Des centaines de milliers de travailleurs et de jeunes ont
manifesté partout en France le 18 octobre pour protester contre les attaques du
gouvernement de droite du président Nicolas Sarkozy sur les retraites, élément
important d’une vaste atteinte aux droits sociaux et aux conditions de
vie. Une équipe du WSWS a interviewé des manifestants à Paris.
Jamel qui travaille à Suez
énergie : « Les régimes spéciaux, c’est ce qui me fait
bouger. On veut nous faire passer de 37,5 ans à 41 puis 42. Ce sont nos acquis
que le gouvernement veut supprimer. Et puis, le service minimum, c’est le
droit de grève qu’on veut supprimer.
« Si le peuple se réveille, le gouvernement peut
reculer. Avec le CPE, il a reculé, car les gens ont bougé massivement.
« Il ne faut pas aller prendre l’argent chez les
retraités, les vieux, les malades. Regardez les réductions d’impôts pour
les patrons. C’est là qu’il faut aller chercher l’argent.
« Le PS et Sarkozy c’est la même chose, la même
politique… »
Alain, enseignant :
« Ce qui me fait bouger, ce sont les inégalités.
Peut-être que le gouvernement va reculer. Il faut que les gens se rassemblent
pour différents motifs. Cinq mois après son accession au pouvoir le
gouvernement a réussi à mettre les gens dans la rue. Les gens ne sont pas
contre les réformes, mais ils ne veulent pas n’importe quoi.
« On peut rendre l’économie compétitive sans
réduire les conditions de vie des gens. Mais le gouvernement préfère les
actionnaires aux salaires des travailleurs.
« La concurrence sur le principe, oui, ça permet de
progresser, mais une concurrence loyale. Les règles ne sont pas les mêmes entre
pays. C’est la jungle.
« Toutes les guerres ont toujours montré que ce sont
les plus faibles qui payent, jamais les dirigeants, eux ils gagnent. »
Carl, cheminot :
« Je suis contre la politique sociale de Sarkozy.
C’est la casse de tous les acquis sociaux depuis la Deuxième Guerre
mondiale. Pourquoi toujours demander aux petites gens des sacrifices alors que
les entreprises s’en mettent plein les poches ?
« La concurrence, oui je veux bien, mais une
concurrence humaine. On ne peut pas parler de concurrence avec les pays comme
la Chine, regardez comment vivent les gens là-bas.
« Il ne faut pas non plus être systématiquement contre
les grandes entreprises, il faut une politique sociale des grandes entreprises.
« Un parti qui unifie les partis ouvriers de tous les
pays, tout à fait d’accord. Ça fait des années qu’on en rêve. La
mise en place est difficile. Mais il faut être tous ensemble dans la même
lutte. »
Un chômeur : « Ce qui
me fait bouger, c’est le programme libéral capitaliste. On va dans le
mur. Pour faire reculer le gouvernement, il faut une grève générale
reconductible. Il a reculé en 95, il faut faire pareil.
« Les syndicats ne doivent pas collaborer avec le
gouvernement. On est obnubilé par la croissance du PIB alors on produit, on
produit des choses qui ne servent à rien, au lieu de produire les choses dont
on a besoin. Il faut abandonner ce productivisme.
« On doit se mobiliser, et pas seulement la classe ouvrière,
mais toute la population.
« Des partis d’extrême-gauche, il y en a déjà
150 en France, tous le même nom, le même slogan. Un de plus un de moins, non,
ce n’est pas la peine. Il en faudrait un seul, ce serait plus simple. On
veut une manif sans banderole, sans tract. On défile tous pour une question
bien précise. Ça suffit. Autonomie, grève générale, on s’organise à la
base. Le programme politique de la gauche est à reconstruire, il y a des choses
à abandonner. »
Juan Aliart, un
cheminot interviewé à la Gare du Nord vendredi matin :
« La direction dit que cela reprend.
Il y a des discussions dans des AG qui continuent sur la reconduction. Déjà les
deux ateliers de maintien des TGV, des Thalys et des Eurostars ont reconduit. L’atelier Moulin Neuf aussi.
« Les conducteurs et les contrôleurs
discutent en AG. Nous saurons leur décision à midi.
« Beaucoup des conducteurs de la FGAAC
ne sont pas d’accord avec le papier signé par leur syndicat et leur mot
d’ordre de terminer la grève. Ils s’engueulent entre eux. Ils vont
devoir travailler jusqu’à 55 ans. Leur retraite complémentaire sera faite
par capitalisation. Ils ont envoyé leur dirigeant de la Gare du Nord demander
des comptes à la direction nationale.
« Ici la base de la CGT a voté pour la
reconduction dans les chantiers, les agents des guichets et autres : il y
a une déchirure avec les appareils CGT et FGAAC et leur base. Ils sont carrément en rébellion.
« Nous on a peur que le gouvernement
négocie avec Thibault et que l’appareil essaie de sortir de la crise avec
quelques concessions minimes. Si ça capote, là, il n’y aura plus
confiance dans les syndicats et la CGT. Le gouvernement a récupéré la FGAAC et
maintenant la CGT va se donner des prétextes pour ralentir encore plus
qu’ils le font maintenant. »
Le WSWS a demandé pourquoi Juan pense que la
CGT fait cela.
Juan a donné trois raisons :
« 1 : L’appareil CGT est
comme la CFDT. J’y étais en 1995. Il s’est mis d’accord avec
Juppé et s’est faufilé. C’est ce qui
a crée Sud.
« 2 : Il y a beaucoup de choses
pas claires, l’affaire de la caisse noire du Medef, censée financer les
syndicats. La CGT a un énorme et coûteux appareil et a besoin de beaucoup
d’argent pour le faire marcher.
« 3 : La CGT veut rentrer dans
les organisations paritaires comme l’UNEDIC et l’ASSEDIC. Pour y entrer,
elle a besoin de l’accord des patrons.
« On passe la nuit dans les chantiers
pour éviter que la direction puisse y recommencer le travail en
catimini. »