Le rapport sur les droits de l’homme publié
mercredi par la Mission d'assistance des Nations Unies en Irak (MANUI)
décrit un pays qui a été plongé dans la barbarie depuis l’invasion sous la
direction des Etats-Unis en mars 2003. La guerre de l’administration Bush pour
le pétrole et la puissance mondiale, cyniquement nommée « opération
liberté irakienne », a fait un abattoir et un charnier de l’Irak.
L’armée américaine utilise les frappes aériennes, les
tireurs d’élite embusqués, les blocus de villes et de districts entiers et les
détentions de masse pour collectivement punir le peuple irakien pour la
résistance anti-occupation en cours. Les politiques américaines ont fomenté une
guerre civile meurtrière entre l’establishment arabe sunnite qui formait la
base du régime baasiste de Saddam Hussein et les organisations fondamentalistes
chiites et nationalistes kurdes qui ont été mises au pouvoir par l’occupation
américaine. Avec une violence à peine concevable pour ceux qui ne la subissent
pas, l’activité économique s’est effondrée, l’infrastructure essentielle est dysfonctionnelle
et il n’existe pas d’institutions réellement démocratiques et légales.
La situation n’a jamais été aussi grave pour le peuple
irakien. Le ministre irakien de la Santé a rapporté que le nombre officiel des
civils ayant connu une mort violente en octobre — 3709 hommes, femmes et
enfants — était le plus élevé en un mois depuis l’invasion en mars 2003. En
septembre et en octobre, il y a eu 7054 morts violentes. De plus, 7425
personnes ont été blessées.
Le plus grand carnage a eu lieu à Bagdad. Dans une ville d’environ
cinq millions d’habitants, près de 5000 personnes ont officiellement connu une
mort violente au cours des deux derniers mois. La plupart, selon la MANUI, arboraient
des marques de torture et ont été abattus par balles. Le taux de mortalité annuel
officiel pour Bagdad dépasse les 160 pour 100 000. Pour fin de
comparaison, le taux de mortalité annuel de la ville de Détroit aux Etats-Unis,
où l’on trouve un de taux d’homicides les plus élevés au pays, n’atteint pas 20
pour 100 000.
Même ces chiffres sont considérés comme grossièrement
sous-estimés. Des milliers de personnes ont disparu — dans des dépotoirs, des
rivières ou des fosses sans indication — ou ont été enterrées par leur famille
sans notification aux forces de l’occupation ou au gouvernement à la solde des Etats-Unis
qu’ils détestent et méprisent. La MANUI a cité l’étude par le journal
indépendant et qui fait autorité The Lancet, qui a estimé que plus de
600 000 Irakiens avaient connu une mort violente depuis mars 2003. Sans l’endosser
ouvertement, l’organisme de l’ONU n’a laissé aucun doute que c’est un chiffre
crédible. En se fiant au rapport des blessures aux décès, il faut faire l’hypothèse
qu’encore plus de personnes ont été blessées en Irak.
Les milices formées par les factions religieuses et
ethniques rivales « opèrent pratiquement en toute impunité » alors qu’ils
terrorisent la population et combattent pour des parcelles de territoires. Les
banlieues et villes à majorité sunnite ou chiite se voient maintenant
« nettoyées » de la faction rivale. « Un grand nombre
d’escadrons de la mort et de milices rivales, a fait remarquer la MANUI, ont
des liens directs ou sont appuyés par des partis politiques influents faisant
partie du gouvernement [irakien] et ils ne cachent pas leur affiliation. »
Les réfugiés chrétiens et palestiniens ainsi que les
minorités ethniques sont victimes de persécution sectaire à grande échelle. Les
droits des femmes ont été anéantis. La charia a été imposée à la majorité du
pays, autant par les extrémistes chiites que sunnites, forçant les femmes à se
conformer aux normes vestimentaires et codes moraux fondamentalistes, avec le
risque d’être tuées ou horriblement mutilées si elles ne le faisaient pas. La
pauvreté oblige des milliers de personnes, en particulier les veuves et les
étudiantes universitaires, à se prostituer ou à participer à des mariages de
« plaisir » qui prennent fin rapidement.
De nombreuses écoles sont fermées et on garde les jeunes
filles à la maison à cause du carnage sectaire. Selon les statistiques du
ministère irakien de l’Éducation mentionnées par la MANUI, plus de 300 enseignants
et fonctionnaires ont été tués cette année seulement et 1 158 ont été
blessés. Plus de 150 universitaires ont été assassinés depuis l’invasion
américaine et des centaines d’autres ont quitté le pays.
Les journalistes et les travailleurs des médias craignent
constamment d’être tués. Dix-huit sont morts durant les deux derniers mois. En
septembre, le gouvernement fantoche américain a fait fermer le réseau de
télévision Al-Arabiya pour empêcher qu’il ne diffuse son reportage critique de
l’occupation. Al-Jazeera, le plus important réseau arabe, a été banni depuis
septembre 2004.
Tentant de résumer la situation des droits de l’homme en
Irak, la MANUI a écrit : « La population civile de l’Irak
continue d’être la victime d’actes terroristes, d’explosions, de fusillades,
d’opérations militaires [dirigées par les États-Unis], de violences policières,
de kidnappings, de crimes, et de feux croisés entre des gangs rivaux ou la
police et les insurgés. Le contexte de sécurité, marqué par une intolérance et
des préjugés sectaires, érode davantage la liberté de culte ou de religion ou
même d’exprimer des pensées. Une augmentation du chômage, de la pauvreté et de
la discrimination ainsi que la réduction de l’accès aux services essentiels
minent les droits sociaux économiques. »
À cause de la violence, l’agence de l’ONU pour les réfugiés
(UNHCR) évalue que plus de 400 000 Irakiens ont été déplacés au pays
depuis février de cette année. 1,6 million d’Irakiens ont quant à eux fui le
pays depuis 2003, dont jusqu’à 600 000 se seraient dirigés vers la
Jordanie, 600 000 en Syrie, 100 000 en Arabie Saoudite et plus de
400 000 ailleurs. Au total, le nombre de personnes déplacées représente
environ 8 pour cent de la population irakienne avant que la guerre ne débute, soit
26 millions.
Les gouvernements et les médias des Etats-Unis,
de la Grande-Bretagne et de l’Australie, les trois pays impérialistes qui
portent l’entière responsabilité pour l’invasion et tout ce qui a pris place en
Irak depuis mars 2003, n’ont aucune hésitation à décrire les 450 000 morts
estimées dans la région de Darfour au Soudan durant une guerre civile de trois
dans la région du Darfour au Soudan comme un « génocide ». La guerre
illégale d’agression contre l’Irak, qui compte 14 millions d’habitants de moins
que le Soudan, a résulté en beaucoup plus de morts et de déplacés. Dans la
mesure où ce fait est ouvertement discuté, ce n’est que pour utiliser le
cauchemar du peuple irakien pour déclarer cyniquement que les soldats étrangers
ne peuvent quitter le pays sinon la situation serait encore pire dans ce pays.
L’invasion et l’occupation de l’Irak est un
crime de proportions historiques, une atrocité comparable aux événements les
plus horribles du vingtième siècle. Si l’on rapportait aux 300 millions de
personnes vivant aux Etats-Unis la dévastation subie par la population
irakienne, cela signifierait 7,5 millions de morts et 8 à 10 millions de
blessés. Environ 30 millions seraient chassés de leurs foyers et 80 millions de
travailleurs perdraient leur emploi. Si le carnage à Bagdad se produisait à Los
Angeles, près de 1000 personnes seraient brutalement assassinées chaque
semaine.
Au tournant du vingtième siècle, la
marxiste allemande Rosa Luxembourg a déclaré que la lutte pour les marchés, les
ressources et les sphères d’influence entre les Etats-nations rivaux n’offrait
à l’humanité que l’alternative entre le socialisme ou la barbarie. L’Irak est
un exemple de cette dernière. Il est un exemple de ce que l’impérialisme
américain est prêt à faire en Iran, en Syrie, en Corée du Nord, à Cuba, au
Venezuela et dans tout autre pays où les gouvernements sont déclarés comme ne
se pliant pas suffisament aux intérêts stratégiques des grandes sociétés
américaines.
Les Nations unies ne sont pas un mécanisme
qui peut, ou qui veut, bloquer le militarisme américain. Pour ouvrir la voie à leurs
propres politiques militaristes, les autres puissances au Conseil de sécurité
ont sanctionné les fausses déclarations selon lesquelles l’Irak possédait des « armes
de destruction massive » et, en avril 2003, ont endossé l’invasion après
le fait en retirer sa souveraineté à l’Irak et en le remettant à l’administration
Bush.
Le rapport de la MANUI souligne l’impotence
de l’ONU. Malgré qu’il révèle l’ampleur du carnage qu’a causé l’invasion
américaine, il n’appelle pas pour le retrait des forces de l’occupation et
promet de travailler avec un gouvernement irakien qui n’est rien de plus qu’une
marionnette des Etats-Unis.
L’administration Bush, le gouvernement Blair
et le gouvernement australien d’Howard peuvent être amenés devant les cours
pour y être jugés pour crimes contre l’humanité. Il est de la responsabilité
politique de la classe ouvrière internationale — particulièrement aux Etats-Unis,
en Grande-Bretagne et en Australie — de demander qu’ils soient amenés devant
les cours et de lutter pour le retrait immédiat et sans conditions de toutes
les troupes étrangères de l’Irak. En agissant ainsi, les travailleurs
renforceront la lutte nécessaire qui doit se développer au sein de la classe
ouvrière irakienne pour un mouvement socialiste unifié contre l’occupation et
les forces sectaires qui ont été encouragées.
(Article original anglais paru le 25
novembre 2006)