WSWS : Nouvelles
et analyses : Moyen-Orient
La visite de Kofi Annan provoque la colère à Beyrouth
Par Chris Marsden
2 septembre 2006
Utilisez
cette version pour imprimer
La visite de Kofi Annan au Moyen-Orient a été jusqu’ici
plutôt humiliante. Elle n’a pas fait que confirmer combien discréditées étaient
devenues les Nations unies aux yeux des masses arabes à cause de leur
empressement à accepter les ordres des Etats-Unis, mais a aussi démontré leur
impuissance lorsqu’il s’agit de contenir un tant soit peu Israël.
Durant une visite avec Siniora dans les banlieues dévastées
du sud de Beyrouth à Haret Hreik, Annan a été hué pour une foule criant des
slogans pro-Hezbollah comme « Mort à Israël » et « Longue vie à
la Syrie. » Un groupe de femmes a dénoncé l’ONU pour sa complicité avec
Israël. L’une d’entre elles a déposé un portrait du chef du Hezbollah, Hassan
Nasrallah, sur le pare-brise d’un des véhicules en mouvement. Un résidant a
déclaré à la presse : « Que les Nations unies et Annan aillent se
faire voir. Qu’il voit ce que l’ONU et les Etats-Unis ont fait et toute cette
destruction. Ce sont eux qui ont fait cela. »
Annan a été obligé de quitter les lieux après seulement 10
minutes.
Plus tard, alors qu’il visitait quatre postes frontaliers
de l’ONU, il rencontra des résidants qui tenaient des pancartes sur lesquelles
était écrit « Les Américains et les Israéliens sont les
terroristes. »
Timur Goksel, l’ancien conseiller et porte-parole de la
Finul, a déclaré au Guardian que l’ONU était maintenant plus impopulaire
dans la région que jamais auparavant dans l’histoire. « Le personnel de
l’ONU est mal à l’aise avec l’ambiance qui règne ; ils savent que l’ONU
est la cible de beaucoup de colère », a affirmé Goksel.
Dans les quartiers de Beyrouth, des graffitis anti-ONU
ornent les murs. Des autocollants où il est écrit « Unjust »
[injuste, formé avec l’acronyme anglais des Nations unies, UN] ont commencé à
apparaître sur les vitres des voitures.
La visite d’Annan à Jérusalem le 30 août est le mieux
illustrée par le premier ministre Ehoud Olmert rejetant avec mépris la demande
du secrétaire général de l’ONU pour une levée partielle du blocus du Liban qui
perdure depuis maintenant sept semaines.
Le 29 août, alors qu’il était au Liban, Annan avait déclaré
que l’embargo maritime, terrestre et aérien « pour les Libanais est une
humiliation, et un empiétement sur leur souveraineté ». Il a affirmé que
le risque de reprise des combats était grand si l’entente n’était pas respectée
dans sa totalité.
Après des pourparlers avec le gouvernement libanais et le
Hezbollah avant son arrivée à Israël, Annan a affirmé que la résolution 1701 de
l’ONU visant à mettre fin au conflit est « un menu fixe. Ce n’est pas un
buffet. Ce n’est pas un menu à la carte où l’on peut choisir ce que l’on veut.
Nous sommes à l’étape du rétablissement et de la reconstruction, il y a une
chance pour un cessez-le-feu à long terme. »
Il s’est donné beaucoup de mal pour réassurer Israël que
ses préoccupations de sécurité étaient de première importance pour l’ONU, en
promettant que la force militaire de l’ONU, la Finul, allait être
considérablement renforcée dans les semaines à venir. Le gouvernement libanais
s’engageait, a-t-il soutenu, à réfréner le Hezbollah : « il ne
peut exister un Etat dans un autre Etat, mais il doit plutôt n’y avoir qu’une
autorité, qu’une loi et qu’un fusil. »
Parlant à partir des bureaux de la Finul à Naqura, près de la
frontière israélienne, Annan explique que « Les libanais ont montré qu’ils
étaient sérieux concernant l’application de la résolution 1701 dans tous les
efforts qu’ils ont déployés. »
Plus tard, Annan donna un rapport quotidien d’Unifil au
ministre de la Défense d’Israël, Amir Peretz, démontrant qu’alors que le
Hezbollah avait violé le cessez-le-feu 4 fois, Israël l’avait fait près de 70
fois. Les représentants de l’ONU citent Israël pour des violations, incluant
des passages en avions, le ravitaillement de ses troupes et des attaques contre
les positions du Hezbollah. Dans ces circonstances, « le Hezbollah
démontre une discipline incroyable », commentait Annan. Il expliqua plus
tard aux journalistes que bien qu’il préférait qu’Israël lève son blocus
aérien, maritime et terrestre, qu’à ce point-ci, il allait seulement demander
qu’Israël permette la reprise des activités normales de l’aéroport de Beyrouth
Olmert refusera même cette demande minimale.
Dans la matinée du 30 août, il rencontra Annan pour 90 minutes
à la résidence du premier ministre à Jérusalem, dont vingt seulement furent en
privé.
L’appel à la retenue d’Annan n’a pas été entendu. Lors
d’une conférence de presse conjointe, Olmert retourna plutôt les propos d’Anna
contre lui. Le cessez-le-feu, n’est pas, dit-il, « un libre service, ce
n’est pas un buffet, c’est un repas d’un service ». Pour cette raison,
Israël ne peut pas levé le blocus dans une partie du Liban sans le lever
ailleurs.
Il a aussi rejeté l’appel d’Annan qu’Israël retire
complètement ses troupes du sud Liban dès que le nombre des soldats de la force
de l’ONU atteindrait près de 5000, au lieu du nombre complet de 15 000
soldats. « Israël va se retirer du Liban lorsque la résolution sera
appliquée », a répondu Olmert.
Il faudra peut-être des mois avant que la force de l’ONU de 15 000
soldats soit réunie, à supposer que cela se réalise même un jour. Jusqu’à
maintenant, approximativement 2500 soldats de l’ONU sont basés au pays,
desquels 2000 sont des observateurs qui étaient déjà sur place avant
l’éclatement du conflit et les engagements déjà annoncés par l’Europe et
d’autres pays sont loin de faire le compte de 15 000.
Olmert argumente également que la force de maintien de la paix
soit déployée le long de la frontière entre la Syrie et le Liban, à la place
des forces libanaise tel que stipulé par l’ONU et les puissances européennes.
Reprenant les commentaires faits par Annan alors qu’il se
trouvait avec les familles des réservistes Eldad Regav et Ehoud Goldwasser,
Olmert ajouta que l’aspect le plus important pour la mise en application de la
résolution 1701 du Conseil de sécurité de l’ONU est la « libération
inconditionnelle des deux soldats kidnappés. »
Plus tard son bureau émis un communiqué disant « Le
premier ministre insista sur le fait que la principale partie de l’application
de la décision était le retour dans leurs foyers des soldats enlevés et dit que
la résolution 1701 ne sera pas appliquée entièrement sans la libération et le
retour des deux soldats. »
En réalité, la libération inconditionnelle
des deux soldats n’est pas un des 19 « points d’actions » listés dans
la résolution de l’ONU du 11 août. En faire une condition préalable au retrait
du Liban par Israël offre le prétexte aux troupes des Forces de défense
israéliennes de continuer indéfiniment leurs opérations en territoire libanais.
Après avoir fait ces demandes, Olmert a conclu
par l’expression cynique qu’il avait l’espoir que les « conditions »
émergeraient bientôt pour un accord avec le Liban pour la première fois depuis
1958 et que le cessez-le-feu deviendrait « la pierre d’assise sur laquelle
construire une nouvelle réalité entre Israël et le Liban ».
Clairement en colère, le premier ministre
libanais Fouad Siniora a répondu que « Le Liban sera le dernier pays arabe
à signer un traité de paix avec Israël. »
Mohammed Fneish, un des deux représentants
du Hezbollah au conseil des ministres libanais, a dit : « Il n’y aura
pas de libération inconditionnelle… Il doit y avoir un échange au moyen de
négociations indirectes. C’est le principe auquel le Hezbollah et la résistance
s’en tiennent. »
Après avoir quitté Jérusalem, Annan s’est
rendu à Ramallah en Cisjordanie pour entreprendre des pourparlers avec le
président palestinien Mahmoud Abbas. Notant que l’offensive israélienne contre
le Liban avait jeté de l’ombre sur l’offensive contre la Palestine continuant à
ce jour, Annan a déclaré à la presse « Plus de deux cents Palestiniens ont
été tués depuis la fin de juin. Cela doit prendre immédiatement fin. »
Il a appelé Israël à permettre le passage
de marchandises et de piétons à la frontière entre Gaza et Israël, ajoutant
« J’ai fait savoir ce que je pensais lors de mes rencontres avec des
responsables israéliens. En plus de sauver des vies, nous devons maintenir la
vie, le blocus de Gaza doit être levé, les points de passage doivent être
ouverts, non seulement pour permettre l’entrée de marchandises, mais pour
permettre les exportations palestiniennes. »
L’impact réel des demandes d’Annan sur Israël
est montré par l’assassinat de huit Palestiniens, y compris un garçon de 14
ans, lors de frappes aériennes et d’échanges de tirs dans la ville de Gaza le
jour de sa visite.
Combien Annan se prosterne devant le
gouvernement Olmert a été montré le jour suivant alors que le responsable des
affaires humanitaires de l’ONU, Jan Egeland, a sévèrement blâmé Israël pour
avoir utiliser de façon « complètement immorale » des bombes à
fragmentation au Liban. Egeland a noté que des civils confrontaient des
« problèmes massifs » pour revenir chez eux parce que plus de
100 000 bombes à fragmentation n’ont pas explosés, 90 pour cent d’entre
elles lancées « dans les dernières 72 heures du conflit, quand nous
savions qu’il y aurait une résolution ».
Un porte-parole d’Unicef a dit que 12
personnes ont été tuées par des bombes à fragmentation au sud du Liban depuis
que la guerre est terminée. De tels faits, trop inconfortables, n’ont pas été
communiqués à Olmert par Annan lors de leurs discussions que celui-ci a décrites
comme « amicales » et « chaleureuses ».
(Article original anglais paru le 1er
septembre 2006)
|