WSWS : Nouvelles et analyses : Moyen-Orient
L’exécution fournit aussi à l’administration Bush un événement qu’elle peut prétendre être la preuve d’une « victoire » américaine en Irak, détournant l’attention du sinistre bilan quotidien des morts irakiennes et américaines. La couverture médiatique de l’exécution a en grande partie éclipsé les reportages sur le bilan des décès des soldats américains, qui sont au moins au nombre de 100 en décembre et qui auront probablement atteint la marque de 3000 pour la guerre au complet avant la fin du mois de décembre.
L’exécution d’Etat sert aussi à donner un appui politique à court terme au régime d’al-Maliki qui est aux abois, de plus en plus impopulaire et instable. L’administration Bush fait pression sur al-Maliki pour qu’il rompe avec l’imam radical chiite Moqtada al-Sadr, l’un de ses principaux alliés politiques, et qu’il approuve une répression militaire par les Etats-Unis sur l’Armée du Mahdi, la milice chiite loyale à al-Sadr.
L’exécution de Hussein permet à Maliki de regagner des gallons auprès de la majorité chiite, qui a souffert le plus sous le règne de Hussein, tout en allant de l’avant avec les plans de répression violente contre les banlieues à majorité chiite à l’est de Bagdad (Sadr City), un centre de l’opposition chiite à l’occupation américaine.
Un autre important élément politique à considérer est que l’exécution de Hussein met un terme aux procédures légales contre l’ancien chef irakien avant que ne soit effectué un examen détaillé des crimes dans lesquels des gouvernements américains auraient joué un rôle important. L’affaire concernant l’exécution de 148 hommes chiites à Dujail en 1982 a été choisie en premier, car les victimes étaient reliées au parti Dawa, le parti de Maliki et du précédent premier ministre appuyé par les Etats-Unis, Ibrahim Jafari, et parce que les Etats-Unis n’étaient pas directement impliqués.
Ce qui n’était pas le cas des autres épisodes, beaucoup plus sanglants, de la carrière de Saddam Hussein. La deuxième affaire, sur la soi-disant opération Anfal qui a massacré des Kurdes en 1987-88, vers la fin de la guerre Iran-Irak, devait se poursuivre à partir du 8 janvier. Toute enquête sérieuse de ces atrocités, qui ont culminé avec le gazage de Kurdes à Halabja, dévoilerait le rôle joué par diverses administrations américaines.
Hussein a déclenché la guerre contre l’Iran en 1980 avec l’appui tacite de l’administration Carter, qui était alors en confrontation avec l’Iran au sujet de l’occupation de l’ambassade américaine à Téhéran et de la prise de représentants américains en otages par des étudiants. L’administration Reagan avait par la suite fourni une aide importante à Hussein durant les huit années de la guerre, fournissant des renseignements militaires tactiques utilisés pour attaquer les forces iraniennes à l’aide d’armes chimiques, et appuyant des ventes d’armes à l’Irak par les alliés européens des Etats-Unis comme la Grande-Bretagne, la France et l’Allemagne. A deux reprises, en 1983 et 1984, Donald Rumsfeld a été envoyé en Irak en tant qu’envoyé spécial des Etats-Unis pour rassurer Hussein, que malgré les rumeurs occasionnelles de violations des droits de l’homme, les Etats-Unis maintiendraient leur allégeance à Bagdad durant la guerre.
Les autres causes importantes contre Hussein, sur la répression des révoltes menées contre les Kurdes et les chiites en 1991, menaçaient d’être encore plus problématiques pour l’administration Bush, puisqu’au début, le premier président Bush, le père de l’actuel président Bush, avait encouragé les soulèvements à la fin de la première guerre du Golfe, pour ensuite, de sang froid, décider que le maintien de la dictature de Hussein était préférable à l’effondrement de l’Etat irakien, ce qui aurait bénéficié à l’Iran, s’inquiétaient les principaux planificateurs de guerre américains.
Une opposition aux procès bidon de Saddam Hussein et une condamnation de son exécution n’impliquent pas un appui politique à l’ancien dirigeant ou à ses politiques. Hussein était un représentant typique de la bourgeoisie nationale dans les pays opprimés et arriérés — occasionnellement en conflit avec l’impérialisme, mais implacablement voué à la défense des privilèges et des propriétés de la bourgeoisie en Irak contre la classe ouvrière irakienne.
Le premier acte de répression de masse de Hussein est survenu au zénith de sa montée vers le pouvoir à la fin des années 1970, lorsque le parti Baas a massacré la direction du Parti communiste irakien et supprimé le large mouvement militant de la classe ouvrière localisé à Bagdad et dans les champs pétrolifères. La présente désintégration de l’Irak selon une division religieuse et sectaire est l’une des conséquences à long terme de cette sauvage répression de la classe ouvrière, applaudie à l’époque par les Etats-unis.
Le dirigeant irakien n’était pas, cependant, jugé et puni sous les auspices d’un tribunal de la classe ouvrière. Il a été jugé devant un tribunal irrégulier établi par un régime d’occupation après l’invasion et la conquête de l’Irak par les Etats-unis. En d’autres termes, ses crimes ont été jugés et la sentence imposée par des gens coupables de crimes bien plus grands que les siens.
Un éditorial publié dans le Washington Post de vendredi a parfaitement saisi l’hypocrisie avec laquelle l’administration Bush, le Congrès démocrate et les républicains ainsi que les médias américains, ont approché le cas de Saddam Hussein. Le Post a sentencieusement déclaré son opposition général à la condamnation à mort, avant de déclarer que si elle était appropriée pour n’importe qui, elle devrait être appliqué à « Saddam Hussein — l’homme, avec l’exception possible de Kim Jong Il, qui a plus de sang sur les mains que n’importe quel autre vivant ».
Permettez-nous d’être d’un autre avis. George W. Bush a jusqu’à maintenant causé la mort de plus d’Irakiens que Saddam Hussein – quelques 655 000 depuis l’invasion en mars 2003, selon une étude publiée par l’école de santé publique Johns Hopkins — et son mandat ne se termine que dans deux ans. Sans compter les complices toujours vivants de Hussein dans la guerre Iran-Irak, et les présidents américains successifs — le père de Bush, Clinton et Bush lui-même — qui ont appuyé l’embargo mené par les Etats-unis contre l’Irak et qui a causé la mort d’un nombre estimé de 1,5 million d’Irakiens de 1991 à 2003.
La véritable justice pour le peuple torturé et opprimé de l’Irak, aussi bien que pour les victimes américaines, britanniques et toutes les autres victimes de la guerre dirigée par les Etats-unis, n’arrivera que lorsque les responsables de l’invasion et de l’occupation — Bush, Cheney et leurs acolytes —, feront face à leur propre procès pour avoir lancée et menée une guerre d’agression illégale.
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