Le 5 juillet, le nouveau ministre français de
la Justice, Rachida Dati, a présenté au Sénat un projet de loi relatif à la
prévention de la délinquance. Il fut adopté et passera à l’Assemblée
nationale le 17 juillet.
Cette loi, controversée et rejetée par les
magistrats et les collectifs de travailleurs sociaux, fixe automatiquement des
peines plancher aux délinquants récidivistes à la fois pour les délits graves
et les délits simples. Un jeune délinquant de 16 ans sera dorénavant traité
comme un adulte.
Passant pour le défenseur de la victime, Rachida
Dati affirme avoir, en raison du programme électoral du président Nicolas
Sarkozy, un mandat clair pour une loi pénale dont la fonction première est
d’être dissuasive. Elle a déclaré : « Nous devons apporter une
réponse ferme à cette France exaspérée dont l’obsession est une demande
légitime de sécurité et de tranquillité. »
Dati, juriste de formation, est conseillère de
Sarkozy depuis 2003 et membre de l’UMP depuis 2006. Elle a annoncé que la
loi visait les « délinquants multirécidivistes ». Elle a dénoncé comme
des « caricatures » les critiques de cette loi disant que la
conséquence en sera une augmentation du nombre de détenus. Ce que contredisent
les juges et les magistrats qui d’ores et déjà prédisent une explosion de
la population carcérale.
Alors que la peine moyenne est actuellement de
5,7 mois d’emprisonnement pour un délit mineur fréquent, la nouvelle loi
instaure des peines de un an pour les mineurs. Selon les chiffres du ministère
de la Justice cités par Dati, la délinquance des mineurs a augmenté de 40 pour
cent ces cinq dernières années. Actuellement, le nombre de détenus est de
64.000, dépassant de 12.000 les places disponibles. Ce chiffre comprend 3.150
jeunes entre 16 et 17 ans.
La nouvelle loi limitera considérablement le
champ d’intervention du juge pour fixer la peine. La peine prononcée par
le juge qui tient compte de la personnalité du délinquant et des circonstances
du délit doit à présent être basée sur « une garantie
exceptionnelle » que le délinquant peut être inséré dans la société.
La ligne dure adoptée par la nouvelle ministre
de la Justice fut l’objet d’attaques émanant de son propre camp.
Son directeur de cabinet, Michel Dobkine, a démissionné le 7 juillet en
motivant sa décision par des raisons « strictement personnelles ». Cette
démission fut suivie quelques jours plus tard par celle de trois conseillers importants
dont la conseillère pour « le droit des mineurs. »
Sarkozy affiche son plein soutien à Dati.
« J’en ai parlé avec Rachida, je lui ai dit ma solidarité
totale », a-t-il précisé. Il a repoussé d’un revers de la main les
démissions en disant que cela « fait partie de la vie des cabinets. »
Toutefois, selon des sources syndicales rapportées dans le quotidien Libération,
« Ca va mal à la chancellerie en ce moment » et ces départs sont
« révélateurs d’un certain malaise. »
L’ancien ministre socialiste de la
Justice, Robert Badinter, a critiqué la loi au Sénat, en citant comme exemple
moral, parmi tous les gens, l’ancien premier ministre britannique, Tony
Blair. « Tony Blair avait dit qu’il fallait être dur avec le crime
et dur avec les causes du crime. Vous avez oublié le deuxième de ces termes
indissociables… Nous savons que le foyer de la récidive, c’est la
maison d’arrêt surpeuplée. »
Selon Badinter, « l’inverse de la récidive,
c’est la réinsertion réussie. » Ce que le Parti socialiste entend
par là fut révélé dans le programme électoral de sa candidate, Ségolène Royal,
lors de la récente élection présidentielle. Elle avait prôné un encadrement par
l’armée des jeunes délinquants.
Les travailleurs qualifiés, allant de l’avocat, du juge,
du psychiatre pour enfants, jusqu’à l’assistance sociale, sont
farouchement opposés à la nouvelle loi. Un appel a été lancé sous le titre « Les
adolescents ne sont pas des adultes » qui dit que « 15.000 jeunes âgés
de 16 à 17 ans sont interpellés plusieurs fois dans l’année. La plupart
de ces adolescents sont déscolarisés depuis l’âge de 14 ans, sans
qualification; ils ne parviennent pas à accéder à un premier emploi. Se
percevant comme inutiles, humiliés par les échecs répétés, ils "traînent",
provoquent, commettent ensemble la plupart de leurs infractions. »
L’appel définit l’enfermement
« automatique » des mineurs comme « une impasse ».
L’une des possibilités à laquelle pourrait être confronté un mineur est
par exemple : un « vol de portable, commis après deux précédents
vols, pourra conduire, sauf exception, un adolescent de 16 ans à deux ans en
prison, peine plancher minimum. » La pétition appelle à « l’ouverture
d’un "Grenelle de l’adolescence" pour mener un débat
serein sur la délinquance des adolescents, une évaluation des politiques
publiques et des réformes législatives successives, pour dégager un consensus
sur l’insertion de tous les jeunes. »
La bonne foi de l’appel sous-estime totalement le
nouveau gouvernement français mis en place par le président, Nicolas Sarkozy.
Avant son élection, Sarkozy entretenait des relations très étroites avec la
police et certaines sections de l’appareil d’Etat. La nouvelle
législation introduite par sa ministre de la Justice triée sur le volet montre
clairement que la politique du tout sécuritaire sera l’empreinte de son mandat.
(Article original anglais paru le 14 juillet
2007)