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L'Union européenne supprime les derniers obstacles à la privatisation des Postes

Par Keith Lee
8 novembre 2007

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L'Union européenne a supprimé les derniers obstacles à l'établissement d'ici 2011 d'une concurrence sans entraves sur le marché postal qui représente 88 milliards d'euros. L'accord entre les entreprises de postes européennes permettra à tout opérateur privé d'acheminer des courriers de moins de 50 grammes. Seuls trois pays – la Suède, la Finlande et le Royaume-Uni – ont été complètement libéralisés.

L'un des principaux points de désaccord concernant l'échéance de 2011 était l'Obligation de Service Universel (OSU). Les grandes entreprises se sont battues longtemps et âprement pour l'abolition de ce prétendu « domaine réservé » grâce auquel les opérateurs nationaux gardaient un monopole sur les lettres de moins de 50 grammes en Europe. Les monopoles nationaux dans ce domaine réservé assuraient par le passé à tout citoyen de l'UE d'avoir son courrier relevé et distribué au moins une fois par jour, cinq jours par semaine. Les opérateurs privés vont maintenant pouvoir entrer sur ce marché lucratif, constitué à 85 pour cent de courrier d'affaires, en écumant les zones les plus rentables sans avoir à se conformer à l'OSU. Cela va rendre l'obligation de respecter l'OSU encore plus coûteuse pour les opérateurs publics et entraînera inévitablement son abandon.

La lutte du grand capital européen pour privatiser les principaux opérateurs publics a débuté sérieusement en 1997 quand l'UE a voté sa directive, amendée en 2003, qui demandait à chaque état membre d'ouvrir ses services publics postaux à la concurrence. Ce processus de privatisation est le principal facteur dans les attaques massives menées contre les employés des postes en Europe.

Les deux pays qui ont servi de modèle pour la privatisation sont la Suède et l'Allemagne.

La Suède et l'Allemagne

La Suède a mis un terme à son monopole national en 1993 – deux bonnes années avant de rejoindre l'UE. Posten AB a été complètement restructuré pour être compétitif face à son principal rival, Citymail. Depuis les années 1990, des pertes d'emplois massives ont eu lieu, réduisant la main-d'œuvre de 72 000 à 38 000. La proportion des travailleurs à temps partiel a aussi augmenté jusqu’à représenter presque un tiers.

Le chemin de l'Allemagne vers la privatisation a commencé au début des années 80, quand le marché des colis d'affaires express fut ouvert à la concurrence. La Bundespost fut alors séparée en trois entreprises, comme au Royaume-Uni.

Cependant, la première intrusion significative de la privatisation dans les postes allemandes se fit avec la directive de 1997 appelant à la libéralisation du réseau postal européen. En 2003, le courrier transfrontalier fut ouvert à la concurrence. Le marché allemand valait 23 milliards en 2006, et 75 pour cent de ce marché étaient ouverts à la concurrence. Entre 1992 et 2006, Deutsche Post AG a réduit son personnel de 306 151 à 150 548 employés.

La Grande-Bretagne

La dérégulation sur le continent a amené le gouvernement travailliste et la Royal Mail à intensifier leurs efforts pour privatiser entièrement le réseau anglais. Les employés des postes britanniques sont actuellement impliqués dans une rude bataille pour défendre les salaires et les conditions de travail contre le projet d'imposer « la flexibilité totale », avec la perte de 40 000 emplois et des réductions substantielles sur les retraites.

En 1986, le Post Office fut divisé en quatre entreprises distinctes. L'une d'elles, Royal Mail, fut par la suite restructurée en 1992, passant de 64 districts postaux à neuf divisions, avec des pertes d'emplois importantes.

En 1999, Peter Mandelson, secrétaire au Commerce du gouvernement travailliste a mis en place une nouvelle structure commerciale, qui engageait « le train de réformes le plus radical depuis la création du Post Office moderne en 1969. »

Le gouvernement travailliste a ouvert les services postaux anglais à la concurrence totale le 1er janvier 2006 – avec trois ans d'avance sur l'échéance fixée par la directive européenne de 1997. Le gouvernement travailliste a poussé la privatisation des services postaux avec encore plus de détermination que le gouvernement conservateur auquel il succédait.

La Belgique et la Pologne

Comme beaucoup d'autres opérateurs nationaux, De Post en Belgique avait un monopole d'état, organisé en entreprise publique sous le contrôle du gouvernement fédéral. En 1991, elle est devenue autonome. Ce changement a préparé le terrain pour sa transformation en compagnie à responsabilité limitée en 2000. En 2005, les actionnaires privés ont pu entrer dans le capital, l'Etat belge conservant 50 pour cent des parts. Dès lors, De Post a suivi le calendrier de la libéralisation de l'UE.

La poste belge (La Poste/De Post) subit une restructuration majeure depuis 2000. La compagnie avait tôt reconnu qu'elle devait mener une réduction massive des coûts et de la main d'œuvre. À cette fin, la direction a introduit le logiciel Géoroute en 2002. Ce programme canadien vise à rationaliser la distribution du courrier en optimisant les tournées, ce qui demande moins de personnel. Cela avait provoqué un grand nombre de grèves en 2003, 2004 et 2006, contre une augmentation importante de la charge de travail et la perte de 2500 emplois.

Vers la fin 2005, La Poste/De Post a procédé à la seconde étape de sa mise à niveau technologique, Géoroute 2, et 1000 emplois supplémentaires furent supprimés. La Belgique s'est récemment abstenue sur le nouvel accord européen.

Sous le contrôle des staliniens, Poczta Polska était un monopôle d'état, contrôlé à 99,1 pour cent par le gouvernement. Bien que l'opérateur public n'ait pas été formellement privatisé, il a dû entrer en concurrence avec un nombre croissant d'opérateurs privés, dont TNT et DHL. De 1994 à 2005, le nombre d'opérateurs privés en Pologne est passé de 15 à 113.

Une offensive mondiale

La mondialisation du commerce et de l'industrie a miné les monopoles postaux étatiques et les a forcés à être en compétition avec des concurrents internationaux, sur les marchés locaux et les marchés étrangers. L'énorme développement des emails a entraîné une tendance internationale à la réduction des coûts et à la création de nouveaux marchés pour les livraisons de paquets via les achats sur Internet. La moitié de la population en Europe dispose maintenant d'une connexion à Internet et a accès à une boîte aux lettres électronique.

Les réseaux postaux nationaux étaient liés à une étape précédente du développement du capitalisme. Comme l'expliquait une communication à la récente Conférence de l'Uni Syndicat Global des Postes, à Athènes, « Alors qu'à ses débuts, le service postal régulier était utilisé principalement par les familles de nobles et de commerçants pour envoyer des informations (et transporter des gens en voiture des postes) entre les Etats, durant le 19ème siècle, les services postaux se sont développés en un réseau dense à l'échelle du pays pour l'acheminement de documents écrits et de marchandises.

« Avec le développement des notions de l'Etat moderne basé sur la cohésion sociale, la garantie d'infrastructures efficaces comme l'eau courante, l'électricité domestique, les routes et les services postaux ainsi que l'accès général du public à ces réseaux devinrent une tâche centrale des gouvernements. Afin de permettre à ces services d'être administrés économiquement en transportant des quantités suffisantes et aussi de permettre un financement croisé entre les parties rentables et non rentables du service, ces entreprises publiques furent protégées de la concurrence. Munis de droits exclusifs, ces monopoles avaient l'obligation dans leurs conditions de vente d'offrir leurs services à travers tout le pays à tous les citoyens à un prix uniforme et bas. Ce lien entre une obligation de fournir un service universel faisant partie des devoirs de l'Etat et l'exclusion de la concurrence fut longtemps accepté comme un déficit nécessaire par le corps politique et la société dans son ensemble en ce qui concerne les infrastructures et particulièrement la poste. »

Les gouvernements et les grandes entreprises ne sont plus prêts à accepter de tels « déficits nécessaires ». Pour réduire les dépenses publiques – sous la forme de subventions – et pour permettre aux anciens services publics d'être en concurrence sur un marché international, les services postaux à travers l'Europe doivent être « libéralisés ».

Le résultat final ne sera pas une industrie harmonieuse des télécommunications à l'échelle européenne. La bourgeoisie européenne est incapable de mener à bien un développement aussi progressiste et nécessaire. Le plan de l'UE va plutôt ouvrir la voie à une compétition fratricide dans cette industrie postale. En février de cette année, la commission européenne a lancé une enquête sur le financement, par le gouvernement britannique, de Royal Mail à travers des prêts non-commerciaux, et ce suite à des plaintes déposées par ses principaux concurrents européens, Deutsche Post et TNT.

Le coût de la privatisation sera supporté par les employés des postes – par la perte de leur emploi, ainsi que les attaques sur leurs salaires et leurs conditions de travail – et par la population dans son ensemble.

D'après Jon Pedersen de l'Uni-Europe (représentant les syndicats à travers toute l'Europe), « Dix ans de libéralisation des postes en Europe ont signifié jusqu'ici moins de bureaux de poste, moins de boîtes aux lettres et de plus grandes distances pour y accéder. Pour les travailleurs du secteur des postes, cela a signifié moins d'emplois, des contrats précaires et une compétition à la baisse sur les salaires – le dumping salarial. Tout cela est à l'opposé des promesses de l'UE. »

En conséquence de la privatisation en Suède, 25 pour cent des bureaux de postes ont fermé et, comme mentionné plus haut, des milliers d'emplois ont été supprimés dans les postes. En Italie, les emplois sont tombés de 220 000 à 150 000, tandis qu'à Deutsche Post, ils ont été réduits de moitié. En Hollande, TNT Post, l'opérateur historique, annonce qu'il supprime 7000 emplois et gèle les salaires. En Nouvelle‑Zélande, le même processus a entraîné la disparition de 43 pour cent des emplois.

Les plaintes de Pedersen mises à part, les syndicats à travers l'Europe ont permis à l'UE et aux entreprises et gouvernements nationaux respectifs de mettre leurs plans en œuvre. Dans chaque pays, les dirigeants des divers syndicats acceptent les attaques exigées par les employeurs sur les emplois et les conditions de travail des employés des postes. Les trahisons des grèves telles que celle qui se déroule actuellement en Angleterre n’ont pas uniquement pour cause de mauvais dirigeants syndicaux. La dégénérescence des vieilles organisations ouvrières est le résultat de leur programme et de leur organisation nationaliste et réformiste.

Quand la production était principalement organisée à l'intérieur des frontières nationales, il était possible d'extraire certaines concessions de la part des employeurs au moyen de grèves et de manifestations, sans remettre en cause le cadre fondamental du système capitaliste. Aujourd'hui, la bureaucratie syndicale a abandonné une telle lutte en réponse directe à la capacité des grandes entreprises à s'organiser mondialement.

Les postiers d'Europe et internationalement ont un intérêt en commun – la défense de leurs emplois, salaires et conditions de travail contre la course perpétuelle à accroître la valeur des actions et les parts de marché. Ceci est lié à la réorganisation de la société sur la base de fondements économiques entièrement neufs, où les besoins de la société sont le principe fondamental. C'est pourquoi la question vitale à laquelle sont confrontés les postiers est la construction d'un nouveau parti véritablement socialiste, qui cherche à unir les travailleurs à travers le continent indépendamment des vieilles bureaucraties ouvrières et syndicales.

(Article original anglais paru le 1er novembre)

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