La campagne électorale en Nouvelle-Galles
du Sud a une fois de plus révélé le gouffre grandissant entre les principaux
partis politiques et les préoccupations de la grande masse des travailleurs
ordinaires.
Il y a quatre ans cette semaine, les
Etats-Unis commençaient leur invasion de l’Irak avec le soutien total du
gouvernement australien, passant outre à toutes les normes du droit
international et commettant les mêmes crimes de guerre que ceux pour lesquels
les nazis ont été condamnés aux procès de Nuremberg.
La décision d’envahir l’Irak représentait
un tournant dans l’histoire mondiale. Elle signalait un retour au genre de militarisme
et de guerres d’agression qui ont caractérisé les années 1930 et ont entraîné
la Deuxième Guerre mondiale.
Dans les quatre années qui se sont écoulées
depuis l’invasion, l’Irak a été transformé en un pays de cauchemar et un
véritable enfer. Plus de 650 000 personnes sont mortes directement du fait
de la guerre et quatre millions sont des réfugiés ou ont dû quitter leur foyer.
Et alors même que le carnage continue, les Etats-Unis font de nouveaux plans
pour attaquer l’Iran, un pas dans leurs efforts pour contrôler tout le
Moyen-Orient et les immenses ressources pétrolières qui s’y trouvent.
Et pourtant, on n’a pas fait état de la
guerre en Irak durant la campagne électorale en Nouvelle-Galles du Sud, pas
plus que de l’attaque des droits démocratiques fondamentaux, de la croissance
des inégalités sociales et de la dégradation des conditions sociales pour des
millions de gens ordinaires.
Les principaux partis ainsi que les Verts
et les démocrates ont cherché à restreindre la discussion au cadre étroit de
questions soi-disant locales ou touchant l’Etat, alors que la prétendue
Alliance socialiste a trotté docilement derrière, insistant pour dire que le
Parti travailliste représentait le « moindre mal ».
Le Parti de l’égalité socialiste a présenté
des candidats dans le but de soulever devant les travailleurs ordinaires la
nécessité de rompre avec les travaillistes, les Verts et tout le cadre de la
politique officielle et de construire un nouveau parti socialiste de masse de
la classe ouvrière qui luttera pour la réorganisation complète de la société.
Ce n’est que par le développement d’un tel mouvement politique indépendant que
la lutte contre la guerre et contre l’inégalité sociale pourra être gagnée.
Etant donné que c’est là une tâche à long
terme, on nous a souvent demandé quelle est notre alternative pratique
pour aujourd'hui. Quelle action immédiate proposons-nous pour résoudre les
problèmes urgents auxquels sont confrontées les personnes ordinaires ?
La façon même dont la question est posée
est une indication des questions politiques fondamentales qui sont à résoudre.
Il existe parmi de larges couches de
travailleurs et de jeunes une forte aliénation vis-à-vis de l’ensemble de l’establishment
politique. Ils ont le sentiment que, alors qu’il faut que cela change, on
ne peut néanmoins pas faire grand-chose. Les gens ordinaires sont impuissants.
Ils n’ont pas droit à la parole et cette élection, comme les précédentes, ne
changera rien.
Ces positions sont l’expression la plus
nette d’une profonde crise de perspective politique. Et c’est précisément cette
crise de perspective, et pas un manque d’« action », qui est à la
source des problèmes politiques actuels.
Il suffit de se rappeler la période ayant
mené à la guerre en Irak. Des centaines de millions de personnes à travers le
monde se sont opposées aux objectifs de guerre des Etats-Unis, n’ont pas cru
les mensonges sur les armes de destruction massive et ont compris que la guerre
était motivée par le désir de s’emparer des ressources en pétrole du
Moyen-Orient. Des dizaines de millions de personnes ont manifesté contre la
guerre dans les plus grandes manifestations politiques de l’histoire.
Mais ces manifestations sont demeurées sans
effet parce que la perspective qui les guidait n’allait pas au-delà de cet objectif :
faire pression sur ceux qui sont au pouvoir dans le vague espoir que la
pression de l’opinion publique allait forcer l’administration Bush et ses
alliés à prendre un autre cours.
Les récentes élections de mi-mandat aux
Etats-Unis ont soulevé les mêmes questions. Des millions de personnes ont voté
contre la guerre en Irak et le militarisme du régime Bush, ce qui s’est traduit
par une majorité démocrate aux deux chambres du Congrès. Mais durant les cinq
mois qui ont suivi l’élection, les démocrates ont clairement montré que non
seulement ils n’entreprendront rien pour mettre fin à la guerre, mais encore qu’ils
soutiendront une attaque contre l’Iran.
Cette expérience se répétera sans aucun
doute aux élections fédérales en Australie, prévues pour la fin de cette année.
Des millions de personnes ordinaires vont exprimer leur profonde hostilité
envers le gouvernement Howard. Mais l’élection d’un gouvernement travailliste
ne mettra pas fin à l’appui au programme militariste américain et à la
soi-disant guerre contre le terrorisme. Elle ne sera suivie que de quelques
modifications du nombre de soldats : une réduction des forces stationnées
en Irak contrebalancée par une augmentation du nombre de soldats en
Afghanistan.
Le mouvement anti-guerre ne peut être relancé
que dans la mesure où il sera basé sur la reconnaissance consciente du besoin
d’agir indépendamment et contre tous les partis de l’establishment politique.
Et cela exige une nouvelle perspective se fondant sur cette compréhension que,
comme le militarisme des années 1930, les guerres entreprises par les
Etats-Unis contre l’Irak et l’Afghanistan ne sont pas simplement le fait de
l’administration Bush, mais proviennent d’une crise historique de l’ordre
capitaliste. En d’autres mots, la lutte contre la guerre doit être basée sur
une perspective révolutionnaire.
Dans cette campagne électorale, le Parti de l’égalité
socialiste a présenté un programme clair pour répondre aux besoins pressants
des travailleurs en termes de salaires décents, de santé, d’éducation et de
services sociaux. Mais un tel programme ne peut être réalisé dans le cadre
économique et politique actuel, où tous les besoins sociaux sont subordonnés à
la maximisation du profit.
C’est pourquoi la réalisation de cette politique dépend du
développement d’un mouvement politique indépendant de masse de la classe
ouvrière qui aura pour objectif la prise du pouvoir et l’établissement d’un
gouvernement ouvrier et qui fera en sorte que l’activité économique soit
organisée pour la satisfaction non pas des profits, mais des besoins sociaux.
Autrement dit, l’activité pratique immédiate la plus importante est l’éducation
des travailleurs et des jeunes, développer leur compréhension de la tâche à
laquelle ils font face.
Quelle est l’alternative ? Elle ne se trouve
certainement pas chez les syndicats. Non seulement ces organisations ont-elles
cessé d’être des organisations défendant les intérêts de la classe ouvrière,
mais leurs directions ont joué le principal rôle dans les suppressions
d’emplois, les diminutions de salaires et l’aggravation des conditions de
travail au cours du dernier quart de siècle.
Cette transformation des syndicats est le résultat
d’importants processus économiques. La mondialisation de la production a
transformé l’économie mondiale au cours des trois dernières décennies et a
rendu complètement anachronique le vieux programme du syndicalisme qui
cherchait à obtenir des concessions pour les travailleurs à travers des luttes
syndicales militantes ayant pour objectif de faire pression sur l’Etat
national.
Prenons les statistiques sur le niveau des grèves menées
durant les 20 dernières années. Elles montrent un déclin considérable des
conflits de travail dans les divers secteurs économiques entre 1985 et 2004,
allant d’une chute de 95 pour cent dans le secteur minier à une diminution de
53 pour cent dans les services d’éducation, de santé et les services communautaires.
En 1985, le nombre de jours de travail perdus par année pour 1000 employés
était de 223. En 2004, il n’était que de 46. La Chambre de commerce et
d’industrie d’Australie (ACCI) a accueilli ce déclin en disant qu’il représentait
un « changement majeur des relations de travail en Australie depuis qu’on
a commencé à réformer le lieu de travail » et un signe qu’employeurs et
salariés « s’étaient mis au travail ».
En fait, la diminution des arrêts de travail n’est pas le
produit d’une amélioration des conditions de vie et de l’égalité sociale. Les
inégalités sont plutôt à la hausse. De 1996 à 2003, la part du revenu reçue par
chacun des quatre quintiles inférieurs, soit 80 pour cent de la population, a
diminué. Le quintile supérieur, représentant les 20 pour cent supérieurs, a
accru sa part du revenu national de 37,3 à 38,3 pour cent.
Selon un journal publié par la Société St-Vincent de Paul,
une association caritative catholique, plus de 8 millions de personnes, soit
environ 42 pour cent de la population, avaient un revenu disponible de moins de
21 000 dollars par année, alors que 4,5 millions d’entre eux (23 pour
cent de la population) vivaient dans un ménage ayant un revenu combiné de moins
de 400 dollars par semaine.
L’agence concluait que l’Australie « fonçait tout
droit vers le gouffre de l’inégalité » avec le coefficient de Gini, la
mesure d’inégalité couramment utilisée, passant de 0,296 en 1996-97 à 0,309 en
2002-2003.
Nonobstant les espérances de l’ACCI, la quasi-disparition
du militantisme syndical ne signifie pas que la lutte de classes a cessé. Cela
signifie que l’éruption inévitable de conflits de classes prendra de nouvelles
formes plus explosives. Sur de nombreuses questions, la colère s’accumule, y
compris la guerre en Irak, la montée du militarisme et l’intensification des
attaques sur les droits démocratiques. Le profond changement de l’opinion
publique sur la détention de David Hicks à Guantanamo Bay est une expression du
processus qui est en cours.
D’où l’importance de la lutte pour développer la conscience
socialiste, qui est au coeur de tout le travail du Parti de l’égalité
socialiste. Cela ne signifie pas essayer de convaincre les travailleurs, par
l’agitation et les mots d’ordre, qu’ils doivent lutter contre le capitalisme.
Cette conscience socialiste découle bien plutôt d’une compréhension
scientifique que les contradictions de plus en plus intenses de l’économie capitaliste
mondiale, qui s’expriment par l’éruption du militarisme, de la guerre et des inégalités
sociales grandissantes et par l’instabilité croissante de tout le système
économique et financier, engendreront nécessairement d’énormes luttes sociales
et politiques.
La question fondamentale qui déterminera l’issue de ces
luttes sera le développement d’un mouvement de masse conscient et éduqué politiquement,
guidé par une direction politique ayant une compréhension historique des
contradictions du capitalisme et des relations sociales et politiques créées
par celles-ci et capable de développer la stratégie révolutionnaire nécessaire.
L’aliénation et l’hostilité des masses face à l’establishment
politique actuel, le profond mécontentement quant à l’ordre social
existant, le sentiment général que quelque chose doit changer, des sentiments
qui sont eux-mêmes l’expression d’un malaise historique de la société
capitaliste, forment le point de départ de la lutte politique. Mais ils n’en
constituent que le point de départ. Ils doivent être transformés en un
mouvement socialiste de masse conscient.
C’est là la perspective du PES. Et c’est pourquoi nous
lançons un appel à tous les lecteurs du WSWS de Nouvelle-Galles du Sud afin
qu’ils votent pour notre parti dans cette élection. Chaque vote marque un pas
important, même s’il est petit. Il s’agit du choix conscient de rejeter toute
forme de politique bourgeoise et nationaliste et de se rallier à la nécessité
d’une véritable alternative socialiste et internationaliste. Plus important
encore, nous incitons tous les lecteurs du WSWS à étudier la politique et le
programme du PES et de ses partis frères à travers le monde et d’entreprendre
l’action la plus importante de toutes, celle de rejoindre nos rangs.
(Article original paru le 23 mars 2007)
Autorisé par Nick Beams, 500A King Street, Newtown, NSW
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