous le couvert de la « guerre au terrorisme » de l’après 11 septembre — dans laquelle les démocrates et les républicains sont complices — donnent un aperçu des préparatifs encore plus éhontés de formes dictatoriales de gouvernement de classe. Ces violations ne sont pas des aberrations. Elles émergent d’une polarisation sociale qui s’accentue et qui est ultimement incompatible avec le maintien de formes traditionnelles de la démocratie américaine. Le fait que la procédure désignée par l'expression « enhanced interrogation » (« interrogatoire étendu ») — c.-à-d. la torture — est une traduction anglaise de la procédure que la Gestapo d’Hitler appelait « verschärfte Verhemung » doit être vu comme un avertissement.
23. Peu importe qui sera ultimement choisi par les partis bourgeois et élu président, la logique des développements sociaux et politiques mène inéluctablement vers une intensification des conflits de classes. De plus, la détérioration prolongée de la position sociale et du niveau de vie de la classe ouvrière, sa part toujours en diminution de la richesse de la société et l’intensification sans relâche de son exploitation par ceux qui contrôlent les moyens de production ont jeté les bases pour un changement profond dans l’orientation politique et les allégeances de la classe ouvrière. Ceux qui ne sont pas capables de voir ou qui refusent de voir que les profonds changements dans la vie économique pendant les trente dernières années ont laissé des marques profondes dans la conscience sociale de la classe ouvrière américaine montrent non seulement leur scepticisme démoralisé, mais aussi leur ignorance de l’histoire. En fait, l’absence de conflit social et de conflit de classe ouvert pendant le dernier quart de siècle est en contradiction avec la tendance générale de l’histoire américaine. Mais, cette période prolongée de passivité sociale, ancrée dans une interaction complexe et exceptionnelle de processus économiques et politiques nationaux et, d’abord et avant tout, internationaux, est en train de prendre fin. La tâche centrale du Parti de l’égalité socialiste en 2008 est de préparer tous les aspects de son travail — théorique, politique et organisationnel — dans le but de faire face aux défis posés par l’éruption de conflit de classe.
24. Un élément critique de cette préparation passe par l’étude des leçons des périodes antérieures de bouleversements révolutionnaires. Cette année marque le quarantième anniversaire de l’année 1968, une année qui fut caractérisée par des luttes explosives internationalement et aux Etats-Unis. Les évènements de cette année-là déclenchèrent une longue période de lutte révolutionnaire internationale et de conflit de classe intense aux Etats-Unis. De manière significative, les éruptions politiques de 1968 anticipaient et se sont ensuite développées parallèlement à une économie mondiale en proie à des tensions grandissantes. La dévaluation de la livre britannique en novembre 1967, suivie en mars 1968 par l’instabilité dans le marché européen de l’or, laissait envisager l’écroulement du système de Bretton Woods de 1971 sur lequel étaient basés la reconstruction du capitalisme international après la Deuxième Guerre mondiale et le rôle dominant des Etats-Unis.
25. Revoyons brièvement les évènements principaux de cette année-là : à la fin janvier, le gouvernement du Vietnam Nord lança l’historique « offensive du Têt », qui discrédita complètement les affirmations de l’administration Johnson et du Pentagone selon lesquelles les Etats-Unis étaient en train de gagner la guerre. Le Secrétaire à la Défense Robert McNamara démissionna et une féroce lutte interne émergea dans l’administration sur la politique concernant le Vietnam. Aussi en janvier, le stalinien notoire Antonin Novotny fut remplacé en tant que premier ministre de la Tchécoslovaquie par Alexander Dubcek, déclenchant ce qui allait devenir le « Printemps de Prague. » En février, Lyndon Johnson remporta tout juste une victoire sur le sénateur Eugene McCarthy lors des primaires du New Hampshire, un résultat qui allait être interprété comme une défaite politique majeure pour le président sortant. Deux semaines plus tard, le Sénateur Robert Kennedy annonça qu’il se présentera contre Johnson pour la nomination. Deux semaines plus tard, Johnson annonça sa volonté d’entrer dans des pourparlers de paix avec le Vietnam-Nord et sa décision de ne pas chercher à obtenir de nouveau la nomination. Le 4 avril, Martin Luther King était assassiné à Memphis et des émeutes éclatèrent partout aux Etats-Unis. En mai, la répression violente de manifestations étudiantes à l’Université de la Sorbonne à Paris mena à une grève générale de la classe ouvrière française qui paralysa le gouvernement de De Gaulle et amena le pays au bord de la révolution sociale. Le 5 juin, le Sénateur Robert Kennedy était assassiné à Los Angeles. En août, la convention démocrate à Chicago fut assiégée par des manifestations anti-guerre, que le maire Richard Daley tenta de réprimer violemment à l’aide de la police. Pendant la même semaine, les tanks soviétiques entrèrent en Tchécoslovaquie et ramenèrent le contrôle stalinien. En novembre, Richard Nixon fut élu président.
26. Les événements de 1968 n’ont fait que marquer le commencement d’un soulèvement massif de la lutte de classe à l’échelle du globe qui persista près d’une décennie. Sur chaque continent la lutte de masse était la règle et non l’exception. L’aspect le plus significatif de cette période était le développement parallèle de mouvements révolutionnaires dans les pays capitalistes moins développés et les pays capitalistes développés. Des conditions prérévolutionnaires et révolutionnaires apparurent en Bolivie, au Chili, en Argentine, en Italie, en France, en Grande-Bretagne, au Portugal, en Grèce et en Espagne. Aux États-Unis, la force dominante de la lutte sociale durant cette période n’était pas le mouvement étudiant, mais la classe ouvrière. Avec l’exception des années 1973 et 1976, le nombre de travailleurs impliqué dans des grèves majeures, n’est jamais descendu en bas du million entre 1967 et 1979. En 1970 et 1971, le nombre de travailleurs impliqués dans les grèves était de 2,4 millions et 2,5 millions respectivement. En Grande-Bretagne, la grève des mineurs du charbon de 1973-74 força la chute du gouvernement conservateur d’Edward Heath
27. A qui doit-on attribuer la survie du système capitaliste durant cette période de luttes sociales tumultueuses ? Sur le front politique, la principale raison de la survie du capitalisme se trouve dans la politique contre-révolutionnaire du stalinisme, des gouvernements et partis sociaux-démocrates, et des bureaucraties syndicales, qui ont fait tout en leur pouvoir pour saboter la lutte révolutionnaire de la classe ouvrière. De plus, les partis et les organisations pablistes, qui avaient dans les années 50 et début 60 rompu avec la Quatrième Internationale, jouèrent un rôle destructif en couvrant le rôle politique traître des staliniens et des sociaux-démocrates et en canalisant la lutte des masses dans une politique impuissante de protestation. Dans ce projet, les pablistes travaillèrent main dans la main avec les organisations de la dite Nouvelle Gauche, dont les traits caractéristiques sont un dédain pour la classe ouvrière, l'indifférence à l’égard des leçons de l’histoire, l'hostilité envers le marxisme et une haine viscérale du trotskysme.
28. La trahison politique de ces forces avait été incitée par des facteurs objectifs substantiels, desquels le plus significatif était la position mondiale encore dominante du capitalisme américain. Le dollar fonctionnait comme valeur de référence dans l’économie capitaliste mondiale, convertible en or au taux de 35 $ l’once. Mais politiquement et économiquement, le monde en 2008 est radicalement différent de celui existant il y a 40 ans. Le principal créancier du monde est devenu la nation la plus endettée. Le dollar américain, dont la valeur sur les marchés internationaux ne représente plus qu’une fraction de sa valeur correspondant à la période de Bretton Woods, a quasiment perdu toute crédibilité en tant que monnaie de réserve mondiale. Son remplacement par l’euro ou par un « panier » de monnaies internationales, un développement inévitable, ne ferra que confirmer ce qui est déjà apparent – que l’ère de la domination globale du capitalisme américain est arrivée à terme. De plus, les changements technologiques extraordinaires derrière les processus connus sous le terme de « mondialisation » sont profondément révolutionnaires dans leurs implications. Les trois dernières décennies ont été témoins d’une immense expansion mondiale dans les forces de la classe ouvrière internationale. Sa puissance sociale et sa capacité potentielle à réorganiser l’économie mondiale sur des bases socialistes – c.-à-d. de la réorienter consciemment dans le but de mettre fin à la pauvreté et l’exploitation et de servir les intérêts et les besoins de l’humanité – est plus grande que dans toutes les périodes historiques précédentes.
29. Le Parti de l’égalité socialiste, en solidarité politique avec le Comité international de la Quatrième Internationale, anticipe avec confiance la réémergence des luttes de la classe ouvrière. Nous sommes convaincus que la crise objective du système capitaliste va provoquer un soulèvement de la classe ouvrière américaine et internationale. Mais les soulèvements à venir ne vont pas automatiquement résoudre les problèmes du développement de la conscience socialiste.
30. Comme il a été démontré par les luttes initiales des travailleurs dans les derniers mois, il demeure un gouffre énorme entre les implications révolutionnaires objectives de la crise et le niveau actuel de conscience politique. Les conditions objectives vont propulser les travailleurs dans la lutte et créer les conditions pour un immense bond de la conscience. Mais ce serait une erreur de sous-estimer le degré de lutte qui doit être menée par le parti pour élever la conscience politique de la classe ouvrière et surmonter l’influence réactionnaire des bureaucraties, qui, bien qu’affaiblies, sont encore des défenseurs dangereux et cruciaux de l’ordre bourgeois. Nous ne pouvons pas non plus ignorer le rôle joué par la myriade de tendances petites bourgeoises « radicales » qui cherchent inlassablement à désorienter la classe ouvrière et à maintenir sa subordination aux sections « progressistes » de la bourgeoisie. L’influence de toutes ces différentes agences de l’élite dirigeante ne peut être surmontée que par l’assimilation des expériences stratégiques des luttes révolutionnaires précédentes et par la compréhension de leurs implications dans la crise en développement du capitalisme mondial.
31. Durant l’année 2008, le Parti de l’égalité socialiste va entreprendre une campagne politique ambitieuse pour étendre son influence au sein de la classe ouvrière et parmi les jeunes. Cette campagne va inclure :
(a) La participation du PES dans les élections de 2008 avec ses propres candidats dans le plus grand nombre d’États possible. Le but de cette campagne va être de développer la conscience politique de la classe ouvrière et sa compréhension du programme du socialisme international, de précipiter sa rupture politique avec les partis de la classe capitaliste, de lutter contre la pauvreté, l’exploitation et toutes les formes d’inégalité sociale, de construire une opposition au militarisme et à l’impérialisme américain et de recruter de nouvelles forces au sein du Parti de l’égalité socialiste.
(b) Le développement, en accord avec nos co-penseurs politiques dans le Comité international, du World Socialist Web Site. Ceci comprend le développement d’une nouvelle version du site Web afin d’en améliorer l’accessibilité pour la lecture et d'utiliser le plus efficacement possible la technologie moderne du Web. Le WSWS va également introduire des changements éditoriaux qui vont renforcer son contenu politique, culturel et théorique. Le but de tous ces changements est d’étendre le lectorat et l’influence politique du site Web en tant qu'instrument de la pensée et de l’action socialistes.
(c) L’internationale étudiante pour l’égalité sociale (IEES), le mouvement de la jeunesse étudiante affilié au PES, va étendre son travail sur les campus des universités à travers les États-Unis. En étroite collaboration nos co-penseurs du Comité international, nous allons développer l’IEES en un véritable mouvement international luttant pour l’unité et la solidarité politique des jeunes et des travailleurs à travers le monde.
32. Nous appelons tous les membres du PES à lutter sur la base de la perspective élaborée dans ce rapport pour étendre le travail du parti en 2008. Au même moment, le PES appelle tous les lecteurs et supporteurs du World Socialist Web Site à reconnaître l’urgence de la crise politique et économique du capitalisme américain et mondial et à se joindre à nous dans la lutte pour le socialisme.
Participez à la lutte pour le socialisme !
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