Cette semaine, le World Socialist Web
Site a publié un article de Bill Van Auken en trois parties (“The US
war and occupation of Iraq — the murder of a society” [La guerre et l’occupation américaine de
l’Irak : le massacre d’une société]). Cette série, rassemblant les faits et
statistiques de différents organes de presse et de plusieurs études et
sondages, a brossé un tableau terrifiant de la société irakienne plus de quatre
ans après la guerre et l’occupation sous l’égide des Etats-Unis,
qui furent elles-mêmes précédées par une décennie de sanctions aux conséquences
fatales.
« Considérées dans leur ensemble,
soutient l’article, les opérations américaines en Irak sont un sociocide,
le meurtre délibéré et systématique d’une société entière. »
Parmi les points essentiels présentés dans
l’article, on trouve :
—L’occupation américaine est responsable de la mort, du déplacement
ou de la disparition de quatre à cinq millions d’Irakiens [sur une
population d’environ vingt-deux millions au moment de l’invasion].
—L’Irak a connu une augmentation stupéfiante et sans précédent
dans le monde de la mortalité infantile. Depuis 1990, l’année de la
première guerre du Golfe, le taux a augmenté de 150 pour cent. En 2005, 122.000
enfants irakiens sont morts, la moitié d’entre eux nouveaux-nés.
—La moitié des enfants irakiens souffrent d’une forme de
malnutrition, moins d’un tiers vont à l’école (comparé à cent pour
cent avant mars 2003) et la guerre se traduit en milliers d’enfants
orphelins et sans-abri.
—Le statut de la femme dans la société irakienne a connu un recul de
plusieurs générations en conséquence de la régression sociale générale et de
l’importance qu’ont pris les partis et les milices armées
islamiques.
—Un rapport de Minority Rights Group International classe
aujourd’hui l’Irak comme le deuxième pire pays au monde quant au
traitement des peuples minoritaires, devant la Somalie, mais derrière le Soudan
où se trouve le Darfour.
—Dix-huit des trente-quatre mille médecins de l’Irak ont quitté le
pays. Parmi ceux qui n’ont pas quitté le pays, deux mille ont été tués
sous l’occupation américaine. Quarante pour cent de la « classe
professionnelle » irakienne, qui comprend les médecins, les professeurs,
les pharmaciens et autres professions universitaires, ont quitté le pays depuis
2003. Le système de l’éducation irakien, qui a déjà été un des meilleurs
de la région, s’est pratiquement effondré.
—Le taux de chômage officiel en Irak se situe à
48 pour cent, mais il est estimé que le taux de chômage réel se situe plutôt
aux environs de 70 pour cent. En 2006, le taux d’inflation de
l’Irak, le deuxième plus élevé au monde, a grimpé jusqu’à 50 pour
cent. 54 pour cent de la population survit avec moins de 1 $US par jour,
15 pour cent avec moins de 0,50 $US. Le PIB du pays a été réduit
d’au moins la moitié durant les deux dernières décennies.
En somme, la rencontre des Etats-Unis avec l’Irak a
été catastrophique pour la population de l’Irak, et la situation devient
pire de jour en jour. Dans les milieux officiels américains, on parle de moins
en moins de la « démocratie naissante » de l’Irak, qui
n’a jamais été plus qu’un écran de fumée, mais on discute beaucoup
plus, cyniquement, de la façon dont les intérêts des Etats-Unis dans le pays,
c’est-à-dire les vastes réserves de pétrole, peuvent encore être
« sécurisés ». Après avoir violé et saccagé le pays, la cabale à
Washington calcule encore comment réaliser son pillage.
Toutes les grandes institutions de la vie américaine sont
complices de la guerre en Irak. En lisant « La guerre et
l’occupation américaine de l’Irak : le massacre
d’une société », l’une des premières choses qui nous viennent
à l’esprit est que ce portrait généralisé de la vie en Irak n’est
jamais présenté dans les médias de masse américains.
Le New York Times et le Washington Post ont
de vastes ressources, considérablement plus que le World Socialist Web Site,
mais ils ne se sont pas donné la peine d’enquêter ou de commenter sur la
tragédie infligée au peuple irakien. Même chose pour le Los Angeles Times
ou le Boston Globe, ou CNN, ou « ABC News » ou « CBS
News », ou toute autre agence de presse importante. Toutes ces
organisations ont retransmis, sans questionnement, les mensonges de
l’administration Bush sur les « armes de destruction massive »
et les « liens » qu’entretient l’Irak avec le terrorisme
et elles sont responsables en partie de la situation actuelle. Leur silence
traduit leur indifférence et leur mauvaise conscience.
L’horreur actuelle en Irak a de profondes implications
non seulement pour cette nation ravagée, mais également pour la société
américaine. Quelles que soient les divergences tactiques entre Bush et ses
opposants démocrates, l’élite dirigeante dans son entier accepte que
l’Amérique doit « réussir » dans la région. « Réussir »
signifie prendre les mesures nécessaires, peu importe lesquelles, pour garantir
la domination américaine des sources d’énergies du Moyen-Orient.
La barbarie de l’occupation de l’Irak jette un
voile sombre sur la vie américaine. La vie sociale, culturelle et psychologique
de la population américaine est également en jeu dans cette guerre. Malgré le
silence des grands médias sur la réalité irakienne, une section croissante de
la population américaine a honte et est en colère envers ce qui est commis en
son nom.
A présent, cela ne trouve aucune expression dans l’arène
publique. L’absence de contestation de masse ne signifie pas toutefois un
acquiescement ou de la satisfaction. Les deux partis, les médias, les
syndicats, et en fait tous les organismes sociaux officiels, faisant eux-mêmes «
partie du problème » en Amérique, à qui la contestation pourrait-elle
s’adresser ? Cela veut simplement dire que l’inévitable
explosion sociale va se faire à l’extérieur des canaux officiels.
Il est absolument critique que les individus coupables de
grands crimes en Irak en soient tenus responsables. George W. Bush, Dick
Cheney, Colin Powell, Donald Rumsfeld, Condoleezza Rice, Robert Gates, les
dirigeants démocrates, les principaux généraux et les nababs des conglomérats
médiatiques sont coupables d’avoir préparé, encouragé et commis des
crimes de guerre d’une telle magnitude qu’ils ne peuvent rester
impunis sans conséquences sociales et morales dévastatrices.
Comme nous l’avons expliqué précédemment, ce n’est
pas une question de vengeance, mais de faire l’éducation politique de la
population dans son ensemble. Il est nécessaire de mettre à nu devant la masse
de gens le processus par lequel ces crimes sanglants contre une population
étrangère ont été perpétrés, aussi bien que leurs véritables forces motrices géopolitiques.
Ce n’est que lorsque la population comprend le caractère de telles
guerres, voit à travers les mensonges de l’establishment et prend les
questions politiques en main que la folie de la guerre impérialiste américaine
pourra être arrêtée.