Dans deux interventions politiques
importantes qui ont eu lieu coup sur coup plus tôt cette semaine, l’ancien
président démocrate Bill Clinton et le candidat démocrate à la présidence lors
des élections de 2004, John Kerry, ont clairement établi que le programme
militaire pour les démocrates lors des élections de mi-mandat de novembre 2006.
Clinton a fait sa déclaration lors d’une
entrevue animée dimanche par Chris Wallace de la chaîne de télévision de droite
Fox News.
Pressé par Wallace d’expliquer pourquoi son
administration n’avait fait pas plus pour contrer al-Qaïda et Oussama ben
Laden, l’ancien président démocrate Clinton a répondu avec colère, accusant —
avec une certaine justesse — Wallace de poser des questions en ligne avec la
campagne concertée de la droite du Parti républicain pour falsifier l’histoire
et pour détourner l’attention du public des échecs catastrophiques des
politiques de l’administration Bush.
La contre-attaque de Clinton, toutefois,
n’a pas été d’accuser l’administration Bush pour sa politique criminelle de
guerre d’agression — en fait, il n’a pas eu un seul mot pour critiquer la
débâcle actuelle en Irak —, mais plutôt de défendre ses états de service en
tant qu’ardent défenseur de l’agression militaire.
La partie la plus extraordinaire de sa
défense passionnée de ses états de service (et par extension de ceux du Parti
démocrate) a été lorsqu’il a affirmé qu’il avait élaboré des plans pour
conquérir et occuper l’Afghanistan, presque un an avant les attentats
terroristes du 11 septembre 2001 sur New York et Washington.
« Après le [l’attentat à la bombe du
destroyer américain] Cole, a dit Clinton dans l’entrevue, j’ai planifié aller
en Afghanistan, renverser les talibans et lancer une attaque à grande échelle
pour trouver ben Laden. »
La seule chose qui l’a empêché de faire la
guerre que Bush a commencée un an plus tard, a-t-il dit, c’est que l’armée
américaine « avait besoin d’établir une base en Ouzbékistan », ce que
ce pays n’a autorisé qu’après le 11-Septembre. Il y a aussi le temps qu’a mis
la CIA et le FBI à certifier que c’était bien ben Laden qui était responsable
de l’attentat du Cole, ce que les deux agences ont fait après que Bush ait été
à la Maison-Blanche.
Clinton a continué en déclarant « Si
j’étais toujours président, nous aurions plus que 20 000 soldats là-bas
pour tuer » Oussama ben Laden.
Ce que cette déclaration de Clinton révèle,
c’est que le programme de militarisme global lancé par l’administration Bush
après le 11-Septembre faisait consensus au sein de l’élite dirigeante
américaine et était soutenu par ses deux partis importants, les démocrates et
les républicains.
En fait, il semble que la première guerre
déclenchée par la Maison-Blanche de Bush, celle d’Afghanistan, l’ait été sur la
base de plans dressés par l’administration Clinton.
Cette intervention pour évincer le régime
taliban, comme la guerre non provoquée contre l’Irak, n’avait pas pour but
d’écraser le terrorisme ou de venir en aide à une population vivant sous une
dictature. Plutôt, ce fut la réalisation d’une ambition de longue date des
Etats-Unis d’exercer leur hégémonie sur les régions riches en pétrole de l’Asie
centrale et du Moyen-Orient. Les démocrates tout comme les républicains ont
cherché à exploiter les attentats du 11-Septembre et à promouvoir la
« guerre globale au terrorisme » comme prétexte pour réaliser ces
objectifs impérialistes.
Clinton s’est plaint que les républicains
avaient sali les démocrates en les décrivant comme étant « laxistes sur la
question du terrorisme » lors des dernières élections de mi-mandat en
2002. « Notre parti les a soutenus lorsqu’il s’agit d’entreprendre les
inspections des armes en Irak et était à cent pour cent pour les actions en
Afghanistan et ils n’avaient rien pour nous faire paraître comme si nous ne
nous préoccupions pas du terrorisme » a-t-il déclaré, accusant les
stratégistes républicains d’avoir délibérément provoqué un conflit en
introduisant « une pilule empoisonnée » dans la loi sur la sécurité
de la patrie en proposant quelque 170 000 fonctionnaires fédéraux de leurs
protections.
La réalité est que les démocrates ont donné
à Bush le pouvoir sans précédent de lancer une guerre non provoquée comme
partie d’une stratégie électorale cynique et couarde qui cherchait à mettre la
question de l’Irak en arrière-plan en se concentrant seulement sur les
questions économiques et sociales. Au cours des préparatifs ouverts pour la
guerre, le Parti démocrate n’a offert aucune alternative à ceux qui
s’opposaient à une telle agression. Au même moment, il ne pouvait mettre de
l’avant une politique sérieuse sur les questions du chômage, du déclin du
niveau de vie, de l’éducation et de la santé. En conséquence, une
administration qui avait pris le pouvoir en volant l’élection et envers
laquelle l’opposition était très grande a pu obtenir des gains importants dans
les deux chambres du Congrès.
Comme le fait clairement remarquer Clinton, le leadership démocrate prévoit
mener cette nouvelle élection législative en évitant encore une fois tout débat
sérieux sur l'Irak. Toutefois, cette fois-ci, il prévoit présenter
l'administration Bush comme étant « laxiste sur la question du
terrorisme » et vendre le Parti démocrate comme le champion de
l'intensification militaire en Afghanistan.
Clinton s'est également vanté que « le secrétaire à la Marine sous
Reagan », James Webb, se présentait comme candidat démocrate au poste de
sénateur en Virginie et qu'un « contre-amiral, qui faisait partie de mon
Conseil de sécurité nationale et qui a aussi combattu le terrorisme », Joe
Sestak, se présentait contre le candidat sortant républicain au Congrès en
Pennsylvanie. « Notre campagne compte une très grande présence
militaire », a déclaré Clinton. « Et nous ne pouvons laisser leur
rhétorique nous catégoriser faussement. »
Dans un commentaire rédigé pour la page éditoriale du Wall Street Journal,
le sénateur démocrate du Massachusetts John Kerry, candidat démocrate à la
présidence en 2004, a exprimé les mêmes idées. Regrettant l'opposition
grandissante à l'occupation américaine de l'Afghanistan, Kerry a
déclaré : « Nous devons modifier notre trajectoire, en
commençant par le déploiement immédiat d'au moins 5000 soldats américains de plus. »
Il poursuivit : « C'est-à-dire plus de forces spéciales pour
vaincre les talibans, plus de troupes d'affaires civiles pour soutenir les
prometteuses équipes de reconstruction provisoire, plus d'infanterie pour
empêcher que les talibans ne s'infiltrent davantage au Pakistan, et plus
d'unités de renseignements clandestines pour traquer al-Qaïda des deux côtés de
la frontière. C'est-à-dire aussi plus de drones « Prédateur » pour
fournir des renseignements en temps réel, plus d'hélicoptères et d'avions de
transport pour permettre un déploiement rapide, et plus d'équipement de combat
lourd pour dominer les forces ennemies. »
« Les États-Unis ne doivent pas laisser tomber le véritable front dans
la guerre au terrorisme. Nous devons nous engager de nouveau à une victoire en
Afghanistan », a conclu Kerry.
L'entrevue de Clinton et le commentaire de Kerry expriment clairement que le
leadership démocrate désire avant tout ne pas permettre aux républicains
d'attaquer le parti comme étant « laxiste sur la sécurité ou sur le
terrorisme » juste avant l'élection de novembre.
Il est clair que ceci est une stratégie nationale coordonnée alors que le
leadership démocrate est demeuré muet et les bras croisés pendant que
l'administration Bush tentait de faire rapidement passer une loi lui donnant le
droit de torture et le pouvoir de mettre sur pied des tribunaux militaires pour
exécuter de présumés « combattants ennemis » et même pendant que
l'administration Bush espionnait en masse le peuple américain. Le leadership démocrate
n'a rien fait pendant qu'une poignée de législateurs républicains s'opposait
aux projets de loi.
Pendant ce temps, le président du Comité national démocrate, Howard Dean, a
louangé Clinton pour sa performance à Fox News. « Le président
Clinton a répliqué aux tactiques trompeuses de la machine de propagande de
droite, » a déclaré Dean. « Comme l'a montré aujourd'hui le rapport
d'évaluation des renseignements nationaux, la guerre en Irak et les politiques
ratées de l'administration Bush ont diminué notre capacité de remporter la
guerre au terrorisme. Comme l'a dit le président Clinton, les démocrates
représentent des politiques qui sont à la fois musclées et raisonnées et nous
maintenons l'engagement de gagner la guerre au terrorisme. »
La sénatrice Hillary Clinton de New York a repris cette rhétorique, avec sa
manière pénible et inarticulée. Dans une déclaration publiée sur son site
Internet au Sénat américain, elle répond aux témoignages que trois commandants militaires
récemment retirés ont donnés lundi devant un comité du Parti démocrate se
penchant sur la guerre en Irak. Tout en critiquant le secrétaire à la Défense,
Donald Rumsfeld, les officiers militaires appelaient pour une expansion de la
guerre, pour l’augmentation du nombre des soldats envoyés là-bas et une
présence militaire à plus long terme.
Le général-major Paul Eaton, dirigeant l’entraînement des militaires en
Irak, a témoigné que quelque 60 000 soldats supplémentaires devraient être
déployé en Irak. Le général-major Batiste, ancien commandant de la
première division d’infanterie de l’armée en Irak, a déclaré :
« Il n’y a pas de substitut à la victoire et je crois que nous devons finir
ce que nous avons commencé en Irak et en Afghanistan. » Il a ajouté
« Nous devons mobiliser notre pays pour un défi de longue durée. »
Un troisième témoin, un colonel de la Marine, a dit que la guerre allait durer pour
une autre décennie. »
Exprimant un accord général avec ces appels pour une escalade de la violence
américaine en Irak, Hillary Clinton déclarait, « Notre problème avec
l’administration est, comme nous l’avons dit, vous savez, leur rhétorique n’a
pas été soutenue par l’allocation de ressources ou gérée comme il fallait qu’elle
le soit et nous entendons donc constamment l’appel pour, vous savez, "Nous
ne pas pouvons changer, nous devons faire ceci" comme on nous a dit de le
faire. »
Ce que toute cette campagne rend absolument clair c’est qu’en 2006 — comme
en 2002 et 2004 — le Parti démocrate va faire en sorte que les élections ne deviennent
pas un référendum sur la décision de l’administration Bush de mener la guerre
d’agression en Irak.
Plutôt, les démocrates sont déterminés à mener une bataille contre
l’administration Bush basée sur la prémisse qu’il a gâché la guerre, qu’elle
peut être menée plus efficacement, ce qui implique que Bush a détourné les
ressources militaires requises en Afghanistan et pour de nouvelles guerres à
venir.
Alors que les dirigeants démocrates offrent un élargissement de la guerre en
Afghanistan et se solidarisent avec les officiers qui proposent une occupation
plus importante et indéfinie de l’Irak, il n’y a aucune figure de premier plan
au sein du parti qui mette de l’avant une proposition pour le retrait de toutes
les troupes de l’Irak — une action qui a l’appui d’une majorité claire d’Américains
comme l’indique une série de sondages. Une vaste section de la population, celle
qui reconnaît que la guerre est la question la plus brûlante, est encore une
fois effectivement abandonnée par le système des deux partis.
Une lutte véritable contre la guerre en Irak et la menace d’une guerre
encore plus terrible d’agression ne peut être menée qu’en brisant le monopole
politique exercé par les deux partis contrôlés par l’oligarchie financière
américaine. Cela nécessite l’émergence d’un nouveau parti politique de masse
indépendant de la classe ouvrière, basé sur un programme socialiste qui
s’attaque aux racines de la guerre, le système de profit.
C’est ce pour quoi le Parti de l’égalité socialiste et ses candidats luttent
dans les élections de 2006, avançant une alternative socialiste au programme
bipartisan de guerre, d’attaques contre les droits démocratiques et de
destruction du niveau de vie et des conditions sociales de la classe ouvrière
américaine.