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WSWS : Nouvelles et analyses : Canada

Canada : l'effondrement d'un viaduc lève le voile sur l'indifférence criminelle de l'élite dirigeante

Par Guy Charron
4 octobre 2006

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L’effondrement ce week-end d’un viaduc au nord de Montréal, qui a causé cinq morts et quatre blessés graves, est le résultat des années d’indifférence et de négligence des élites dirigeantes face à la détérioration continuelle des infrastructures du pays.

C’est peu après midi, samedi, qu’une dalle du viaduc Concorde, d’une trentaine de mètres de long sur trois voies de large, s’est soudainement effondrée sur l’autoroute Papineau de Laval, en banlieue nord de Montréal, écrasant deux véhicules et leurs cinq occupants.

Même si toutes les circonstances de l’effondrement ne sont pas encore connues, les informations rendues publiques jusqu’ici attestent de la négligence criminelle de la part des autorités. 

Plus d’une heure avant l’incident, des automobilistes ont contacté les services d’urgence pour signaler la présence de blocs de béton sur la chaussée de l’autoroute en contrebas du viaduc, et quelques minutes avant l’effondrement même, un automobiliste avait signalé que le tablier était descendu de plusieurs centimètres aux joints entre le tablier et la chaussée.

Une vingtaine de minutes après le premier appel, un patrouilleur du ministère des Transports du Québec s’est rendu au viaduc. (Les patrouilleurs n’ont pas de formation spéciale pour inspecter les infrastructures routières et sont chargés de retirer les débris sur les autoroutes.) Il a demandé une inspection le plus rapidement possible, mais on lui aurait répondu qu’un inspecteur s’y rendrait lundi, soit deux jours plus tard. Quelques minutes plus tard, le viaduc s’effondrait.

Les autorités gouvernementales ont vite cherché à éluder leur propre responsabilité. Dès dimanche, Jean Charest, le premier ministre libéral du Québec, déclarait que l’effondrement du viaduc Concorde était « inexplicable ».

Un point de vue similaire a été adopté par les médias officiels. L’éditorialiste en chef de La Presse, le plus important quotidien francophone du Canada, a écrit par exemple : « Absolument rien n’indique qu’une décision politique, de ce gouvernement ou des gouvernements précédents, soit à l’origine de ce qui s’est passé samedi. »

Il en est tout autrement de la réaction populaire, marquée par la colère et l’indignation envers les autorités, comme en atteste un écriteau écrit à la main et déposé aux abords du lieu de la tragédie, sur lequel on pouvait lire : « Aux victimes de leurs incompétences ».

L’incompétence indéniable des autorités est liée à un programme social bien défini, dont les porte-parole gouvernementaux, aidés des médias de la grande entreprise, cherchent à effacer toute trace.

Peu après les tragiques événements de samedi, le ministre des Transports, Michel Després, affirmait par exemple que les quelque 5000 structures similaires au viaduc de Concorde étaient régulièrement inspectées en profondeur et que les sommes allouées par son gouvernement à l’infrastructure routière avaient doublé depuis trois ans.

Ce que le ministre passe sous silence, c’est qu’une inspection « en profondeur » du viaduc Concorde effectuée il y a seulement un an n’avait détecté aucune anomalie, ce qui met un gros point d’interrogation sur la nature des inspections tant vantées par Després.

Quant à la hausse du budget pour l’infrastructure routière, elle est nettement en deçà des besoins. Dans son rapport 2003, le vérificateur général du Québec a consacré un chapitre au ministère des Transports, lequel « n’a répondu, pour les trois dernières années, qu’à 66 p. cent des besoins qui avaient été enregistrés concernant l’entretien préventif et l’entretien courant » des ponts. Du reste, souligne le rapport, « ces besoins sont sous-évalués, étant donné qu’ils ne sont pas tous bien inscrits dans le système ».

Dans son dernier rapport annuel, le ministère des Transports (MTQ) admet lui-même qu’à peine un pont sur deux est en bon état. Selon les chiffres du MTQ, seulement 58,7 pour cent des viaducs étaient jugés en bon état en 2001-2002. Il n’y en avait plus que 54,8 pour cent trois ans plus tard. Une centaine de ponts étaient dans un état jugé « alarmant » et 1 pont sur 12 était en « mauvais état ».

L’enquête publique annoncée par le premier ministre Charest a pour but d’éviter les questions fondamentales concernant le sous-financement chronique et l’indifférence des élites à la dégradation des infrastructures. Son mandat sera limité à l’effondrement du viaduc Concorde, sans regarder de près l’état de l’ensemble des infrastructures. Il sera présidé par une figure de l’establishment, l’ancien premier ministre péquiste, Pierre-Marc Johnson.

L’événement tragique de la fin de semaine est le dernier d’une longue séquence de manquements de l’infrastructure de base.

Il y a six ans, les poutres de soutien d’un autre viaduc de Laval en construction se sont effondrées sur l’autoroute qu’elles enjambaient, tuant une personne sur le coup. Suite à cela, des promesses avaient été faites par les autorités que toutes les mesures seraient prises pour assurer la sécurité du réseau routier de la province, mais visiblement elles sont restées lettre morte.  

Plus sérieux encore, en mai 2000, les autorités n’ont pas averti assez vite les habitants de Walkerton en Ontario que leur approvisionnement en eau avait été infecté par la bactérie e-coli provenant des fermes usines non réglementées. Les facteurs clés dans ce ratage avaient été la récente privatisation des tests de l’eau par le gouvernement conservateur ontarien et les centaines de millions de compressions budgétaires qu’il avait faites dans le budget du ministère de l’Environnement.

En 2005, des centaines de résidents vivant dans de terribles conditions dans une réserve amérindienne à Kashechewan en Ontario ont été évacuées d’urgence à cause de la mauvaise qualité de l’eau qu’ils devaient déjà faire bouillir depuis deux ans.

Toute proportion gardée, il existe un parallèle entre l’effondrement du viaduc Concorde et l’inondation de la Nouvelle-Orléans causée par l’ouragan Katrina. Dans les deux cas, les élites sont restées indifférentes pendant des années devant l’inadéquation des infrastructures, qui était connue et documentée par les organismes gouvernementaux eux-mêmes. Ces événements sont l’expression d’un même climat politique : toute la politique sociale doit être orientée vers l’enrichissement d’une minorité possédante au détriment des besoins sociaux de la grande majorité.

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