WSWS : Nouvelles et analyses : Australie
Les bonzes politiques s’attendent à ce que les verts australiens améliorent leurs résultats de façon importante lors de l’élection de l’Etat de Victoria en Australie le 25 novembre, alors que les sondages suggèrent qu’ils obtiendront plus de 10 pour cent des voix. Ce parti pourrait détenir la balance du pouvoir à la Chambre haute, ce qui lui donnerait en fait un droit de veto sur les lois litigieuses du gouvernement.
Il ne fait aucun doute que plusieurs, spécialement parmi les jeunes, vont voter pour les verts pour protester comme l’establishment politique. Il y a une immense hostilité envers le programme de droite du gouvernement travailliste victorien de Steve Bracks et celui de l’opposition du Parti libéral. Mais à qu’attendent des verts les personnes qui voteront pour ce parti?
Contrairement à leur image cultivé avec soin d’être un parti anti-establishment et anti-guerre, les verts ne représentent pas une alternative aux principaux partis. Plutôt, ils jourent un rôle crucial pour maintenir l’ordre social et économique existant, agissant comme valve de sécurité politique pour l’élite dirigeante en canalisant la désaffection et la colère des travailleurs et des jeunes ordinaires vers les voies sûres de la politique de protestation et le réformisme parlementaire.
Avant tout, les verts cherchent à bloquer le développement d’un mouvement politique indépendant de la classe ouvrière qui aurait pour but de s’attaquer à la racine de tous les problèmes fondamentaux que confronte l’humanité aujourd’hui : le système de profit avec sa propriété privée des moyens de production et la division destructive du monde en Etats-nations rivales.
La campagne électorale victorienne montre l’orientation et la fonction des verts. Tout en appelant à l’hostilité populaire répandue envers les principaux partis, ils ont insisté sur leur volonté de se comporter comme un troisième parti « responsable » qui coopéra étroitement avec le prochain gouvernement de l’Etat. Leur priorité a été de rassurer les cercles du monde des affaires que s’ils détenaient la balance du pouvoir après le 25 novembre, ils ne s’opposeraient pas au programme de droite du prochain gouvernement.
Bob Brown, un des sénateurs des verts au niveau fédéral, a donné le ton lors d’un discours donné lors du lancement de la campagne du parti à Melbourne le 29 octobre. Il a insisté que le rôle de son parti consistait à faire pression sur le prochain gouvernement. Les verts vont nécessairement, a-t-il déclaré, faire que « le gouvernement élu, peu importe lequel, forme un gouvernement imputable, de le forcer à agir… En obtenant la balance du pouvoir, [les verts] amélioreront la gouvernance de cet Etat, grâce à une main responsable sur l’épaule du gouvernement. »
Brown a fait référence à la députation verte en Tasmanie de 1989 à 1992, alors que le parti avait une « entente » avec le gouvernement minoritaire travailliste. « Nous avons une excellente historique, j’en suis terriblement fier, a déclaré Brown. Lorsque nous avions la balance du pouvoir en Tasmanie, avec les travaillistes, nous avons réparé l’économie il y a 10 ans ce qui a fait son succès aujourd’hui. Ce fut difficile, mais les verts peuvent aujourd’hui faire étalage de ses états de service. »
Lorsque Brown se vante que les verts « ont réparé l’économie », il parle d’une série de budgets d’austérité contre la classe ouvrière. La Tasmanie était sur le bord de la faillite en 1989, avec une déficit d’environ 4 milliards $ en termes actuels. Les travaillistes et les verts ont sabré dans les dépenses publiques en éliminant des milliers d’emplois dans les services publics et en coupant dans les budgets de la santé et de l’éducation. Comme Brown l’a noté auparavant, ces mesures ont été imposées malgré une forte opposition au sein du Parti vert lui-même. Néanmoins, son parti a fini par appuyé un gouvernement libéral minoritaire qui a mis en œuvre d’autres politiques de droite entre 1996 et 1998.
En faisant référence à ces expériences, Brown envoyant un message clair à l’élite financière victorienne : vous pouvez compter sur nous pour faire ce qui est nécessaire.
Les principaux candidats des verts aux élections victoriennes ont renforcé ce message. Greg Barber, l’ancien maire de Yarra et qui se présente à la Chambre haute, a nié que les verts se préparaient à opposer un veto aux projets qu’ils n’aimaient pas s’ils détenaient la balance du pouvoir. « Nous ne nous présentons pas pour former le gouvernement, mais pour avoir des sièges au Parlement, a-t-il déclaré. Le travail au Parlement consiste à avoir une main ferme sur l’épaule du gouvernement. Il faut que quelqu’un mette les freins aux dépenses de Bracks. »
Barber a ouvertement déclaré que les vers soutiendraient les lois du gouvernement de Bracks, y compris les futurs partenariats publics-privés, à la seule condition que des réformes de la procédure parlementaire et de la loi sur la liberté de l’information. Le parti négocie ces points avec Bracks et le Parti libéral.
Les médias ont répondu positivement aux assurances des Verts et, contrairement aux élections fédérales de 2004, n’ont pas soutenu les tentatives des fondamentalistes chrétiens du parti Famille d’abord de décrire les verts comme opposés aux affaires et « extrémistes ». Le tabloïde de Murdoch, Herald Sun, a publié un article élogieux le 4 novembre. Il était intitulé « Les vers se plient à la réalité », qui citait Barber pour avoir admis qu’il ne s’attendait pas à ce que beaucoup de politiques sociales des verts, telles la légalisation du mariage homosexuel et la mise en place de cliniques d’injection d’héroïne, soient implantées après les élections.
Le 10 novembre, le journal de Melbourne Age, a publié un article intitulé « L’agenda vert ». Ce texte notait avec approbation que les buts du parti « pourraient décourager les opposants autant que les apparatchiks » et soulignait que lorsque les Verts avaient été élus en Tasmanie, cet Etat avait connu des « périodes de gouvernance responsable et imputable » dans lesquelles « le pouvoir des verts n’a pas mis l’économie du pays en danger ». Le journal Age cite le Doc. Nick Economou de l’université de Monash qui a noté que l’effondrement des démocrates avait laissé un vide politique et que la seule « organisation viable qui peut jouer le rôle de troisième parti, ce sont les verts. »
Bracks a travaillé pour amener les verts dans la législature. Il y a trois années, il a réformé la méthode d’élection des membres de la Chambre haute, introduisant la représentation proportionnelle, ce qui favorise les tiers partis. Les travaillistes ont introduis la réforme électorale malgré qu’ils savaient que ces changements signifieraient en toute probabilité qu’il perdrait le contrôle de la Chambre haute et que cela rendrait difficile d’y obtenir à nouveau une majorité de sièges.
Questions cruciales non discutées
Aucune des questions centrales auxquelles sont confrontés les travailleurs et les jeunes n’est considérées par les verts. Plus significativement, la guerre en Irak n’a pas été mentionné sur leur site web ou dans leurs publicités.
L’opposition à la guerre en Irak n’a jamais été aussi importante que maintenant, alors qu’un récent sondage a établi que près de 80 pour cent des Australiens s’opposent maintenant à l’invasion américaine de l’Irak. Le refus extraordinaire des verts de même mentionner la guerre démontre que leur opposition a toujours eu une nature tactique plutôt qu’être une question de principes.
Bob Brown et d’autres importants verts soutiennent que les troupes australiennes devraient être déployées dans le Pacifique Sud plutôt qu’en Irak. En 2003, ils ont pris la tête des manifestations anti-guerre afin de détourner le mouvement de masse et semer des illusions dans les politiques de protestation. Plutôt que de dénoncer l’establishment politique et les médias pour leur complicité dans une guerre criminelle visant à s’emparer des ressources de l’Irak et subjuguer son peuple, les verts ont fait appel à une intervention de l’ONU et ont défendu une politique de pression sur le Parti travailliste.
Les verts sont maintenant silencieux sur le sujet de la guerre car soulever la question entrerait en conflit avec leurs efforts pour se présenter comme un troisième parti « responsable ». Toute véritable discussion publique sur l’Irak soulèverait aussi d’autres questions gênantes, telles que le rôle qu’ils ont joué en entretenant des illusions que le Parti travailliste, l’ONU ou la France et l’Allemagne allaient arrêter l’invasion. Cela soulèverait aussi la question de leur appui et de leur complicité dans la propre agression néo-coloniale de Canberra au Timor oriental et aux Îles Salomon.
La campagne électorale des verts est aussi complètement silencieuse sur la « guerre au terrorisme » et le programme d’attaques sur les droits démocratiques, de dénigrement des musulmans, et de promotion du militarisme et des « valeurs australiennes » qui lui est associé. Mis à part leurs diverses critiques de l’approche du gouvernement Howard, les verts n’ont pas de désaccords fondamentaux avec la « guerre au terrorisme ».
Ceci a été le plus clairement démontré lorsque les sénateurs verts fédéraux ont voté pour la loi antiterroriste « d’urgence » en novembre 2005. En pleine campagne sensationnaliste de menace imminente d’attaque terroriste, Howard a convoqué le Parlement pour forcer l’adoption du premier volet de la draconienne Loi antiterroriste. Bien qu’ayant protesté contre les manipulations du Parlement par Howard, les sénateurs verts Bob Brown et Kerry Nettle ont tout de même voté pour la loi. À peine quelques jours plus tard, la police utilisait les nouvelles lois pour déclencher une série de violentes descentes à Sydney et Melbourne. Un grand nombre de ceux qui ont été arrêtés, dont 13 jeunes hommes de Melbourne, sont encore en prison et, un an plus tard, n’ont toujours pas subi de procès.
Il n’y avait rien d’accidentel à propos de la conduite des verts au Sénat. Leur vote reflétait la vraie nature de la physionomie politique du parti.
Cela a déjà été démontré internationalement, et de façon la plus évidente en Allemagne. Dans ce pays, le mouvement vert a été fondé par les couches moyennes de la « génération de 1968 » qui promettait un changement radical et une rupture d’avec la vieille politique. Toutefois, entre 1998 et 2005, le parti a formé le gouvernement avec les sociaux-démocrates et a aidé à faire passer une série de coupures dans les services sociaux, de licenciements dans le secteur public, et de réformes pro-patronales. En 1999, les verts, et leur chef Joschka Fischer, qui est devenu le ministre allemand des Affaires étrangères, ont joué un rôle indispensable dans l’envoi de troupes allemandes à l’étranger pour la première fois depuis la Deuxième Guerre mondiale afin de participer à la guerre menée par les États-Unis contre la Yougoslavie.
Dans la campagne électorale de
Victoria, le mot d’ordre des verts est « Pensez à long terme ». Au
lancement de leur campagne, Bob Brown a déclaré que l’habilité des verts à
prendre en considération les vies des générations futures est ce qui les
distinguait des autres partis. « Pensez à long terme pour un système de
santé public basé sur les besoins et non sur l’argent », affirme la
publicité du parti à la télévision. « Pensez à long terme afin que chaque
étudiant reçoive l’attention qu’il mérite. Pensez à long terme pour un système
de transport public que tous pourraient utiliser. Pensez à long terme afin de conserver
nos précieuses ressources dans un contexte de changement climatique. »
Cependant les problèmes identifiés
par les verts ne sont simplement le résultat de myopie des principaux
partis. Ils sont le produit du système
capitaliste moribond que ces partis défendent.
L’anarchie du marché, la production pour le profit et la division
dépassée du monde en Etats-nation rend impossible toute planification
rationnelle à long terme.
Prenez la question de
l’environnement. Il y a maintenant une quantité de preuves scientifiques
considérable sur les conséquences potentiellement dévastatrices du
réchauffement de la planète causé par la consommation de combustible fossile.
Pourquoi alors les gouvernements à travers le monde ont-ils été totalement
incapables de mettre de l’avant une solution ? La raison est que le système de
profit est structuré de telle manière que la réponse à chaque question est
déterminée, non par les besoins à long terme de la population du globe, mais
par les intérêts immédiats du capital.
Les grands livres d'entreprise ne peuvent pas comptabiliser les coûts
sociaux de la fonte des calottes glacières des pôles, et donc, la consommation incontrôlée
de produits émettant du gaz carbonique continue. Une rivalité féroce entre les
principales puissances mine toute coopération réelle internationale sur la
question du réchauffement de la planète.
La seule solution réaliste à la
crise environnementale est l’établissement d’une économie socialiste internationale
planifiée. Un tel système pourrait coordonner la production et la distribution sur
la base des besoins sociaux de l’humanité, au lieu de l’accumulation du profit
et de la richesse personnelle. Une
évaluation scientifique rigoureuse sur la stabilité et la santé de
l’environnement serrait un aspect intégral d’un tel plan économique. De nouvelles technologies seraient développées
et utilisées pour leur utilité objective, non parce qu’elles maximisent le taux
de profit.
Tout ceci ne peut être établis qu’à
travers la lutte pour la construction d’un mouvement international de la classe
ouvrière, indépendant et implacablement hostile à l’égard des partis politiques
de l’establishment.
Les verts sont fondamentalement
opposés à cette perspective. Leur plan pour protéger l’environnement et stopper
le réchauffement global se résume à faire pression sur les gouvernements
nationaux afin qu’ils adoptent des mesures formelles diverses, comme financer
l’énergie solaire, et signer des ententes fondamentalement inadéquates comme le
protocole de Kyoto. Les verts défendent l’action individuelle ou « communautaire »,
qui ne peut jamais résoudre les problèmes majeurs parce qu’elle ne s’attaque
jamais à leurs causes véritables.
En dernière analyse, les verts blâment,
non pas la voracité du système de profit pour la crise environnementale, mais
la « société de consommation », la croissance des populations aussi
bien que l’industrie moderne et la technologie. Ils proposent de remonter le
temps et de remplacer la production globalisée par un système production
confiné au niveau national et même local.
Ce programme, qui est aussi futile que réactionnaire, va entraîner un
déclin massif des conditions de vie de milliards de gens et un recul dans des
domaines de développement scientifique et technologique critiques.
Le Parti de l’égalité socialiste
(PES) est le seul parti menant une campagne aux élections dans l’Etat de Victoria
contre le programme bipartisan de guerre et de militarisme, d’utilisation des
musulmans comme boucs émissaires, d’attaques contre les droits démocratiques,
de destruction de l’environnement, d’attaques contre la santé et l’éducation
public et d’augmentation des inégalités sociales et de la pauvreté.
Le PES et son candidat pour Broadmeadows, Will
Marshall, utilisent cette campagne pour établir les fondations pour le
développement d’un parti politique indépendant de masse de la classe
ouvrière. Nous en appelons à tous les
travailleurs et les jeunes à étudier la déclaration électorale et à activement
supporter la campagne et lutter pour la construction du PES.
(Article original anglais paru le 18 novembre 2006)
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