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France : Annulation de grèves de 24 heures pour la défense des retraites dans les transports

Par Pierre Mabut et Antoine Lerougetel
18 décembre 2007

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Les syndicats de cheminots sont en train de manoeuvrer avec acharnement pour trouver un accord avec le président Nicolas Sarkozy afin d’éviter une nouvelle grève semblable à celle qui avait paralysé le pays pendant 10 jours en novembre dernier.

Les syndicats sont, depuis trois semaines, engagés dans des négociations tripartites avec la direction et le gouvernement. Leur décision du 21 novembre de mettre fin à la grève et d’entamer des négociations branche par branche signifiait qu’ils abandonnaient la défense des régimes spéciaux de retraite des cheminots et d’autres travailleurs du secteur public et qu’ils « se contentaient de négocier le prix de leur capitulation » comme l’avait alors fait remarquer le WSWS.

Cependant, comme la limite d’un mois fixée par le gouvernement pour ces négociations est en train de toucher à sa fin, les syndicats n’ont pas réussi à obtenir le prix qu’ils requièrent pour parachever leur trahison. Il s’avère en effet que le gouvernement n’a rien cédé.

Comme le faisait remarquer SUD-rail (Solidarité, unité, démocratie) dans son bulletin d’information du 7 décembre sur les négociations, « Rien, strictement rien, ne change par rapport à ce qui était prévu [par le gouvernement] avant la grève. »

Après près de trois semaines de table ronde, les syndicats n’ont été en mesure de rendre compte d’aucune concession de la part du gouvernement. Une déclaration de la CGT (Confédération générale du travail) sur les négociations tripartites à la SNCF (Société nationale de chemins de fer) publiée le 8 décembre et indiquant les questions à régler, ne faisait même pas mention de la revendication clé des agents des transports, à savoir le retrait total de la réforme. On peut lire, « Pour autant, le gouvernement doit encore avancer sur la mise en oeuvre d'un système de péréquation, la prise en compte des années d'études dans la durée d'assurance, le financement des dispositions issues des négociations . »

La CGT reconnaît que malgré quelques avancées financières pour certaines catégories de travailleurs, « le compte n’y est pas… sur le maintien et l’amélioration de notre régime spécial et ses droits ».

C’est dans ces conditions que la CGT avait décidé à contrecoeur d’appeler à une journée de protestation. La nature symbolique  de cette mesure est soulignée par le fait qu’elle se limitait strictement à une grève de 24 heures et que les agents de la RATP et les cheminots feraient grève séparément, respectivement les 12 et 13 décembre.

De telles protestations ne changeront pas l’attitude du gouvernement. Comme l’a dit clairement le premier ministre François Fillon, « Ce n'est pas une grève de plus en décembre qui nous fera changer de position : les décrets d'application posant les principes de la réforme seront publiés au tout début de 2008. »

Le gouvernement a réagi à l’annonce de grèves d’un jour en rallongeant la période de négociation du 12 au 18 décembre pour la RATP (métro parisien) et du 18 décembre au mois de février pour la SNCF (cheminots.)

Et cela a suffi à la CGT pour qu’elle annule les grèves. Ils ne veulent à aucun prix négocier sous la pression d’un mouvement de grève en cours. Bien que, comme l’a fait remarquer le bulletin d’information de SUD-rail, « Sans la pression directe des dizaines de milliers de cheminot-e-s en grève, le gouvernement confirme la mise en œuvre de sa contre-réforme. » Les bureaucrates craignent que les grèves échappent à leur contrôle et se développent en un mouvement de masse contre le gouvernement.

L’expérience des deux derniers mois a démontré que les syndicats constituent l’obstacle majeur au développement et à l’élargissement d’un mouvement de masse contre le régime de Sarkozy. Et les organisations dites d’« extrême-gauche » LO (Lutte ouvrière) et la LCR (Ligue communiste révolutionnaire), protègent ces bureaucraties de la colère des travailleurs.

La première grève massive pour la défense des régimes spéciaux de retraite a eu lieu le 18 octobre. Avec un taux de participation de 75 pour cent à la SNCF, de plus de 60 pour cent à la RATP et de 40 pour cent à EDF et GDF, électriciens et gaziers, ce fut une des plus grandes mobilisations de l’histoire récente de la France.

Le jour suivant, des milliers de travailleurs des transports ont reconduit la grève à l’appel de SUD-rail et FO (Force ouvrière). Des assemblées générales ont voté la reconduction du mouvement de grève. La CGT a fait tout son possible pour isoler les grévistes, appelant ses adhérents à boycotter les assemblées générales et à briser la grève. A la RATP et à la SNCF il y a eu des révoltes de membres de la CGT contre leur direction syndicale. La grève n’a été stoppée que par la décision prise dans une intersyndicale de cheminots de préparer une action de grande envergure pendant tout le mois de novembre.

Ce qui est remarquable, c’est que Lutte ouvrière défend encore le rôle qu’a joué la CGT à ce moment. Un article de son mensuel Lutte de classe commente, « Bien que la position de Sud et de FO ait pu passer pour plus radicale que celle de la CGT aux yeux des cheminots les plus combatifs – c’était le but recherché –, la CGT argumentait qu’il ne fallait pas que les cheminots restent isolés du reste du monde ouvrier. L’argument n’était pas sans valeur. Continuer une grève restant limitée aux seuls cheminots […] n’était pas la meilleure stratégie de mobilisation. »

Le 31 octobre, les fédérations de cheminots se sont rencontrées et secouées par l’ampleur de la révolte ont appelé à une grève reconductible à partir du 13 novembre. Mais avant même le début de la grève, le dirigeant de la CGT, Bernard Thibault, a proposé au gouvernement des négociations branche par branche. Il abandonnait ainsi la revendication du retrait des trois points essentiels de la réforme des retraites, à savoir l’allongement de 37,5 à 40 années de travail pour avoir droit à une retraite à taux plein, la décote en cas de retraite anticipée et l’indexation des retraites non plus sur les salaires, mais sur les prix, et, dans les faits, il sabotait la grève.

Les tactiques dilatoires des bureaucraties syndicales ont fait que la grève a commencé avec un taux de participation moins important, 62 pour cent pour progressivement diminuer à 27 pour cent. La grève a été lentement mais sûrement épuisée jusqu’à ce que les syndicats parviennent à l’arrêter et retournent à la table des négociations.

Les manoeuvres actuelles des syndicats sont tout à fait dans la ligne du rôle traître qu’ils jouent en général. Il est impossible de défendre le niveau de vie et les droits démocratiques et sociaux des travailleurs si on ne rompt pas avec les bureaucraties syndicales.

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