Voici la deuxième partie d’un rapport prononcé par David
North, président du bureau de rédaction international du World Socialist Web Site et secrétaire national du Parti de
l’égalité socialiste aux Etats-Unis, lors d’une réunion du PES qui a eu lieu le
week-end du 9 et 10 septembre.
La première
partie de ce rapport a été mise en ligne mardi le 12 septembre. La troisième
et dernière partie de ce rapport sera mise en ligne le jeudi 14 septembre.
Les invasions de l’Afghanistan et de l’Irak
L’administration Bush a réagi aux événements du 11
septembre en déclenchant une « guerre au terrorisme. » Un mois
seulement après l’attaque du 11 septembre, l’administration Bush débutait
l’invasion de l’Afghanistan, justifiant cet acte sur la base que le
gouvernement taliban avait fourni refuge à Oussama ben Laden et al-Qaïda. Dans
leur fol enthousiasme pour la guerre, les médias n’ont pas trouvé intéressant
d’enquêter sur l’histoire de l’implication américaine en Afghanistan, ses
relations avec les taliban, le rôle des États-Unis et leur défense des
activités de ben Laden, ou la création d’al-Qaïda.
Le fait que les événements du 11 septembre pouvaient être
reliés directement à la décision des États-Unis, durant l’administration de
Jimmy Carter, d’encourager une insurrection islamique contre le régime appuyé
par les Soviétiques à Kaboul n’était pas un sujet que les médias étaient prêts
à explorer. Ainsi, durant les années 80, les insurgés islamiques en Afghanistan
recevaient un important appui militaire et financier des États-Unis. Des
représentants des moudjahidines avaient été invités dans le bureau ovale et
acclamés par le président Reagan comme étant les équivalents moraux des pères
fondateurs des États-Unis.
Ben Laden a commencé sa carrière terroriste comme élément
de la CIA en Afghanistan. Et finalement, le mouvement taliban, qui a émergé du
carnage financé par les États-Unis en Afghanistan, a pris le pouvoir au milieu
des années 90 avec l’appui des États-Unis.
Quel était le véritable objectif de cette guerre ? En
répondant à cette question, je me rappelle d’une scène au début du film Reds,
un drame biographique du grand journaliste radical John Reed. Celui-ci vient
juste de revenir de l’Europe, où il couvrait la soi-disant Grande Guerre (la
Première Guerre mondiale était appelée ainsi à l’époque). Assistant à une
réunion du Liberal Club à Portland, la ville natale de Reed située en Oregon,
il est appelé sur la tribune pour exposer ce qu’il a vu de la guerre.
Le président du Liberal Club demande à Reed d’expliquer
l’enjeu de la guerre en Europe. Reed observe l’auditoire, et répond
simplement : « Les profits » et il se rassoit.
On pourrait donner une explication tout aussi concise de la
guerre en Afghanistan, mais ici la simple réponse serait « Le pétrole. »
Comme l’a expliqué le WSWS le 9 octobre 2001, dans une déclaration intitulée
« Les raisons de notre opposition à la guerre en Afghanistan, »
« La région de la Mer Caspienne, à laquelle
l'Afghanistan fournit un accès stratégique, renferme environ 270 milliards de
barils de pétrole, soit 20 pour cent des réserves recensées dans le monde. Elle
contient aussi 20 billions de mètres cube de gaz naturel, soit environ un
huitième des réserves de gaz de la planète.
« Ces ressources critiques sont situées dans la région
politiquement la plus instable du monde. En attaquant l'Afghanistan, en
installant un régime soumis et en amenant de grandes forces militaires dans la
région, les États-Unis cherchent à établir un nouveau cadre politique au sein
duquel ils peuvent exercer un contrôle hégémonique. »
Les victoires rapides, quoique superficielles, qu’a
réalisées l’armée américaine en Afghanistan en automne 2001, aboutissant à
l’installation au pouvoir d’un ancien conseiller de la compagnie pétrolière
Unocal, Hamid Karzaï, à la tête du nouveau régime fantoche à Kaboul, ont
convaincu l’administration Bush qu’il n’y avait aucunes limites à ce qui
pouvait être accompli par la force militaire. En octobre 2002, elle a dévoilé
un plan national de sécurité basé sur la nouvelle doctrine de « guerre
préventive », qui proclamait le droit et l’intention des États-Unis
d’attaquer militairement tout pays qu’ils jugeraient être une menace
potentielle à la sécurité américaine.
Accueillant pleinement la guerre comme instrument légitime
de politique étrangère, applicable dans un grand nombre de situations
n’exigeant pas d’autodéfense immédiate et directe contre une attaque militaire
imminente, la nouvelle stratégie de sécurité nationale a placé à la base de la
politique étrangère des États-Unis des conceptions dénoncées comme étant
criminelles par le Tribunal de Nuremberg sur les crimes de guerre en 1946.
La table était alors mise pour l’invasion de l’Irak, un
pays dont le gouvernement n’avait rien à voir avec les événements du 11 septembre.
Tout en fabriquant de toutes pièces des liens entre le régime de Saddam Hussein
et al-Qaïda, le gouvernement américain a insisté principalement sur la présumée
possession par l’Irak de soi-disant armes de destruction massive. Entre août
2002 et le début de l’invasion de l’Irak en mars 2003, le peuple américain a
été soumis sans relâche à une campagne de propagande mensongère de la part du
gouvernement et des médias.
Malgré l’orgie de propagande pro-guerre, une opposition
populaire et internationale aux objectifs guerriers des États-Unis et de leurs
alliés du gouvernement britannique a pu s’exprimer lors de démonstrations
massives tenues à travers le monde en février 2003.
Le 20 mars 2003, les États-Unis déclenchèrent leur guerre.
Un jour plus tard, le World Socialist Web Site déclarait :
« L'invasion non provoquée et illégale de l'Irak par
les États-Unis est un événement des plus infâmes. Les criminels politiques à
Washington qui ont lancé cette guerre, et les scélérats dans les mass médias
qui se complaisent dans le bain de sang, ont couvert ce pays de honte. Des
centaines de millions de gens dans tous les coins du monde sont horrifiés par
le spectacle d'une puissance militaire brutale et débridée en train de
pulvériser un petit pays sans défense. L'invasion de l'Irak est une guerre
impérialiste dans le sens classique du terme: un vil acte d'agression perpétré
dans l'intérêt des sections les plus réactionnaires et rapaces de l'oligarchie
financière et industrielle américaine. Son but ouvert et immédiat est
l'établissement d'un contrôle sur les grandes ressources pétrolières de l'Irak
et la réduction de ce pays longtemps opprimé à un protectorat colonial des
États-Unis. ...
« La guerre elle-même représente la faillite totale
de la démocratie américaine. Une petite clique de conspirateurs politiques,
munis d'un projet caché et arrivés au pouvoir sur la base de la fraude, a jeté
le peuple américain dans une guerre qu'il ne comprend pas et ne désire pas.
Mais il n'existe absolument aucun mécanisme politique en place par lequel
pourrait s'exprimer l'opposition à la politique de l'administration Bush,
c'est-à-dire à la guerre, à la violation des droits démocratiques, à la
destruction des services sociaux et à l'assaut sans relâche sur le niveau de
vie de la classe ouvrière. Le parti démocrate, cadavre puant du libéralisme
bourgeois, est profondément discrédité. Des masses de travailleurs se
retrouvent sans la moindre représentation politique. »
Le WSWS déclarait en conclusion,
« Le vingtième siècle n'a pas été vécu en vain. Ses
triomphes et ses tragédies ont légué à la classe ouvrière des leçons politiques
qui n'ont pas de prix, dont la plus importante est la compréhension de la
signification et des implications de la guerre impérialiste. Celle-ci est avant
tout la manifestation de contradictions nationales et internationales qui ne
peuvent trouver une issue par les voies «normales». Quel que soit le résultat
du stade initial du conflit qui a commencé, l'impérialisme américain a pris un
rendez-vous avec le désastre. Il ne peut conquérir le monde. Il ne peut
réimposer des chaînes coloniales aux masses du Moyen-Orient. Il ne trouvera pas
dans la guerre une solution viable à ses maladies internes. Au contraire, les
difficultés imprévues et la résistance montante engendrées par la guerre vont
intensifier toutes les contradictions internes de la société américaine. »
La bourgeoisie et ces apologistes proclament sans cessent que
le marxisme a échoué. La réfutation de ces prétentions ne requiert qu’une
comparaison entre l’analyse faite par le World Socialist Web Site des
événements contemporains, sur la base de la méthode marxiste, à celle offerte
par les dirigeants du monde impérialistes. Le premier mai 2003, le président
Bush proclamait, à bord d’un porte-avions américain, que la mission américaine
en Irak était accomplie. En réalité, le désastre annoncé par le WSWS ne
faisait que commencer.
Cinq ans de « guerre au terrorisme »
Trois ans après l’invasion de l’Irak, la soi-disant « guerre
au terrorisme » proclamée par l’administration Bush est en complète
déroute. La campagne d’Irak — l’opération centrale de la guerre globale
proclamée par Bush au lendemain du 11 septembre — a été un échec militaire et
politique. Il est démontré que l’invasion débutée avec le nom de code « choc
et stupeur » n’a été que « choquante » par le degré d’incompétence
et de stupidité qui a caractérisé la gestion de cet exercice misérable. A en
juger par le niveau de l’insurrection, l’administration Bush a grossièrement
surestimé la capacité de l’armée américaine d’imposer la crainte et d’intimider
les masses irakiennes.
Le projet hégémonique lancé par l’administration Bush a
souffert de revers majeurs en Irak. À l’exclusion de l’entourage immédiat de
Bush à la Maison-Blanche, l’invasion de l’Irak et son occupation sont
considérées quasi universellement comme un désastre opérationnel et
stratégique. L’appréciation dominante de l’intervention américaine en Irak est
résumée dans le titre d’un nouveau livre sur la guerre : Fiasco.
Plus de 2600 soldats américains ont perdu
la vie en Irak. Le nombre d’Irakiens tués en conséquence de la violence
provoquée par l’invasion américaine est environ de 100 000. Malgré les
brutales campagnes d’apaisement entreprises par l’armée américaine, tous les
indices objectifs indiquent que l’insurrection continue à croître.
En plus du nombre horrible de morts — plus
de mille Irakiens sont tués chaque mois à Bagdad seulement —, l’impact
économique de l’invasion et la résistance qu’elle provoque ont eu un impact
dévastateur. Les attentes de l’administration Bush qu’un flot ininterrompu de
pétrole irakien financerait le coût de la guerre n’ont pas, comme tant d’autres
calculs du gouvernement américain, survécu à leur contact avec la réalité.
Depuis l’invasion de l’Irak, les insurgés ont réalisé plus de 700 attaques
contre des installations pétrolières. Selon une étude produite par l’analyste
militaire Anthony Cordesman du Center for Strategic and
International Studies [Centre d’études stratégiques et internationales],
« La production de pétrole a diminué
de 8 pour cent en 2005 et la quantité de pétrole transportée par le pipeline du
nord de l’Irak vers Ceyhan en Turquie est passé de 800 000 barils par jour
avant la guerre à 40 000 barils par jour en 2005. En juillet 2005, les
responsables irakiens estimaient que les attaques des insurgés avaient déjà
coûté environ 11 milliards $ à l’Irak. Ils ont empêché la production de pétrole
d’approcher le but de 3 millions de barils par jour en 2005 que s’était fixé la
coalition après la chute de Saddam Hussein et la production est tombé du niveau
de production qu’il était avant la guerre, environ 2,5 millions de barils par
jour, à 1,83 million de barils par jour en 2005 et au niveau de seulement 1,57 million
de barils par jour en décembre 2005. Ces succès ont eu un impact majeur sur un
pays où 94 pour cent des revenus gouvernementaux directs proviennent des
exportations de pétrole. » [Iraq’s Evolving Insurgency and the
Risk of Civil War, p. viii]
La façon dont la guerre est conduite a exposé
la stupidité et l’incompétence presque insondables du président et des
personnalités clés de son administration. L’évaluation par Cordesman de la
planification faite avant l’invasion et de la façon dont la guerre a été
subséquemment conduite est une accusation inouïe de toute l’administration.
Dans son rapport publié le 22 juin 2006, on peut lire :
« On a beaucoup parlé de l’échec des
services du renseignement à bien évaluer les armes de destruction massive en
Irak. Ces échecs semblent insignifiants, toutefois, si on les compare avec
l’échec des planificateurs de la politique et de l’armée américaines à évaluer
précisément la situation globale en Irak avant de commencer la guerre et le
risque d’une insurrection si les Etats-Unis n’entreprenaient pas un mélange
effectif de construction de la nation et d’opérations stabilisatrices. Cet
échec ne peut pas être de la responsabilité de la communauté du renseignement.
C’était de la responsabilité du président, du vice-président, du conseiller en
sécurité nationale, du secrétaire d’Etat, du secrétaire à la Défense et du
président des états-majors.
« Ils avaient tous la responsabilité
d’intégrer une équipe de faiseurs de politique, de planificateurs militaires,
d’experts du renseignement et d’experts sur la région pour fournir un portrait
aussi précis que possible de l’Irak et des conséquences d’une invasion. Chacun
a échoué à exercer sa responsabilité. Les principaux faiseurs de politique du
pays ont choisi d’agir sur la base d’un point de vue hautement idéologique et
limité de l’Irak qui a fait les préparatifs en fonction d’une définition très
optimiste du succès, mais pas du risque ou de l’échec.
« Il n’y a pas eu de véritable
planification pour des opérations de stabilisation. Les principaux faiseurs de
politiques n’ont pas voulu s’engager dans la construction de nation et ont
choisi de croire qu’enlever le pouvoir à Saddam Hussein laisserait le
gouvernement irakien fonctionnel et intact. Des plans ont été faits sur la base
que des éléments importants des forces armées irakiennes se rangeraient aux
côtés des forces de la coalition, resteraient passifs ou n’opposeraient qu’une
résistance pour la forme.
« Il n’y a pas eu de véritable
considération portée à la question de la continuité du gouvernement ou à la
stabilité et la sécurité dans les principales villes de l’Irak et dans toute la
campagne. Des décennies d’importantes tensions sectaires et ethniques ont été
minimisées ou ignorées. Les actions du régime de Saddam Hussein qui ont empêché
le développement économique de l’Irak depuis le début de la guerre entre l’Iran
et l’Irak — à une époque où l’Irak ne comptait que 17 ou 18 millions de
personnes — ont été ignorées. On a supposé que l’Irak était un pays exportateur
de pétrole sain dont l’économie se remettrait rapidement sur pied si les puits
de pétrole n’étaient pas incendiés et que l’Irak se transformerait au même
moment en une structure capitaliste moderne. » [xv-xvi]
Dans ce texte, Cordesman accuse les dirigeants
de l’Etat américain, le président Bush, le vice-président Cheney, le secrétaire
d’Etat Colin Powell (qui détenait ce poste à l’époque de l’invasion),
l’ancienne conseillère à la sécurité nationale (et aujourd’hui secrétaire
d’Etat) Condoleezza Rice, le secrétaire à la Défense Rumsfeld et le président
des états-majors Richard Meyers (qui détenait ce poste lorsque l’invasion a
commencé), de manquement au devoir ce qui, en contexte de guerre, être présenté
comme de l’incompétence criminelle. Une telle accusation serait entièrement
justifiée. Toutefois, il n’a pas expliqué comment une telle situation pouvait
bien exister aux plus hauts échelons de l’Etat.
Si le véritable but de l’invasion américaine
avait réellement été d’établir une démocratie stable en Irak, l’absence de toute
planification sérieuse pour faire face à la situation que l’armée américaine
rencontrerait après l’effondrement du régime de Saddam Hussein ne semble pas
pouvoir trouver d’explication rationnelle. Toutefois, les échecs semblent beaucoup
moins incompréhensibles lorsqu’ils sont analysés dans le contexte des
véritables objectifs de guerre de l’administration Bush.
L’invasion de l’Irak ne visait pas à établir
une démocratie ; elle avait pour but le pillage et le contrôle par les
Etats-Unis des réserves de pétrole de l’Irak. Assurément, l’administration Bush
a grossièrement sous-estimé ou n’a même pas sérieusement considéré, ce qui
serait nécessaire de faire pour établir les conditions sociales et politiques
minimales en Irak pour assurer le succès de l’opération de pillage des
Américains. Mais, en dernière analyse, les échecs opérationnels et stratégiques
de la guerre en Irak sont enracinés dans la nature et les buts fondamentaux de
l’entreprise. L’administration Bush n’a pas lancé cette guerre pour reconstruire
l’Irak, mais pour violer le pays.
La catastrophe irakienne n’est pas que l’échec
d’un plan militaire. C’est un échec complet et systémique de toutes les
branches du gouvernement, des deux partis politiques sous contrôle de la grande
entreprise, des médias et de tout le système de domination de classe au sein
duquel ceux qui prennent les décisions affectant les vies de millions de
personnes, dans leur propre pays et au-delà de leurs frontières, fonctionnent
dans un environnement qui n’impose sur eux que très peu de contraintes
démocratiques ou d’imputabilité au peuple, ni ne les rend imputables des
conséquences de leurs actes.
Cinq ans ont passé depuis le début de la
« guerre au terrorisme ». Cela représente une période de temps plus
grande que la Guerre de 1812 (trois ans), la Guerre civile (quatre ans), la
Guerre américano-espagnole (plusieurs mois), l’implication des Etats-Unis dans
la Première Guerre mondiale (une année et demie), la participation américaine
dans la Deuxième Guerre mondiale (moins de quatre ans et la soi-disant action
policière en Corée (trois ans). Clairement, cette nouvelle guerre, en terme de
durée, est déjà un événement important dans l’histoire des Etats-Unis. Cela
implique qu’il est encore plus remarquable que l’administration Bush tente
toujours d’expliquer ce que la « guerre au terrorisme » signifie
vraiment. Même après le passage d’une demi-décennie, le gouvernement n’est
toujours pas capable de concocter une explication plausible, ne disons même pas
rationnelle, de la raison pour laquelle il se bat et contre qui ou quoi il se
bat.
Dans un des discours que Bush a donné depuis
deux semaines visant à rallier le soutien à la guerre, il a
proclamé : « La guerre que nous faisons aujourd’hui est plus
qu’un conflit militaire ; c’est la lutte idéologique décisive du 21e
siècle. »
En lisant ces mots, on ne peut s’empêcher de
se demander comment la lutte idéologique que mène l’administration Bush se
développe dans les faits.
La « guerre au terrorisme » a, dès
les tous premiers jours, été accompagnée de tentatives de miner et de détruire
toute la structure des droits démocratiques garantis par la constitution qui
est l’héritage de l’idéologie véritablement démocratique qui a inspiré les dirigeants
de la Révolution américaine au 18e siècle. Les principes que l’administration
Bush met en œuvre sont ceux d’une dictature naissante. Ils ont été le plus
clairement énoncés non seulement dans les paroles de tels défenseurs de la
tyrannie présidentielle que sont Antonin Scalia et Clarence Thomas, mais aussi
dans les actes de l’armée américaine et le personnel des agences du
renseignement dans les chambres de torture d’Abou Ghraib et dans les prisons
secrètes de la CIA, dont l’existence a maintenant été publiquement reconnue par
Bush près de cinq années après leur mise en place.
La tentative de Bush de défendre sa
« guerre au terrorisme » regorge des plus évidentes et absurdes
contradictions. Par exemple, il a dit le 31 août,
« Pour comprendre la guerre se déroulant
au Moyen-Orient, nous devons regarder l’histoire récente de la région. Pendant
un demi-siècle, le premier objectif des Etats-Unis dans la région était la
stabilité. C’était compréhensible à l’époque ; nous combattions l’Union
soviétique dans la Guerre froide ; et il était important de soutenir les
gouvernements du Moyen-Orient qui rejetaient le communisme. Toutefois, avec des
dizaines d’années, un courant sous-marin de danger s’est développé au
Moyen-Orient. Une grande partie de la région était embourbée dans la stagnation
et le désespoir. Une génération de jeunes gens a grandi sans grand espoir
d’améliorer la vie et plusieurs se sont laissé séduire par l’extrémisme
radical. Le mouvement terroriste multipliait le ressentiment qui a mijoté
pendant des années et qui explosait en violence à travers le monde. »
Ce que Bush semble dire, et il a raison en
cela, c’est que l’émergence de mouvements terroristes au Moyen-Orient est le
résultat des mesures répressives que les Etats-Unis ont mises en œuvre pendant
plus d’un demi-siècle durant sa lutte contre la croissance de l’influence du
communisme et du socialisme au sein des masses.
En passant, Bush a cité en tant qu’exemple de
la croissance de l’extrémisme, le kidnapping des otages américains en Iran,
alors qu’il n’a pas dit que cela s’était produit au milieu d’une révolution qui
venait juste de renverser une dictature militaire et policière qui avait pris
le pouvoir en conséquence d’un coup antidémocratique organisé par la CIA en
1953.
Si l’on met les assertions démagogiques de
l’administration Bush de côté, le véritable objectif de la « guerre au
terrorisme » demeure l’établissement de l’hégémonie mondiale des
Etats-Unis. Peu importe les échecs et les reculs subis depuis 2001, l’objectif
de la « guerre au terrorisme » est toujours la domination mondiale.
C’est la perspective non seulement de l’administration Bush, mais aussi de
toutes les factions importantes, démocrates tout autant que républicaines, de
l’establishment politique.
Les roulements de tambours de la guerre en
Iran gagnent en puissance tous les jours, même si les conséquences d’une telle
guerre seront catastrophiques. Une attaque de l’Iran par les Etats-Unis
mettrait en mouvement un cataclysme de dimension mondiale. Qu’une telle action
puisse seulement être considérée, alors même que les Etats-Unis doivent
comprendre les conséquences du fiasco en Irak, est une indication de l’état
d’esprit désorienté et délirant qui existe aux plus hauts échelons de l’Etat
américain.
Il est nécessaire d’analyser les conditions
sociales et matérielles de la société américaine qui ont produit ce niveau de
témérité.
A suivre
(Article original anglais paru le 12 septembre
2006)