Israël a admis qu’il avait utilisé des bombes
au phosphore durant la guerre contre le Liban de l’été dernier, quelques jours
après avoir été accusé dans un documentaire de la télévision italienne d’avoir
utilisé des missiles avec du métal dense et inerte, hautement cancérigène,
contre les Palestiniens à Gaza en juillet et août.
Après avoir déjà affirmé que les bombes au
phosphore n’avaient été utilisées que pour délimiter ses objectifs, le ministre
israélien Jacob Edery, a aujourd’hui confirmé que « les forces de défense
israéliennes ont utilisé des bombes au phosphore durant la guerre contre le
Hezbollah, pour attaquer des objectifs militaires à découvert ».
Les armes au phosphore causent des brûlures
chimiques et la Croix-Rouge et des organisations de défense des droits de
l’homme soutiennent qu’elles doivent être considérées comme des armes
chimiques. L’utilisation d’armes chimiques contre des civils ou contre des
cibles militaires dans des régions civiles est interdite en vertu des
Conventions de Genève. Les Etats-Unis ont insisté pour que Saddam Hussein soit
jugé pour avoir utilisé des armes chimiques contre des civils.
Le gouvernement libanais a accusé Israël
d’utiliser des armes interdites, y compris des bombes incendiaires au phosphore
et des bombes thermobariques, lors de la récente guerre. Les médecins dans les
hôpitaux du Sud Liban ont dit qu’ils soupçonnaient que les brûlures qu’ils
voyaient étaient causées par des bombes au phosphore.
Israël a lancé plus d’un million de bombes à
sous-munitions au Sud Liban dans les quelques jours avant le cessez-le-feu, ce
qui a résulté en au moins trois morts par jours, surtout des femmes et des
enfants, et qui a rendu la région presque inhabitable.
Le volte-face d’Israël sur la question de
l’usage d’armes au Liban ne contrevenant pas aux ententes internationales ne
peut que renforcer les déclarations des médecins palestiniens qu’Israël a
utilisé des armes expérimentales au métal lourd contre la population de Gaza.
La chaîne de télévision par satellite publique
d’Italie, RAI News 24, qui a documenté l’an dernier l’utilisation par l’armée
américaine de phosphore blanc contre la population contre des civils lors de
l’assaut contre Fallujah en Irak, a présenté des reportages en provenance de
Gaza de blessures graves difficilement explicables.
Les médecins ont demandé de l’aide pour
identifier la cause de blessures étranges qui étaient très petites, souvent
invisibles aux rayons X, et de coupures aux membres inférieurs provoquées par
une chaleur intense. Ils ont observé qu’un nombre inhabituellement élevé de
blessés avait dû subir l’amputation d’une et des deux jambes plus haut que la
mi-cuisse à cause de brûlures. Le docteur Habas al-Wahid, le chef de l’urgence
de l’hôpital Shuhada al-Aqsa, a déclaré à la presse que les jambes des
personnes blessées avaient été séparées du corps « comme si on avait
utilisé une scie pour couper l’os ».
Des douzaines de victimes présentaient un
corps entièrement brûlé et des blessures semblables à celles que causent les
éclats d’obus, mais qui demeuraient indétectables sur les radiographies. Les
médecins ont dit qu’ils avaient retiré de microscopiques particules de fibres
de carbone et de tungstène, une substance très cancérigène, des blessures. Le
docteur Juma Saka, de l’hôpital Shifa à Gaza, a dit que les médecins avaient
trouvé des petits points d’entrée sur les blessures des blessés et des morts et
de la poudre sur le corps et dans les organes des victimes. « La poudre
était comme un morceau microscopique, et c’est ce qui a probablement causé les
blessures », a dit Saka.
Les médecins ont remarqué plusieurs cas où les
patients, après qu’il était sur le chemin de la guérison, mourraient
soudainement après un jour ou deux. « Nous ne savons pas ce que cela veut
dire, de nouvelles armes ou quelque chose d’ajouté à une arme qui existait
déjà », a dit Saied Jouda, le directeur adjoint de l’hôpital Kamal Odwan à
Beit Lahiya.
Ces blessures ont été vues pour la première
fois en juillet après qu’Israël eut lancé une offensive militaire massive
contre Gaza à la fin de juin, prétendument pour retrouver le caporal Gilad
Shalit, capturé par des militants palestiniens, et pour mettre fin au tir de
roquettes Qassem vers Israël. La guerre qui a duré six semaines contre une
population largement sans défense a détruit routes, ponts, maisons, usines de
traitement de l’eau, centrales électriques et a tué au moins 286 Palestiniens
et blessé 4200 autres selon un estimé des services d’urgence de Gaza. Dans
l’ombre de la guerre barbare d’Israël contre le Liban, cette guerre a été peu
couverte par la presse mondiale.
La majorité des morts et des blessures a été causée par des
drones israéliens, des avions légers sans pilote contrôlés à distance qui ont
attaqué des cibles préétablies.
L’émission a rapporté que les médecins de Gaza avaient
accumulé des documents détaillés sur les blessures. Le docteur Mouawia, un
chirurgien cardiovasculaire et directeur général des services d’urgence à Gaza,
a expliqué, « Dans les principaux hôpitaux de Gaza, comme l’hôpital
Shifa, nos collègues médicaux ont traité des blessures qui présentaient de
petits trous, surtout aux jambes ; dans d’autres cas, on a retrouvé des
fragments métalliques de diverses dimensions à l’intérieur du corps même et qui
étaient en fait plus gros que les petites blessures. »
« J’ai personnellement rassemblé sur un CD la
documentation relative aux 86 cas que je suis prêt à montrer, en Italie ou
ailleurs, pour que les gens sachent ce qui s’est passé ici dans les derniers
mois, alors que l’opinion publique était surtout tournée vers la guerre au
Liban », a-t-il poursuivi.
« Selon nous, Israël a utilisé des armes chimiques,
comme de nombreux cas documentés le démontrent ; certaines personnes ont
de graves brûlures aux organes internes sans qu’il n’y ait de blessures
externes.
« Dans les hôpitaux de Gaza, a ajouté Dr Mouawia, les
médecins font face à une situation qui est vraiment difficile, aggravée par
l’état de siège que nous avons à subir dans la bande de Gaza. C’est comme une prison
à ciel ouvert : beaucoup de blessés sont morts à cause de la gravité des
blessures causées par ces armes qui sont « différentes » des armes
traditionnelles employées jusqu’à maintenant par l’aviation israélienne ».
Il a affirmé qu’il n’y avait pas eu de nouveaux cas enregistrés depuis le mois
d’août.
Après une longue recherche, des analyses d’échantillons des
métaux trouvés dans les corps des victimes et une étude des blessures
inhabituelles, les journalistes de l’émission en sont venus à croire que la
cause la plus probable de ces blessures était des missiles très semblables à
ceux fabriqués par les États-Unis : un explosif à métal dense et inerte
(DIME).
Selon le magazine militaire Defence Tech, le DIME
est un missile constitué d’une enveloppe de carbone qui éclate à l’impact en de
minuscules éclats, déclenchant au même moment une explosion qui projette des
lames d’une poudre très énergétique de métal lourd, comme le cobalt, le nickel
ou le fer, en alliage avec du tungstène enveloppé de fibre de carbone. Il se
transforme en poussière à l’impact, et perd son inertie très rapidement à cause
de la résistance de l’air, brûlant et détruisant, dans un angle bien précis,
tout ce qui se trouve dans un rayon de quatre mètres, contrairement aux éclats
d’obus qui résultent de l’explosion d’une enveloppe de métal, conception
courante des bombes actuelles.
Le métal est qualifié « d’inerte », car il n’est
pas impliqué dans l’explosion, et non pas parce qu’il serait inerte
chimiquement ou biologiquement.
Cette technologie fait partie d’une nouvelle gamme d’armes
à « faible dommage collatéral » conçues pour minimiser les dommages
causés aux biens à proximité de l’explosion tout en ayant un impact létal
beaucoup plus important, mais limité à une région relativement restreinte.
Donc, elle est « idéale pour les zones densément peuplées » et
« aide les combattants à empêcher de perdre l’appui populaire »,
selon les dires de ses enthousiastes défenseurs.
L’émission de télévision n’a pas abordé la question à savoir
si les Forces de défense israéliennes (FDI) avaient développé cette arme
elles-mêmes ou si elle leur avait été fournie par les Etats-Unis pour qu’elles
en fassent l’essai, utilisant les Palestiniens comme cobayes.
Lorsque questionné par un journaliste, un porte-parole des
FDI déclara qu’« Israël n’a pas utilisé d’armes illégales en vertu du
droit international. » Mais puisque DIME est nouvelle arme, le droit
international n’a pas encore jugé de sa légalité.
Evidemment, les FDI ont refusé de parler officiellement
aux reporters italiens puisque ces derniers ne citent que Yitzhak Ben-Israel,
major général des forces aériennes d’Israël et ancien dirigeant du programme de
développement des armes pour l’armée. Il n’a pas nié que ce fût une arme de
type DIME, disant qu’« une des idées est de permettre que ceux qui sont
visés soient atteints sans causer de dommages aux badauds ou d’autres personnes ».
Il a dit aux reporters que « c’est une technologie qui
permet de frapper de très petites cibles ».
En d’autres termes, DIME serait l’arme parfaite pour le
programme israélien d’assassinats ciblés d’opposants palestiniens au processus
continu de suppression et d’humiliation du peuple palestinien.
Mais le grand nombre de morts par rapport au nombre des
blessés dans la population de Gaza suggère que la supposée arme à « faible
mortalité » — qui augmente la létalité dans une zone restreinte — pourrait
avoir précisément l’effet opposé.
Le tungstène, le matériau qui sortirait en plus grande
quantité de la zone ciblée, est aussi considéré comme hautement cancérigène et
dommageable pour l’environnement. Le magazine New Scientis rapportait
que dans une étude menée par l’équipe de John Kalinich de l’Institut de recherche
en radiobiologie des Forces armées au Maryland, visant à simuler des blessures
provoquées par des éclats, des fragments d’arme contenant un alliage de tungstène
furent implantés dans 92 rats. En 5 cinq mois tous les animaux développèrent un
cancer rare appelé rhabdomyosarcoma.
Les effets cancérigènes des alliances de tungstène (ainsi
que l’uranium appauvri) sont étudiés par l’armée américaine depuis au moins l’an
2000. Il a été trouvé que ces alliages causaient des transformations néoplasiques
des ostéoblastes humains (cellules chargées de la synthèse du tissu osseux).
Le Dr Mark Witten, un chercheur sur le cancer de
l’Université d’Arizona, a dit qu’il était préoccupé par le possible lien entre
le tungstène et la leucémie. « Mon opinion est à l’effet qu’il devrait y
avoir beaucoup plus de recherches sur les effets sur la santé du tungstène
avant que les militaires étendent son usage », a-t-il déclaré.
Carmela Vaccaio, une docteure à l’université de Parma, a
examiné des échantillons envoyés par les reporters italiens de la bande de Gaza
et a décelé un très haut niveau de concentration de carbone, aussi bien que du
cuivre et de l’aluminium et du tungstène, ce qu’elle considérait comme des matériaux
très inhabituels. Dans son rapport, elle conclut que « ces résultats
pourraient concorder avec l’hypothèse que l’arme en question est un DIME ».
Pour ajouter à leur souffrance, les survivants palestiniens
de ce nouvel armement peuvent s’attendre à être victimes du cancer.
Plus tard, dans une déclaration émise après le programme,
l’IDF a nié l’utilisation d’arme de type DIME ajoutant que « pour des
raisons opérationnelles, l’IDF ne peut spécifier le type et l’utilisation des
armes en sa possession ».
(Article original anglais publié le 24 octobre
2006)