La position de droite, pro-guerre, du Parti démocrate a été
exposée pleinement mardi, alors que le leadership du parti présentait un
nouveau rapport critiquant l'administration Bush pour ne pas avoir réussi à
défendre adéquatement les intérêts de l'impérialisme américain.
Au cours des dernières semaines, de hauts représentants de
l'administration Bush ont prononcé une série de discours commémorant les attentats
du 11 septembre à l’occasion de leur cinquième anniversaire. Ces discours,
empreints de falsifications historiques et d'autres mensonges, ont été conçus
pour intimider les opposants de la guerre en Irak, les châtiant comme s'ils
étaient les conciliateurs d'une nouvelle idéologie fasciste.
La réaction du Parti démocrate est d'argumenter que ce sont
eux, et non pas les républicains, qui sont les plus solides partisans de la
« sécurité nationale » et de la « défense » américaines,
c'est-à-dire la répression au pays et la guerre. Pas une fois le Parti
démocrate n'a critiqué la ligne essentielle de l'administration, qui a utilisé
le prétexte des attentats du 11 septembre pour intensifier une politique de
néocolonialisme, surtout au Moyen-Orient. Plutôt, les démocrates tentent
d'argumenter qu'ils mèneront mieux la « guerre au terrorisme » en
confrontant les supposées menaces comme l'Iran et la Corée du Nord.
Ces perspectives ont été exposées dans « The Neo Con :
The Bush Defense Record by the Numbers », (Les néo-conservateurs : le
bilan chiffré de Bush à la Défense), écrit par Sharon Burke et Harlan Geer pour
une organisation qui se nomme le Projet de sécurité nationale de la Troisième
Voie. La Troisième Voie est un groupe mis sur pied pour donner une image
« progressiste » à des politiques de droite. Burke est le directeur
du Projet de sécurité nationale et il rédigeait les discours du département de
la Défense sous l'administration Clinton.
Le chef de la minorité à la Chambre des représentants, Nancy
Pelosi, et le chef de la minorité au Sénat, Harry Reid, ont approuvé le
rapport : un fait qui montre clairement que la politique qu'il expose
correspond à la ligne officielle du Parti démocrate. Le rapport a été présenté
officiellement lors d'une conférence de presse à laquelle participaient Reid,
le sénateur démocrate Dick Durbin, le général Wesley Clark et Burke.
L'attitude générale des démocrates apparaît clairement dès le
tout début du rapport qui cite, en les approuvant, des commentaires de William
Kristol, un des chefs idéologiques derrière le militarisme de l'administration
Bush. Il cite Kristol déclarant : « La Corée du Nord lance des
missiles. L'Iran tente de développer l'arme nucléaire. La Somalie est contrôlée
par des radicaux islamiques. La situation en Irak ne s'améliore pas, et celle
en Afghanistan devient pire... Je reconnais beaucoup de mérite au président
pour tenir bon en Irak. Mais je crains que cela les ait rendus trop passifs
pour pouvoir confronter les autres menaces. »
Voilà la position que tentent plus ou moins de défendre les
démocrates. L'occupation de l'Irak, ou plutôt la manière dont cette occupation
est menée, empêche le gouvernement des États-Unis de s'attaquer à des problèmes
plus « pressants », particulièrement le problème de l'Iran. Les
démocrates soutiennent qu'une nouvelle stratégie est nécessaire en Irak afin de
libérer l'armée pour qu'elle puisse affronter ces autres problèmes.
« Le nombre des attentats et des recrues
terroristes augmente à l'échelle du globe, affirme le rapport, plusieurs de nos
ennemis sont plus forts, leur rayon d'action plus grand, leurs armes de
destruction massive sont plus développées, nombreuses et disponibles. Au
même moment, l'influence américaine auprès de nos alliés s’est affaiblie :
nos « amis » ne sont pas avec nous en Irak. Et une intervention
militaire trop prolongée et exigeante pour les troupes a épuisé les ressources
militaires et placé l'Amérique dans une position moins avantageuse pour
projeter sa puissance dans les régions troubles qu'avant le 11 septembre. »
Traitant de l'Irak, le rapport de la Troisième
Voie souligne la crise de l'occupation américaine, notant que le nombre de
personnes tuées, tant Irakiens que soldats américains, augmente continuellement.
Il déclare que l'Irak est devenu un refuge de « terroristes » qui est
sur le bord d'une « guerre civile totale. »
Burk et Geer ne présente aucune alternative à
la politique de l'administration Bush et n'appellent pas pour la fin de
l'occupation. La principale position avancée par les démocrates cependant
est « le redéploiement stratégique » — le transfert sélectif de
troupes vers d'autres régions de l'Irak et du Moyen-Orient. D'autres démocrates
flirtent avec l'idée d'appuyer une partition du pays, qui pourrait mener à la
violence et au nettoyage ethnique à grande échelle.
Mardi, l'administration Bush continuait de
proférer des menaces contre l'Iran, dévoilant une nouvelle « Stratégie nationale
pour combattre le terrorisme » qui déclare que l'Iran est l’« Etat le
plus actif dans le soutien au terrorisme international ». Lors d'un
discours mardi, Bush tentait d'établir un lien entre le gouvernement de l'Iran
et al-Qaïda et déclarait « Les nations libres du monde ne vont pas
permettre à l'Iran de développer l'arme nucléaire. »
Il y a toutes les raisons de croire que l’administration
Bush prépare une frappe militaire contre l'Iran sous une forme ou une autre.
Quelle sera la réponse du Parti démocrate ? Ils vont donner un appui
crucial à une telle intervention. Le rapport de la Troisième Voie
critique l'administration Bush sur l'Iran de la droite, le dénonçant pour avoir
« donné à forfait la tâche de contenir le programme nucléaire iranien aux
européens et à l'ONU ».
L'administration Bush « a été incapable
de contenir l'Iran, » déclare-t-il. « Au mieux, l'Iran utilise ses
ambitions nucléaires pour forcer les puissances occidentales à reconnaître les
demandes de l'Iran pour la reconnaissance économique et l'influence
politique. Au pire, il est déterminé à posséder ces armes pour s'établir
en tant que dirigeant du monde islamique. »
Le rapport inclus également une section sur la
Chine, dans lequel il affirme, « Nous perdons peut-être un partenaire pour
gagner un sérieux rival. » La Chine est devenue « une puissante puissance
régionale, agissant parfois contre les intérêts de l'Amérique dans les domaines
de la Corée du Nord et de l'Iran », aussi bien qu’en Amérique du Sud et en
Afrique. Si les Etats-Unis devaient entreprendre une action militaire
contre l'Iran ou la Corée du Nord et que ceci entraînait une confrontation avec
la Chine, ces déclarations sont une indication claire que les démocrates l'appuieraient.
Un des principaux objectifs des démocrates
est d’obtenir l’appui d’une section des militaires qui est de plus en plus
mécontente envers l’administration Bush, plus particulièrement envers le
secrétaire à la Défense Donald Rumsfeld. Des démocrates dirigeants ont dans ces
derniers jours renouvelé leurs appels à l’administration Bush pour que Rumsfeld
soit limogé. Le mécontentement est le plus grand parmi les sections des
officiers de haut rang profondément préoccupées que l’armée en tant
qu’institution a été sérieusement sapée. Le recrutement connaît une forte
baisse. Le moral est au plus bas. De larges sections de l’armée sont impliquées
dans l’occupation de l’Irak, ce qui rend difficile pour l’impérialisme
américain de se présenter comme une menace sérieuse pour d’autres pays.
« Notre supériorité n’est pas remise
en question, peut-on lire dans le rapport de la Troisième Voie. Mais au cours
des quatre dernières années, le président a étiré l’armée à un point de
crise. » Le rapport cite plusieurs statistiques illustrant cette crise. Il
faut une nouvelle stratégie, concluent les auteurs, pour que la puissance du
militarisme américaine se déploie de nouveau.
Une réponse potentielle à ce que les
démocrates voient comme une force inadéquate de l’armée est le retour de la
conscription obligatoire, une possibilité qui a été suggérée par le
représentant John Murtha mardi. Les liens étroits qu’il entretient avec des
sections de l’armée sont bien connus.
Ni dans le rapport de la Troisième Voie, ni
dans les commentaires des démocrates dirigeants, on ne peut trouver de débats
sur les véritables objectifs de la guerre en Irak et des menaces de guerre en
Iran — s’emparer du pétrole et des autres ressources naturelles pour donner un
avantage à la classe dirigeante américaine contre leurs rivaux potentiels, y
compris la Chine. Il n’y a aucune mention de ces buts parce que le Parti démocrate
les accepte et les approuve.
Les démocrates avancent cette position de
droite au moment où les sondages indiquent que deux tiers de la population sont
contre la guerre en Irak. Les démocrates encore une fois font la preuve qu’ils
sont incapables de faire appel à ce sentiment. Ils n’ont aucun désir de mener
leur campagne pour les élections de novembre sur la base du sentiment
anti-guerre, parce que cela créerait des attentes que les démocrates, étant les
loyaux défenseurs des intérêts de l’impérialisme américain, ne pourraient
satisfaire.
(article original anglais paru le 6
septembre 2006)