Jugé d’après le proverbe cité ci-dessus, Nicolas Sarkozy,
le candidat gaulliste à la présidence française, est un homme politique qui
entretient des rapports consistants avec l’extrême-droite au niveau européen.
Parmi les amis politiques les plus proches de Sarkozy, on trouve en effet Gianfranco
Fini, le dirigeant du parti post-fasciste italien Alleanza Nazionale (AN, Alliance
nationale).
Ce dirigeant de la droite italienne avait écrit la préface
de la version italienne du livre de Nicolas Sarkozy, La République, les
religions, l’espérance en 2005. Cette année, Fini a recommencé en écrivant la
préface de la version italienne du dernier livre de Sarkozy, Témoignage.
Dans les deux livres, les préfaces de Fini sont annoncées en gros caractères
sur la page de garde.
Fini n’a que du bien à dire sur le dirigeant de l’UMP gaulliste
(Union pour un mouvement populaire). Il décrit Sarkozy comme un homme qui « a su mettre en oeuvre des idées dans la vie quotidienne, qui a
su appliquer les expériences faites en tant que ministre aux grands problèmes
mondiaux auxquels il est confronté : immigration, ordre public, réforme de
l’administration, banlieues en flammes, crises d’entreprises prestigieuses
comme Alstom [société française du secteur des transports et de
l’énergie]. »
Le journal d’AN, Il Secolo d’Italia (Le siècle italien),
note les affinités intellectuelles existant entre Sarkozy et Fini et écrit
qu’il « existe une quasi-symbiose politique,
caractérielle, générationnelle » entre les deux hommes.
Sarkozy a répondu en exprimant son admiration. Pendant
l’été 2006, il eut une longue discussion avec Fini à Rome. Il refusa bien une
invitation à participer au congrès d’AN en février de cette année, parce qu’il
avait d’autres obligations, mais fit néanmoins parvenir à ce congrès des
salutations où il donnait son appui à la droite italienne.
Sarkozy envoya ainsi ses « meilleures pensées » à
ce « cher Gianfranco » pour « l’organisation et l’exécution
réussies de cette rencontre qui, je suis convaincu, confirmera une fois de plus
qu’AN représente l’une des plus importantes forces constructives du paysage
politique italien ».
Sarkozy transmit aussi ses salutations à « tous les
sympathisants d’AN qui, dans la mesure où ils ont suivi [Fini] dans la voie du
renouveau, ont permis à AN de devenir ce qu’elle est aujourd’hui : une
organisation qui, avec Forza Italia [le parti de Berlusconi], incarne la
modernité et l’innovation de la droite ».
Et il ajouta : « Le courage de lutter contre les
idées préconçues ainsi que votre indépendance intellectuelle, qui vous
permettent d’oser défendre des solutions innovatrices, voilà les deux éléments
qui permettent à la droite italienne de tenir tête à l’Unione [la coalition
gouvernementale italienne de centre-gauche dirigée par Romano Prodi] en tant
que mouvement populaire, et que nous devons absolument cultiver afin de
demeurer la plus importante force de modernisation de la vie politique. »
Cette effusion de sympathie et de soutien de la part de
Sarkozy pour Alleanza Nazionale est significative à plusieurs égards.
AN est le successeur direct du MSI (Mouvement social
italien), le parti néofasciste qui dans la période d’après-guerre a été, des
décennies durant, le lieu de rassemblement des partisans du dictateur fasciste
Benito Mussolini. Fini, qui a maintenant 55 ans, a été pendant longtemps le
bras droit du chef du MSI, Giorgio Almirante.
En 1977, Fini devint président de l’organisation de
jeunesse du MSI et en 1987 il succéda à Almirante à la tête du MSI. En 1994,
alors qu’il était ministre dans le premier gouvernement de Silvio Berlusconi,
Fini loua Mussolini, l’appelant « le plus grand homme d’Etat du vingtième
siècle ».
Depuis, Fini s’est à plusieurs reprises dissocié
publiquement du passé fasciste de l’Italie et a tenté de présenter AN sous une
forme nationaliste conservatrice plus modérée. Cela ne s’applique cependant pas
à tout son parti qui arbore toujours sur son blason le symbole fasciste de la
flamme tricolore. Des images du Duce ornent toujours les murs du siège du parti
et celui-ci compte de nombreux skinheads néofascistes parmi ses adhérents.
Au niveau européen, AN collabore avec les forces nationalistes
de droite. Ses députés au parlement européen appartiennent au groupe
parlementaire de l’Union pour une Europe des nations, qui compte différents
partis nationalistes de droite, en majorité opposés à l’Union européenne.
Parmi les partis actifs au sein de l’Union pour une Europe
des nations il y a la Ligue du Nord italienne, notoirement raciste, les partis
polonais de droite Loi et Justice, Samoobrona et la Ligue des familles polonaises qui forment l’actuel
gouvernement, le Parti du peuple danois, un parti de droite, et le parti
nationaliste français Rassemblement pour la France, fondé par Charles Pasqua.
Officiellement cependant, L’UMP de Sarkozy est membre du
Parti populaire européen qui comprend les principaux partis conservateurs et
les partis démocrates-chrétiens européens comme les partis allemands CDU (Union
chrétienne-démocrate) et CSU (Union chrétienne-sociale).
Il n’y a rien d’accidentel dans le flirt de Sarkozy avec
les post-fascistes italiens. Ce fils d’aristocrates hongrois a dû lutter pour
se tailler une place au sommet de l’UMP et il a obtenu la candidature aux
élections présidentielles dans une lutte parfois acerbe contre l’establishment
gaulliste.
Il tente de mettre en place de nouveaux mécanismes de gouvernement
pour la bourgeoisie française, dans un contexte où la France est régulièrement secouée
par une contestation sociale militante, comme ce fut le cas ces dernières
années, et où en même temps l’influence des partis socialiste et communiste et
des syndicats est en déclin. Ceux-ci ont jusqu’à présent contenu ces mouvements
d’opposition de la classe ouvrière, soutenant par là l’ordre bourgeois.
Dans sa campagne pour l’élection présidentielle, Sarkozy
tente de combiner un appel autoritaire au renforcement des pouvoirs de l’Etat à
des appels populistes et démagogiques en direction de parties frustrées de la
petite bourgeoisie et de parties confuses de la classe ouvrière. Ce faisant, il
cherche à s’appuyer sur les traditions et sur l’idéologie du fascisme.