Le syndicat représentant les 2200
mécaniciens et employés d’entretien des autobus et du métro en grève (le
Syndicat du transport de Montréal) a conclu un accord de retour au travail avec
la Société de transport de Montréal (STM) vendredi, quelques heures avant la
fin de l’ultimatum de 48 heures qu’avait donné le gouvernement
libéral provincial pour que la grève de quatre jours se règle par négociations.
La menace du gouvernement
d’intervenir si le conflit n’était pas résolu avant vendredi à 14
heures a été comprise par tous qu’il se préparait à introduire une loi
interdisant la grève pour mettre fin au conflit, même si le syndicat a
scrupuleusement suivi les ordres du Conseil des services essentiels pour
réduire la grève à une expression de contestation.
En décembre 2005, le gouvernement libéral
de Jean Charest a voté une loi d’urgence pour imposer un contrat de sept
ans, comportant énormément de concessions, à plus d’un demi-million de
travailleurs du secteur public. Cette loi prévoit de très sévères punitions si
les travailleurs devaient entreprendre une grève.
L’accord de principe conclu ce
vendredi n’a pas été d’abord annoncé par le syndicat ou par les
dirigeants de la STM, mais par le ministre provincial du Travail David Whissell.
Cet état de fait souligne le rôle que le gouvernement a joué pour forcer le
syndicat à accepter les demandes des patrons pour un contrat qui signifiera une
diminution de salaires en termes réels pour les mécaniciens et les employés
d’entretien.
Le syndicat ou la STM ne voulaient pas dévoiler
de détails sur l’entente, mais une chose est certaine : le syndicat
a abandonné les demandes des travailleurs et a capitulé devant la chasse aux
sorcières que l’establishment politique et les médias de la grande
entreprise ont montée contre la grève.
Le syndicat, affilié à la Confédération des
syndicats nationaux (CSN), s’est hâté pour tenir une assemblée des
membres vendredi soir pour faire pression sur les mécaniciens et les employés
d’entretien pour qu’ils retournent immédiatement au travail.
En vertu d’un ordre du Conseil des
services essentiels, un organisme créé par le Parti québécois de 1982 avec
l’objectif de rendre impotentes les grèves du secteur public, les
travailleurs du transport en commun ont été forcé d’offrir un service
entier d’autobus et de métro aux heures de pointe et à la fin de la
soirée durant la semaine et la fin de semaine.
Malgré les contraintes sévères, les
politiciens et la presse ont accusé les grévistes de prendre le public en
« otage » et les ont décrits comme de « gros richards »,
indifférents aux inconvénients qu’une grève représente pour les
travailleurs faiblement payés, les retraités, les chômeurs et les étudiants qui
constituent la plus grande partie des usagers du transport en commun.
En fait, les travailleurs du transport en
commun ont résisté à une grande offensive du patronat visant à couper les
salaires et les conditions de travail en général. La STM a insisté sur un gel
des salaires pour 2007 et des augmentations de salaire de seulement 2 pour cent
par année les quatre années subséquentes, ce qui signifie une diminution
salariale en termes réels, même si le taux d’inflation demeurait à son
taux actuel d’environ deux pour cent. La STM a aussi refusé de renégocier
une concession qu’elle avait obtenue lors d’une précédente
négociation qui stipulait que les travailleurs prenant leur retraite après 2020
ne recevraient la pleine pension qu’après 35 ans de services, plutôt que
les 30 ans actuels.
La campagne contre les grévistes a été
menée par Mario Dumont, dont le parti populiste de droite, l’Action
démocratique du Québec (ADQ), fut propulsé de sa position marginale au rang d’opposition
officielle dans l’élection provinciale du 26 mars. Quelques heures
seulement après le déclenchement de la grève des travailleurs du transport en
commun, Dumont exigeait une loi spéciale des libéraux pour les faire retourner
au travail.
Les libéraux, réduits à un gouvernement
minoritaire à la suite de la récente élection, n’ont pas tardé à suivre
les conseils de Dumont. Le ministre du Travail David Whissell a lancé son
ultimatum la journée suivante.
La ligne dure maintenue par le gouvernement
contre la grève est conforme au tournant marqué vers la droite qu’il a effectué
au cours des derniers mois afin de regagner la faveur de la grande entreprise,
qui a fait la promotion de l’ADQ dans le but de pousser la politique
beaucoup plus à droite.
Jeudi, les libéraux ont présenté un budget
provincial offrant plus de 1 milliard $ en baisses d’impôts pour les
entreprises et les particuliers, profitant beaucoup plus aux sections les mieux
nanties de la société, et ont annoncé la création d’une commission sur la
santé qui préparera le terrain à une privatisation des soins de santé et à
l’imposition de frais aux utilisateurs.
Pour la bureaucratie syndicale, qui est un
étroit allié du parti de la grande entreprise qu’est le PQ, la question
de lier la lutte des travailleurs du transport en commun avec une offensive
plus large de la classe ouvrière en défense des services publics et sociaux,
des salaires des travailleurs, des emplois et des conditions de travail ne
s’est jamais posée.
Malgré tout, les nombreux mouvements
sociaux qui se sont formés au Québec au cours des dernières années — les
grandes manifestations en 2003 contre la guerre en Irak, la vague de
manifestations et débrayages anti-Charest à la fin de 2003, et la grève
étudiante de 2005 — ont démontré qu’il existe une très grande base
d’opposition au programme de l’élite patronale et de
l’establishment politique du Québec et du Canada.
Pour ce qui est de la colère que la presse
et les politiciens ont tenté d’attiser contre les grévistes, tout porte à
croire que cette campagne a eu très peu d’impact chez les travailleurs.
Les médias ont dû reconnaître qu’une manifestation contre la grève
organisée au nom des usagers du transport en commun n’a réussi qu’à
attirer quelques personnes.
La réalité est que les services essentiels
— la santé, l’éducation, et les programmes sociaux — au
Québec et au Canada, ont été ravagés par des années de coupes budgétaires
réalisées par les gouvernements péquistes, libéraux, conservateurs et du NPD.
Dans le cas du système de transport public
de Montréal, la part du système financée par les gouvernements provincial et
municipal, contrairement à celle financée par les usagers, a diminué de 44,5
pour cent à 41,2 pour cent depuis 2000.