La déclaration du chef du Parti québécois qu’il faut
« soulager le capital » a une fois de plus dévoilé la véritable
nature du PQ en tant que parti de la grande entreprise.
Le 1er octobre dernier, lors d’une émission radiophonique
du télédiffuseur public Radio-Canada, André Boisclair a déploré « qu’il
n’y a pas assez de riches au Québec pour assumer nos vrais problèmes ». Sa
prescription ? Faire du Québec « l’endroit au monde où le capital est
le mieux accueilli possible, créant de l’emploi et donnant de la richesse aux
gens ».
Ce que Boisclair préconise, c’est un régime de baisses
d’impôts pour les entreprises et de coupures drastiques dans les programmes sociaux,
c’est-à-dire une redistribution encore plus prononcée de la richesse sociale en
faveur de la petite minorité de « gens » déjà extrêmement riches.
Il s’agit, à l’approche de possibles élections
provinciales, d’un message sans équivoque en direction de l’élite dirigeante
québécoise qu’elle peut faire faire confiance au PQ pour mener de front
l’assaut sur les travailleurs que les libéraux de Jean Charest ont promis, mais
tardent à implanter à cause de la résistance populaire.
Ce programme de guerre de classe, insiste Boisclair, doit
prévaloir sur toute autre considération – y compris les aspirations des éléments
ultra-nationalistes au sein de son parti qui veulent mettre à l’ordre du jour le
partage des pouvoirs entre Québec et Ottawa.
Prenant ses distances vis-à-vis de la plateforme politique
du PQ en ce qui concerne l’engagement d’un éventuel gouvernement péquiste à
utiliser les leviers du pouvoir pour faire la promotion de la souveraineté du
Québec, Boisclair a déclaré : « Au-delà de l'analyse fine du texte,
il y a des réalités politiques. Et moi, je suis un fiduciaire, comme chef de
parti, de l'atteinte de ses objectifs ».
Ces propos, qui font de la poursuite d’une politique néo-libérale
agressive l’élément essentiel du programme gouvernemental du PQ, ont obtenu
l’appui de Gilles Duceppe, chef du Bloc québécois, le parti frère du PQ au
niveau fédéral. Le BQ constitue le principal appui parlementaire du
gouvernement conservateur minoritaire de Stephen Harper et soutient
l’intervention néo-coloniale des forces canadiennes en Afghanistan.
Dans un autre geste, posé cette fois à l’occasion du
conseil national du PQ le 29 octobre dernier, Boisclair a balayé du revers de
la main une proposition de nationaliser l’énergie éolienne qui avait pourtant
recueilli une majorité d’appuis parmi les délégués. Défendant la position de
son chef, le député François Legault a résumé ainsi les enjeux : « Si
on veut un Québec prospère, le PQ doit se réconcilier avec l'entreprise. Il
faut dire non à cette position dogmatique, la nationalisation ».
Autrement dit, Boisclair s’oppose énergiquement à toute
mesure qui pourrait limiter de quelque façon la capacité du capital à tout
transformer en source de profit – y compris l’air ambiant qui fournit l’énergie
éolienne.
Cette position a été chaudement accueillie par André
Pratte, éditorialiste à La Presse, le plus influent quotidien du Québec.
Dans un texte intitulé « Un chef est né », Pratte écrit :
« M. Boisclair a fait montre d'un cran peu ordinaire, prouvant à la
population qu'il ne se ferait pas imposer par quelques dizaines de militants
des politiques néfastes pour le Québec et suicidaires pour le PQ ».
Pour M. Pratte, toute politique contraire aux intérêts
économiques dominants est « néfaste » et « suicidaire ».
C’est un message que Boisclair a compris il y a longtemps.
Lorsque le gouvernement libéral du Québec, suite au jugement
de la Cour suprême du Canada sur l’affaire Chaoulli, a pris des mesures ouvrant
grand la porte au privé dans les soins de santé, Boisclair a cherché à cacher
les véritables implications de cet assaut sur le réseau public de la santé, se
déclarant soulagé que les libéraux aient « limité » la portée du jugement
Chaoulli.
En décembre 2005, après que le gouvernement libéral ait décrété
la loi 142 qui sape les salaires et conditions de travail de 500 000
travailleurs du secteur public jusqu’en 2010, Boisclair a fait savoir qu'il ne
souhaitait pas « fédérer tous les insatisfaits du gouvernement
Charest », autrement dit, qu’il appuyait une des mesures les plus
réactionnaires imposées par le gouvernement libéral du Québec.
Boisclair a également endossé la politique du déficit zéro
instaurée par son parti en 1996 et qui a donné lieu à un assaut frontal sur les
services publics.
La présence à la tête du PQ d’un homme politique de droite
comme André Boisclair s’inscrit dans la logique même de ce parti.
En 1982-83, le gouvernement péquiste de René Lévesque avait
rouvert les conventions collectives des employés du secteur public québécois
pour leur imposer des coupures salariales allant jusqu’à 20 pour cent dans le
cas des enseignants.
Durant la majeure partie des années 90, des gouvernements
du PQ ont, avec la collaboration des syndicats, sabré dans les services publics
en imposant des compressions annuelles de 2 milliards $ dans les soins de santé
et de 1,9 milliard $ dans l'éducation. Dans le cadre d'un programme de retraites
anticipées, le PQ a éliminé plus de 30 000 emplois dans les secteurs de la
santé, de l'éducation et de la fonction publique. En 2000, dans une mesure
profitant aux plus riches, le PQ a diminué les impôts pour un total de 4,5
milliards $ en trois ans.
Le virage à droite du PQ, amorcé
depuis une bonne vingtaine d’années et qui prend aujourd’hui un caractère si accentué
à cause de la profonde crise du système de profit, se fait avec le soutien
inconditionnel de la bureaucratie syndicale.
C’est le sens de l’intervention de
Marc Laviolette en réaction aux propos de Boisclair sur la nécessité de
« soulager » le capital. « Nous
voulons nous débarrasser de Charest à cause précisément de ses politiques
pro-patronales », a soutenu l’ancien chef syndical et
actuel président du club politique formé par la bureaucratie syndicale au sein
du PQ sous le nom de SPQ Libre. « Nous le ferons, je l'espère, avec
Monsieur Boisclair et non malgré lui. »
Les syndicats ont collaboré à l’assaut anti-ouvrier lancé
par le PQ dans les années 90. Ils ont saboté l’opposition de masse aux plans de
démolition sociale du gouvernement Charest qui avait donné lieu à de grosses
manifestations anti-gouvernementales en décembre 2003 puis à une longue grève
étudiante au printemps 2005. Les syndicats se préparent aujourd’hui à détourner
de nouveau la colère populaire accumulée contre les libéraux de Charest
derrière l’autre parti de la grande entreprise que constitue le Parti québécois
de Boisclair. Ils implorent seulement ce dernier, par l’intermédiaire de SPQ
Libre, à ne pas leur compliquer la tâche en s’affichant ouvertement comme un
défenseur du capital.