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WSWS : Nouvelles et analyses : Europe

Leçons politiques des événements en Hongrie

Par Peter Schwarz
4 octobre 2006

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Les événements qui ont secoué la Hongrie la semaine passée devraient servir d’avertissement politique à la classe ouvrière de par l’Europe. La politique droitière, en faveur du patronat, du « Parti socialiste » poststalinien a souligné l’absence de toute force politique située à la « gauche » officielle et qui défende d’une façon ou d’une autre les intérêts de la population laborieuse. Il en résulte un vide permettant aux forces de l’extrême droite de dominer les rues de la capitale hongroise des jours durant.

La soi-disant « gauche socialiste » applique un programme de coupes qui est accueilli favorablement par les milieux financiers européens et qui crée la misère sociale et le déclin du niveau de vie de vastes couches de la population, dont les électeurs mêmes du parti. La droite qui compte des éléments ouvertement fascistes à sa tête, a mobilisé la rue et se pose en défenseur du citoyen ordinaire.

Les gangs racistes qui ont crié le plus fort lors de ces manifestations et qui sont tout à fait prêts à recourir à la violence ne se préoccupent aucunement des besoins des gens ordinaires. Ces gangs se basent sur les tendances les plus réactionnaires de l’histoire hongroise, en particulier, la dictature de Horthy qui vint au pouvoir en 1919 après l’écrasement sanglant du soviet hongrois et qui forma une alliance avec Mussolini et Hitler dans les années 1930, et le Parti des croix fléchées, antisémite, qui organisa la terreur contre les Juifs hongrois.

L’extrême droite en Hongrie représente quelques milliers de personnes, dont une minorité qui a participé aux manifestations. Il y avait aussi beaucoup de citoyens en colère et politiquement confus. Toutefois, le vide qui s’est produit en raison du manque de toute organisation représentant les intérêts de la classe ouvrière a permis que de tels éléments fascistes ont pu jouer un rôle prépondérant. Des extrémistes de droite notoires ont pu s’adresser à la foule en toute liberté et être applaudis par les manifestants.

L’extrême droite cherche à canaliser la frustration largement répandue, causée par la crise sociale affectant le pays, dans des illusions nationalistes et l’hystérie raciste. Des organisations tel le Parti de la justice et de la vie hongroise (MIEP), « le plus à droite » (Jobbik) et le parti des « 64 comtés » (mouvement de jeunesse des 64 comtés de la Hongrie historique) lient l’agitation contre l’Union européenne et le capital international à des sentiments viscéralement anticommunistes en y ajoutant la revendication d’une expansion des frontières de la Hongrie à celles de 1918 ainsi qu’un antisémitisme ouvert.

Et ceci se passe dans un pays où plus de 500 000 Juifs ont péri dans les chambres à gaz des nazis. Avant la Seconde Guerre mondiale, un million de Juifs vivaient dans le pays. Aujourd’hui, il n’y en a que 100 000 sur une population de dix millions d’habitants.

Le plus important parti d’opposition de droite, l’Alliance des Jeunes démocrates (Fidesz) joue un double jeu. D’un côté, le parti maintient des contacts politiques et personnels étroits avec l’extrême droite et ne s’est jamais vraiment dissocié de telles forces, et de l’autre, il cherche généralement à se distancer publiquement des fascistes.

Durant la campagne électorale de 2002, le dirigeant du Fidesz, Viktor Orban, a utilisé la rhétorique de l’extrême droite et qualifié les socialistes de « les laquais du grand capital financier ». Il a même cherché à établir une coalition avec le MIEP antisémite, tentative qui n’a échoué que parce que ce dernier n’est pas parvenu à regagner des sièges au parlement.

Entre 1998 et 2002, le même Orban occupa le poste de premier ministre et négocia l’entrée du pays dans l’Union européenne (EU). Il avait également occupé pendant 8 ans les fonctions de vice-président de l’Internationale libérale qui comprend des organisations telles le Parti libéral démocrate allemand (FDP), partisan du libéralisme. Depuis 2002, il occupe un poste important au sein du Parti populaire européen qui est l’organisation de tutelle des démocrates-chrétiens européens.

Les récentes manifestations étaient en partie contrôlées par les fonctionnaires du Fidesz grâce aux téléphones portables. Ils pensaient pouvoir exploiter les manifestations et augmenter les chances du parti pour les élections locales devant avoir lieu le 1er octobre. Ces élections sont considérées comme le premier grand test du Parti socialiste depuis sa victoire aux élections législatives d’avril dernier.

Dans le même temps, le Fidesz s’est comporté discrètement en public dans le cas des manifestations à Budapest, allant jusqu’à annuler une manifestation projetée pour samedi dernier après qu’il apparut clairement que les violences de l’extrême droite avaient écoeuré bon nombre d’électeurs.

La vague des protestions s’est considérablement essoufflée après que le Fidesz ait pris la décision d’annuler la manifestation de samedi. Mardi, un millier de manifestants s’était rassemblé devant le parlement à Budapest et mercredi il n’y en avait plus qu’une centaine.

Tandis que les manifestations de la semaine dernière étaient de taille, elles n’étaient en aucune façon énormes. Certains organes de presse avaient parlé de 40 000 participants qui s’étaient rassemblés samedi dernier, mais de nombreux observateurs jugent ce chiffre très exagéré et avancent celui de 20 000 comme étant plus proche de la réalité.

Un nombre bien plus important de Hongrois étaient restés à la maison, alarmés sans aucun doute par le jeu de l’extrême droite et furieux à la vue de la trajectoire droitière du Parti socialiste. Cette majorité n’a aucune représentation dans la politique officielle hongroise.

Les expériences du siècle passé montrent que la montée de l’extrême droite a bien moins à voir avec la puissance inhérente de telles forces qu’avec la faiblesse et la paralysie du mouvement ouvrier. La victoire des nazis en Allemagne, une force bien plus importante et bien mieux organisée que celle de l’extrême droite hongroise actuelle, ne fut possible qu’en raison de la division et de la paralysie de la classe ouvrière orchestrées par les partis du stalinisme et de la social-démocratie.

Conséquences de la restauration capitaliste

La réémergence de l’extrême droite aujourd’hui et sa capacité à manipuler la colère et le désespoir social qui dominent les masses constituent un réquisitoire dévastateur contre la politique des soi-disant « socialistes ». La politique inconditionnellement pro-capitaliste du parti a désarmé la classe ouvrière et cédé l’initiative aux forces de droite.

Ce processus n’est nullement limité à la Hongrie. Lors des élections régionales qui se sont tenues le mois dernier dans l’ex République démocratique allemande (Allemagne de l’Est), le parti néo fasciste allemand NPD (Parti national démocrate allemand) a été en mesure de gagner des sièges dans un deuxième Land en Allemagne de l’Est. Il dispose à présent de députés dans les parlements régionaux de Saxe et en Mecklembourg-Poméranie occidentale. Et en Pologne, l’extrême droite et la Ligue des familles polonaises (LPR) antisémite siège au gouvernement aux côtés des conservateurs du parti Droit et Justice (PiS) qui est dirigé par les frères Kaczynski. Jusque récemment, un parti paysan d’extrême droite le Samoobrona, faisait également partie du gouvernement.

Une décennie et demie après la chute du Mur de Berlin et la dissolution de l’Union soviétique, les conséquences de la restauration du capitalisme dans ces pays sont d’une évidence brutale. Loin d’apporter la démocratie et des conditions sociales meilleures, l’introduction de l’économie de marché a plongé de vastes couches de la population dans la misère sociale en créant des conditions dans lesquelles les couches politiquement les plus arriérées et les plus prédatrices sont capables d’étendre leur influence.

D’anciens dirigeants politiques staliniens se sont transformés en défenseurs notoires du « libéralisme », tout en se qualifiant à tort de « socialistes ».

Le chef du gouvernement hongrois, Ferenc Gyurcsany, en est un exemple typique. Jadis fonctionnaire influent de l’ancien mouvement de jeunesse stalinien, Gyurcsany a accumulé ses millions grâce aux « privatisations sauvages » des biens de l’Etat organisées au début des années 1990 ; il est à présent à la tête d’un gouvernement soucieux d’appliquer un programme d’austérité applaudi par le capital international.

Gyurcsany n’est en aucune façon le seul jeune fonctionnaire stalinien à avoir pu amasser pouvoir et richesse. Julia Timoschenko a suivi la même voie en Ukraine, Alexander Kwasniewski en Pologne et un bon nombre des actuels oligarques russes.

D’anciens dissidents et « démocrates » qui s’opposent à Gyurcsany se transforment un peu plus chaque jour en d’hystériques politiciens de droite. Cette catégorie comprend les frères Kaczynski qui furent tous deux d’anciens fonctionnaires du mouvement polonais Solidarnosc et conseillers de Lech Walesa, ainsi que Viktor Orban et le dirigeant du MIEP antisémite, Istvan Csurka.

L’Alliance des Jeunes démocrates (Fidesz) d’Orban, fut fondé en 1988 et joua un rôle actif durant la période de l’effondrement du stalinisme hongrois. Le MIEP sous la direction de Csurka, âgé de 72 ans, est issu du Forum démocrate hongrois (FDH), l’une des cinq premières organisations qui s’étaient activement opposées au régime stalinien.

La classe ouvrière ne peut pas se permettre de rester indifférente aux efforts entrepris actuellement par ces forces d’extrême droite pour renverser et remplacer le gouvernement actuel. La politique chauvine et raciste de ces organisations aurait des conséquences dévastatrices si elles venaient à prendre le pouvoir. Toute tentative de faire revivre le projet de restauration de la « Grande Hongrie » finirait par être tout aussi sanglant que la fragmentation de la Yougoslavie en 1990 en différents Etats ethniques. Elle plongerait la Hongrie et ses voisins dans de violents conflits en occasionnant des pogroms ethniques qui sont déjà annoncés par l’agitation de ces organisations contre les Juifs, les Roms, les Sinti et autres minorités.

S’opposer aux efforts entrepris par l’extrême droite pour renverser le gouvernement ne signifie pas toutefois qu’il faille accorder le moindre soutien politique aux socialistes dont la politique est diamétralement opposée aux intérêts de la population laborieuse.

Le vrai scandale des remarques faites par Gyurcsany et qui fournirent l’occasion aux récentes manifestations ne fut pas de reconnaître qu’il avait menti. De tels propos ne devraient étonner personne. Ce qui est beaucoup plus significatif est le fait qu’il a engagé son parti dans une politique qui est rigoureusement contrée par la vaste majorité de ceux qui ont voté pour son parti.

« Qu’est-ce qui se passerait, » dit-il « si au lieu de perdre notre popularité parce que nous avons merdé entre nous, nous la perdions parce que nous avons réalisé de grandes choses sociales [voire, politique capitaliste de marché? Dans ce cas, ce ne serait pas un problème si nous perdons le soutien de la société pour un moment. »

En d’autres termes, pour appliquer son programme pro-patronal, Gyurcsany était tout à fait disposé à ce que son parti perde son soutien et passe le pouvoir à la droite.

A peine deux semaines après avoir prononcé le 26 mai son discours à huis clos devant le groupe parlementaire de son parti, le gouvernement de Gyurcsany vota en faveur d’une série de mesures d’austérité draconienne incluant une augmentation de 30 pour cent du prix de l’électricité et du gaz, une augmentation de 5 pour cent de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) pour les produits alimentaires et les transports publics, une augmentation des cotisations d’assurance maladie et des droits d’inscription pour les études universitaires et des frais de prescription. Toutes ces mesures auront des conséquences désastreuses pour les couches sociales à faible revenu.

La commission de l’UE a clairement loué cette série de mesures destinée à faire passer le déficit budgétaire du pays de 10 à 3 pour cent dans les trois prochaines années. Les médias européens ont également fait l’éloge du courage de Gyurcsany de s’attaquer à son électorat.

Pour arrêter la droite et s’opposer à la politique patronale et anti-classe ouvrière du gouvernement Gyurcsany, la classe ouvrière a besoin de son propre parti politique indépendant. Elle doit tirer les leçons de l’expérience stalinienne. Le crime de ce dernier n’était pas l’abolition du système de propriété capitaliste, mais bien plutôt l’assujettissement de la classe ouvrière dans l’intérêt de la bureaucratie privilégiée dans le cadre d’un programme totalement nationaliste.

Ces leçons sont encore à assimiler pour la grande masse des travailleurs. C’est la raison pour laquelle l’extrême droite a pu draper sa mobilisation du manteau du soulèvement hongrois d’octobre 1956. En fait, le soulèvement de 1956 était une rébellion de gauche organisée par des travailleurs et dirigée contre la bureaucratie stalinienne. Aujourd’hui, l’héritage du stalinisme est exprimé par des individus qui veulent défendre les intérêts du capital financier international tout en se présentant comme de soi-disant « socialistes. »

Les intérêts de la population laborieuse ne peuvent être défendus que sur la base d’un programme socialiste international qui unisse les travailleurs de par les frontières et rejette toute forme de nationalisme et de racisme.

(Article original paru le 29 septembre 2006)


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