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La grève des travailleurs de Volkswagen à Bruxelles montre clairement l’urgence d’organiser une lutte des salariés de Volkswagen dans tous les sites de production de la firme.
La décision de la direction du trust de retirer la production de la Golf de l’usine bruxelloise et de la transférer en Allemagne dans les usines de Wolfsburg et de Mosel en Saxe, fait partie du « programme historique d’austérité » qui avait été annoncé par la firme au début de cette année. Celui-ci consiste en des mesures de rationalisation draconiennes comprenant la destruction massive d’emplois, la baisse des salaires et l’aggravation des conditions de travail dans toutes les usines européennes du groupe.
On monte systématiquement un site contre l’autre et on soumet les salariés au chantage. Beaucoup de travailleurs savent cela et considèrent par conséquent une lutte commune de tous les salariés coordonnée au plan international comme nécessaire et comme étant la seule qui ait une chance de réussir. Il est évident que la stratégie internationale de la direction du trust exige une stratégie tout aussi internationale de résistance de la part des ouvriers.
Mais le problème est que syndicats et conseils d’entreprises ont des avis contraires. Ils collaborent étroitement avec la direction du groupe et transmettent vers le bas son chantage vis-à-vis des salariés, ou encore ils l’organisent. Rarement auparavant, le rôle des conseils d’entreprises et des fonctionnaires syndicaux n’a été aussi apparent qu’il l’est actuellement chez Volkswagen.
On avait, comme condition préalable d’un transfert de la production de la Golf à Wolfsburg et à Mosel, négocié pour les usines allemandes une convention tarifaire entraînant une baisse de salaire et une aggravation des conditions de travail sous la forme d’une flexibilisation tous azimuts. La semaine de 4 jours (soit 28,8 heures de travail) introduite en 1992, fut abolie. On augmenta les heures de travail régulières à 33 heures hebdomadaires pour les ouvriers de la production et à 34 heures pour les employés de l’administration à dater de l’entrée en vigueur, début novembre, du nouveau contrat tarifaire. On négocia un couloir de 25 à 33 heures de travail pour les salariés de la production et de 26 à 34 heures pour les autres. Le salaire restera celui des 28,8 heures hebdomadaires payées jusque-là.
L’affirmation de certains membres du conseil d’entreprise de Wolfsburg selon laquelle cette convention tarifaire n’avait rien à voir avec le transfert de la production de la Golf en Allemagne est tout simplement mensongère. Plusieurs fois ceux-ci ont exigé une plus forte utilisation des usines allemandes pour ce qui était de la production de la Golf et en ont fait dépendre leur approbation de la réduction des salaires. Ce qui n’empêche d’ailleurs pas ces messieurs du conseil d’entreprise et les fonctionnaires de l’IG Metall d’envoyer des télégrammes de solidarité éloquents aux collègues de Volkswagen en grève à Bruxelles. Le cynisme de ces gens n’est surpassé que par leur corruption.
Pour se libérer de la camisole de force et de la tutelle des conseils d’entreprises et des fonctionnaires syndicaux et pour prendre en main la défense de principe des emplois dans toutes les usines, il est nécessaire de construire des comités indépendants qui établissent une communication étroite et directe entre les salariés. Les conseils d’entreprises du groupe au niveau européen et international, ne sont pas les partenaires, mais les adversaires d’une telle initiative. Ils se qualifient eux-mêmes de co-managers et font partie d’une conspiration à l’encontre des salariés.
La rédaction du World Socialist Web Site (WSWS) offre à tous les travailleurs un soutien actif afin de mener une lutte de principe pour la défense des emplois dans tous les sites et leur offre en même temps d’établir une communication avec les salariés dans d’autres entreprises également menacées de licenciements et de démolition sociale.
Il ne suffit pas de s’offusquer de la corruption, visible pour tous, de nombreux membres des conseils d’entreprises et de fonctionnaires syndicaux, il est nécessaire de mettre fin à leurs agissements et de briser leur influence.
Pour cela, il faut regarder de près les récents événements qui se sont déroulés à Wolfsburg. Car les faits et les chiffres montrent clairement que le conseil d’entreprise s’est au sens propre du terme, vendu, et qu’il a perdu tout droit de parler au nom du personnel de Volkswagen ou de signer des contrats avec la direction.
Les leçons de Wolfsburg
Ces dernières semaines, trois nouvelles en provenance de Wolfsburg ont fait la une des journaux :
Le 7 novembre, le chef de la direction de Volkswagen, Bernd Pischetsrieder, annonçait sa démission pour la fin de cette année. Il sera remplacé dans ses fonctions par le chef de la firme Audi, Martin Winterkorn.
Le 16 novembre, le ministère public de la ville de Braunschweig mettait l’ancien chef du personnel de Volkswagen, Peter Hartz en examen pour abus de confiance dans 44 cas. Hartz avait déjà, à la fin de l’année dernière, démissionné de ses fonctions lorsqu’on apprit qu’en l’espace d’à peine deux ans, on avait versé 780 000 euros de frais non déclarés à des membres du conseil d’entreprise, entre autres pour financer des visites dans des bordels lors de voyages internationaux.
Le 21 novembre, le même ministère public faisait arrêter l’ancien chef du conseil d’entreprise de Volkswagen, Klaus Volkert, pour « risque d’entrave à l’action de la justice ». Volkert avait, selon des articles de presse, tenté de faire obstacle à l’enquête le concernant et de manipuler des témoins.
Il y a un lien étroit entre ces trois informations. Celui qui s’est imposé dans la direction du trust par le remplacement de Pischetsrieder par Winterkorn, c’est Ferdinand Piech. Ce multimillionnaire autrichien est le petit-fils de Ferdinand Porsche qui créa la première voiture Volkswagen, la Coccinelle, pour Hitler. En tant que propriétaire de l’entreprise Porsche, Piech dispose d’un considérable paquet d’actions Volkswagen.
Lorsque Piech prit la direction du trust en 1993, il était en contact étroit avec le ministre-président de Basse-Saxe de l’époque, le futur chancelier Gerhard Schröder (SPD), et il avait le soutien de l’IG Metall. L’ère Piech est caractérisée par deux choses : d'abord, il voulait élargir la base de Volkswagen, qui jusque-là n’avait produit que des voitures de bas ou de moyenne gamme, par la production de voitures de luxe. Il acheta ainsi des marques de luxe comme Bentley, Bugatti et Lamborghini et construisit la voiture de luxe Phaeton, pour laquelle on érigea une « usine de verre » dans le centre ville de Dresde.
Ensuite, Piech sut, en collaboration avec la direction du personnel dirigée par Peter Hartz et le conseil d’entreprise, faire baisser considérablement le coût salarial. En 1993, il annonça l’élimination de 30 000 emplois après une forte chute des ventes. On introduisit la semaine de quatre jours en réaction à cet état de choses et le temps de travail régulier fut réduit à 28,8 heures hebdomadaires. Tandis que les salariés devaient subir des baisses massives de salaire, le syndicat annonçait fièrement qu’on avait évité des « licenciements économiques ».
Quand l’orientation vers le marché des voitures de luxe s’avéra être un désastre ayant coûté des milliards et que Volkswagen subit de fortes pertes, Piech dut céder du terrain et prit le poste de directeur du conseil de surveillance. Son adjoint était et est toujours le dirigeant de l’IG Metall, Jürgen Peters, qui siège au conseil de surveillance avec le nouveau chef du conseil d’entreprise, Bernd Osterloh, et huit autres membres du conseil d’entreprise.
Tandis que Bernd Pischetsrieder ne considérait plus le « système Volkswagen » avec ses relations de partenariat entre direction, conseil d’entreprise et syndicat que comme une cause de frais supplémentaires, Ferdinand Piech essaie toujours d’imposer sa stratégie et les attaques massives contre les salariés en étroite collaboration avec les « partenaires sociaux ».
Dans ce contexte des informations sont apparues sur l’ampleur de la corruption dans le conseil d’entreprise. Ainsi, Klaus Volkert reçut, pour la seule année 2002, traitement, prime et primes spéciales, 693 000 euros. Ce qui revient à un revenu mensuel de 57 750 euros. S’ajoute à cela, les indemnités de présence et les frais pour voyages d’affaires. Volkswagen versait tous les trois mois 23 000 euros sur le compte de l’amante brésilienne de Volkert.
Ceux qui affirment qu’il s’agit là de la faute regrettable d’un individu ignorent simplement le fait que le ministère public de Braunschweig a mis en examen au moins dix membres du conseil d’entreprise. La remarque de Jürgen Peters, destinée à minimiser l’affaire et disant que l’argent reçu par Volkert représentait bien une grosse somme, mais que ce n’était pas du tout inhabituel et que dans bien d’autres conseils d’entreprises on versait des primes et des super primes, montre clairement qu’il ne s’agit pas d’un cas isolé.
En vérité, cette corruption est une partie intégrale de la « cogestion » et du partenariat social. Dans le passé aussi, les membres des conseils d’entreprises siégeaient dans les conseils d’administration de nombreuses entreprises et jouissaient de forts privilèges. Mais alors que dans les années 1970 et au début des années 1980 ils étaient encore en mesure de négocier des compromis et d’obtenir des améliorations partielles pour les salariés, la globalisation de la production a créé des conditions tout à fait différentes.
Sous la pression de la concurrence internationale et de la menace perpétuelle d’une délocalisation des emplois vers les pays à bas salaires, les conseils d’entreprises et les fonctionnaires syndicaux considèrent comme leur tâche de défendre leurs « sites de production » et leurs entreprises en assurant l’augmentation des profits de leur entreprise. Ils sont devenus une force d’appoint de la direction et ils se font payer leurs services de façon extravagante. On peut observer cette évolution dans les syndicats du monde entier.
Une lutte de principe pour la défense de tous les emplois requiert par conséquent une rupture politique avec les conceptions du partenariat social et de la cogestion. Une tout autre perspective est nécessaire. Elle doit se baser sur le caractère international de la production moderne et les intérêts communs de tous les travailleurs, dans le monde entier. Une telle perspective est liée à une transformation socialiste de la société, dans laquelle les intérêts sociaux de l’ensemble de la population ont la priorité sur les profits des trusts.
La construction de comités de défense contre les licenciements de masse et la démolition sociale doit aller de pair avec une discussion sur une telle perspective socialiste et internationaliste. C’est là, la seule alternative aux arguments lâches et banqueroutiers des syndicats qui respectent entièrement le cadre et la logique du capitalisme.
Nous appelons tous ceux qui soutiennent la lutte des travailleurs de Volkswagen à Bruxelles ou qui désirent participer à la construction de comités de défense dans d’autres entreprises à prendre contact avec la rédaction du World Socialist Web Site (WSWS) et à discuter ces questions importantes.
(Article original paru le 25 novembre 2006)
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