Une étude réalisée par le groupe de réflexion
« pro-capitaliste » Centre for Policy Studies (CPS) a révélé comment,
sous le gouvernement du premier ministre Tony Blair, le fardeau de la charge
fiscale repose davantage sur la classe ouvrière et les pauvres.
L’étude du CPS montre qu’en Grande-Bretagne
les ménages les plus pauvres versent aujourd’hui une plus grande part d’impôts
tout en recevant une part plus faible de bénéfices sociaux qu’avant le retour
au pouvoir des travaillistes en 1997. Le rapport constate que si le cinquième
des ménages britanniques les plus pauvres versait la même part du total des
impôts et recevait la même part du total des bénéfices sociaux qu’en 1996/97,
ils disposeraient d’au moins 500 livres sterling (759 euros) de plus.
Pour une section importante de la population, c’est
une galère sans fin pour joindre les deux bouts. Charles Elphicke, est
conseiller fiscal dans un important cabinet d’avocats et auteur de l’étude du CPS
dont le titre est « Robin des bois ou Sheriff de Nottingham ? Les gagnants
et les perdants de la réforme des impôts et du système des allocations sociales
au cours de ces dix dernières années. » Il affirme que « Près de cinq
millions de ménages disposent d’un revenu moyen avant impôt et allocation qui est
d’à peine 4.280 livres sterling (6.420 euros). »
L’imposition supplémentaire prélevée sur le
cinquième le plus pauvre des ménages britanniques s’élève à 56 livres sterling
(84 euros) par ménage depuis l’arrivée au pouvoir de Blair. Le montant total
des allocations perdues par cette section de la société, et qui peut le moins
s’en passer, s’élève à 475 livres sterling (712,50 euros).
Immédiatement après la guerre, le principe au
coeur du programme réformiste du Parti travailliste était un système d’imposition
basé sur la redistribution progressive. Celui-ci a été remplacé par un système dégressif
ciblant les pauvres, pour ce qui est à la fois des impôts directs et indirects,
afin de transférer la richesse vers les ultra-riches. Le fait que le chancelier
Gordon Brown ait été le principal architecte de ce système punitif fait voler
en éclats les efforts entrepris pour le promouvoir comme successeur de Blair au
motif qu’il serait un « social-démocrate » plus traditionnel.
Elphicke montre comment les cinq millions de
ménages britanniques les plus pauvres paient au moins 1.000 livres sterling (1.500
euros) d’impôts sur le revenu et d’impôts locaux de leurs maigres salaires. Le
cinquième des ménages britanniques le plus pauvre avait versé 6,9 pour cent de
l’ensemble des impôts de l’année fiscale 2004/2005, dernière année fiscale pour
laquelle les chiffres sont disponibles. Quand les travaillistes sont venus au
pouvoir en 1997, le fardeau fiscal supporté par le cinquième des familles les
plus pauvres était de 6,8 pour cent. Durant la même période, la part des
allocations sociales versées aux Britanniques les plus pauvres passait de 28,1
pour cent au chiffre actuel de 27, 1 pour cent.
Le deuxième cinquième le plus pauvre de la
société britannique n’a pas connu un sort meilleur. Le revenu moyen de cette
section de ménages ouvriers est tout juste de 11.000 livres sterling (16.500
euros), soit moins de la moitié du soi-disant salaire moyen. Cette section de
la classe ouvrière comprend des travailleurs spécialisés et des employés du secteur
des prestations de service ; elle paie 10,1 pour cent des impôts de la
nation alors que sa part en allocations a chuté de 26,2 pour cent à 25,2 pour
cent, soit une perte de 427 livres sterling (610 euros) par ménage. C’est une
situation stupéfiante où 40 pour cent de la population gagnent moins de 11.000
livres sterling et la moitié gagne moins de 22.000 livres sterling.
Le CPS est une organisation pro-tory mise sur
pied en 1974 par Margaret Thatcher et Sir Keith Joseph afin d’aider le Parti
conservateur dans l’application de sa politique de démantèlement de l’Etat
providence. Le CPS cherche à profiter de l’occasion aux dépens des travaillistes,
mais ne prône en aucune manière le retour à une redistribution des richesses.
Bien au contraire, les couches sociales les
plus privilégiées exigent que leur fardeau fiscal à eux soit encore réduit. Par
exemple, les journalistes copieusement rémunérés des quotidiens Times et
Telegraph propagent la fiction que les couches de la classe moyenne
supérieure paient plus que le taux d’inflation pour des choses telles les
écoles privées, les impôts locaux et les coûts énergétiques. Les ultra-riches sont
également injustement pénalisés, affirment-ils, parce qu’ils dépensent plus en produits
de luxe tels les voitures de sport, les hôtels particulier et autres dépenses
dont les prix augmentent plus vite.
Leur argumentation se base sur l’affirmation
que le gouvernement est passé de l’indice des prix de détail (IPD) à l’indice
des prix à la consommation (IPC) pour mesurer l’inflation et fixer les niveaux des
impôts et des allocations. Ceci ne comprend pas les prix de l’immobilier, les
frais scolaires, les factures de gaz et d’électricité ni les besoins vitaux
tels les domestiques, se plaignent-ils.
Un article du journaliste du Telegraph et
conseiller médiatique du Parti conservateur, George Trefgarne, donne une idée de
la hargne éprouvée à l’égard de la classe ouvrière. Il écrit :
« Donc, si vous êtes jeunes et, disons, portez des survêtements, vivez
d’allocations sociales dans une HLM, consommez des aliments précuits et jouez
aux jeux vidéo, alors en effet il n’y a pas eu d’inflation ces dernières
années. Mais, pour les gens de la classe moyenne, qui, eh oui, boivent du jus
d’oranges fraîchement pressé (OJ) et qui achètent leur maison et paient des
frais de scolarité et bien sûr des impôts, ou pour les personnes plus âgées qui
nécessitent des soins à domicile coûteux, les prix ont flambé. Peut-être que l’IPC
au lieu de signifier « indice des prix à la consommation » devrait
plutôt être « indice des prix “Chav”» [“Chav” sert à décrire des personnes
peu cultivées et portant en général vêtements de marque et bijoux clinquants.]
En réalité, l’IPC inclut le prix de
l’immobilier, de l’électricité et du gaz, les frais de scolarité et le coût des
domestiques et inclura aussi à partir de l’automne les droits d’inscription
pour les études universitaires. Tandis que le gouvernement est passé à l’IPC
pour calculer l’inflation, il utilise en réalité encore l’IPD pour calculer
l’impôt, le montant des allocations et des retraites. L’IPD inclut les produits
de luxe tel le champagne et les frais pour les écoles privées, mais ceux-ci ont
en fait augmenté moins rapidement que les denrées de première nécessité, tels
le fuel et le prix de l’immobilier.
Selon une étude faite par John Hawksworth, qui
est à la tête du département de macroéconomique du PricewaterhouseCoopers,
c’est la section la plus pauvre de la classe ouvrière qui a souffert le plus de
la hausse de 29 pour cent des prix de l’énergie tout au long de l’année
dernière. Cette hausse a touché de manière disproportionnée le tiers le plus
pauvre des ménages britanniques qui dépense pour l’énergie une part plus grande
de ses revenus que les plus nantis.
Hawsworth a évalué le taux d’inflation de dix
groupes de revenu dans lesquels il a classé la population britannique en
fonction de la manière dont elle dépense son argent. Les grosses factures de
gaz et d’électricité sont la raison pour laquelle depuis 2005 l’inflation est
devenue plus forte pour les quatre groupes au revenu le plus faible. Les deux
déciles les plus pauvres de la société britannique paient en fait des taux
d’imposition plus élevés que les 30 pour cent les plus riches ; ceci est
dû en grande partie à la proportion du budget que les familles plus pauvres
consacrent aux factures de gaz et d’électricité et, à un degré moindre, à la
nourriture.
(Article original anglais paru le 25 septembre
2006)