La presse allemande fut dominée ces deux
dernières semaines par l’ancien chancelier Gerhard Schröder (Parti
social-démocrate, SPD). Il a figuré dans l’hebdomadaire Der Spiegel, il
est apparu dans une multitude de shows télévisés et il a donné de nombreuses
conférences de presse.
Cette campagne publicitaire avait débuté le 26
octobre lorsque Schröder a présenté à la « maison Willy Brandt » (le
siège du SPD à Berlin), son nouveau livre, Décisions, ma vie en politique.
Il a entamé depuis une série de réunions et de rencontres dans une vingtaine de
villes pour lire des extraits de son livre.
C’est le premier ministre luxembourgeois,
Jean-Claude Junker qui fit l’éloge de Schröder lors de la présentation de son
livre à la « maison Willy-Brandt ». Le chrétien-démocrate
conservateur fut très élogieux à l’égard de son « ami
social-démocrate », en déclarant, « Gerd, tu as été un grand
chancelier ! »
Junker était avant tout impressionné par la
manière avec laquelle quelqu’un « qui est issu du bas de la société »
s’est frayé un chemin vers le pouvoir. Certes, il aura fallu du temps à
Schröder pour arriver au point où il a pu occuper le poste de chancelier
allemand, mais à partir de là il a pris « des décisions courageuses »
dont la signification à long terme est indéniable, a dit Junker.
La plupart des commentaires sur le contenu du
livre furent très superficiels. Le Süddeutsche Zeitung écrivit au sujet
du volume qui compte 544 pages : « Un livre lourd, assurément, mais
a-t-il également son poids en contenu ? » Le journal poursuivit en
décrivant le livre comme étant « très léger »
avec « beaucoup de marge permettant des annotations, du gros papier
et de gros caractères ». Le journal remarquait que « des mauvaises
langues disent que le livre est comme son auteur, un peu gonflé et
suffisant ».
En fait, le livre est bien plus qu’une « mise
en scène astucieuse pour gagner de l’argent », comme l’ont affirmé
d’autres commentateurs. Le livre de Schröder comme l’intense campagne
médiatique de l’ancien chancelier pour le promouvoir font partie d’une
offensive droitière délibérée.
Le livre contient peu de choses nouvelles ou
surprenantes, mais Schröder montre clairement deux choses : d’abord, il
défend inconditionnellement la politique de son gouvernement SPD-Verts, et ce
bien que les conséquences sociales et politiques désastreuses qui ont résulté
de ses deux mandats (1998-2005) soient visibles pour tous. Depuis la
catastrophe sociale des années 1930, aucun gouvernement n’avait pratiqué une
redistribution aussi agressive de la richesse des pauvres aux riches et n’avait
aussi outrageusement violé les normes démocratiques que le gouvernement de
Schröder et de son ministre des Affaires étrangères du Parti des Verts, Joschka
Fischer. Ensuite, Schröder partage l’avis catégorique que l’offensive qu’il a
initiée doit se poursuivre indépendamment de l’opposition populaire.
Dans une interview qui a précédé la
publication du livre, Schröder a accusé l’actuelle chancelière, Angela Merkel,
(Union chrétienne-démocrate, CDU) de faire preuve de faiblesse dans sa
direction. Il a accusé celle qui lui a succédé de manquer de volonté et de
détermination pour poursuivre les mesures qu’il avait lancées. Au moyen de sa
biographie, Schröder a cherché à s’immiscer de force dans le débat politique
actuel.
Au cours de ces dernières semaines, le
gouvernement de grande coalition dirigé par Merkel et que forment les partis
conservateurs traditionnels, le CDU et le CSU (Union chrétienne sociale), et le
SPD, a fait l’objet de vives critiques. Les milieux d’affaires et les médias
ont exigé « un rythme plus accéléré des réformes », à savoir, une
intensification du programme de démantèlement de l’Etat social. La chancelière
Merkel a été accusée de ne pas vraiment avoir le contrôle ni de son parti ni du
gouvernement qu’elle dirige.
Lorsque le premier ministre CDU du Land de
Rhénanie-du-Nord Westphalie, Jürgen Rütgers, a dernièrement suggéré d’édulcorer
faiblement la réforme de l’assurance-chômage Hartz IV, le patronat et les
médias ont déclenché une avalanche de critiques. Rüttgers avait suggéré que les
travailleurs qui avaient cotisé à l’assurance-chômage durant des décennies ne
perdent pas les allocations chômage après seulement douze mois comme le stipule
la loi votée par le SPD et les Verts.
Le journal Frankfurter Allgemeine Zeitung
commenta ainsi la proposition de Rüttgers : « il est temps de
s’inquiéter de la compétence du CDU en matière de politique économique »,
en mettant en garde contre un retour à la politique économique et sociale de
l’ancien chancelier CDU, Helmut Kohl. L’actuel ministre fédéral du Travail et
des Affaires sociales, Franz Müntefering (SPD) fut applaudi par les milieux
d’affaires lorsqu’il rejeta catégoriquement l’initiative de Rüttgers et déclara
qu’il ne permettrait pas aux partis conservateurs allemands d’édulcorer les réformes
du marché de l’emploi pour l’adoption desquelles l’ancien gouvernement
SPD-Verts s’était donné tant de mal et qu’il avait mises en œuvre.
Schröder intervient à présent directement dans
ce conflit. Il accentue la pression sur la grande coalition pour qu’elle soit
téméraire et qu’elle intensifie les attaques contre les bénéfices sociaux, si
besoin est, en recourant à des moyens ouvertement antidémocratiques.
La
signification des élections anticipées de 2005
Schröder accorde dans son livre une place essentielle
à sa décision de mai 2005 d’organiser des élections anticipées. Un chapitre
entier lui est imparti sous le titre « Les élections ». Il entame
également un long chapitre intitulé « Du courage pour le
changement », qui traite en détail du programme gouvernemental draconien
de coupes sociales (les réformes de l’agenda 2010 et des quatre réformes Hartz)
avec sa décision de lancer des élections anticipées.
Schröder décrit les discussions qu’il a eues
avec son allié le plus proche au SPD, le président du parti, Franz Müntefering,
après les défaites enregistrées par le SPD lors du scrutin municipal au
Schleswig-Holstein (mars 2005) et en Rhénanie-du-Nord Westphalie (mai
2005) : « Franz Müntefering et moi sommes convenus que nous
déciderions de la suite à donner sur la base des résultats électoraux. Nous
nous sommes rencontrés le 22 mai 2005 à midi dans mon bureau à la chancellerie
et nous nous attendions au pire. Nous avons pourtant été choqués par les
chiffres que nous avons finalement reçus. Le résultat fut catastrophique pour
le SPD ce qui permit au CDU d’obtenir une victoire plutôt convaincante dans
l’ancien bastion du SPD en Rhénanie-du-Nord Westphalie… Franz avait préparé
deux alternatives. L’une des réponses possibles au scrutin en Rhénanie-du-Nord
Westphalie était une réorganisation ministérielle ; l’autre, une nouvelle
élection. »
Schröder ne cache pas le fait que la défaite
du parti en Rhénanie-du-Nord Westphalie, le Land allemand le plus fortement
peuplé et un ancien centre industriel, était due à la vaste opposition
populaire contre sa politique sociale. Il écrit : « Nous avons perdu
onze élections de suite… même moi j’étais surpris par l’étendue et l’intensité
de la vague de protestations contre l’agenda 2010. » Il reconnaissait que
« les tentatives de réformes en 2003 et en 2004 avaient provoqué des
tumultes dans le pays entier ».
Regardant en arrière, Schröder montre
clairement que sa conception de la démocratie n’a absolument rien à voir avec
la volonté du peuple. Lorsque l’opposition et l’indignation contre le SPD s’intensifièrent
au point où des œufs « et même des pierres » étaient jetés sur
Schröder lors des manifestations, il décida de lancer une contre-offensive.
« A partir de là, j’étais déterminé de poursuivre ma voie avec d’autant
plus de véhémence en montrant clairement au public que de telles attaques ne
m’avaient pas impressionné. Je voulais aussi montrer ceci tout particulièrement
en Allemagne de l’Est. »
Le chômage était en Allemagne de l’Est, et
l’est encore, le double de celui à l’Ouest, et l’opposition manifestée contre
la politique du gouvernement SPD/Verts était spécialement forte dans cette
région. En Allemagne de l’Est, c’était le vote substantiel en faveur du SPD qui
procura la victoire à Schröder lors de l’élection de 1998, mais, dès l’été
2004, des milliers d’Allemands de l’Est avaient pris part aux manifestations
contre la réforme Hartz IV et ce dans un espoir trompeur de faire fléchir le
gouvernement, tout à l’image de la chute du vieux régime stalinien de l’Allemagne
de l’Est à la suite des protestations de masse de 1989.
Schröder attaqua les manifestants de front et
montra clairement que les mots d’ordre ayant trait à « la démocratie et à
la liberté » et qui avaient été glorifiés lors de la réunification
allemande n’avaient rien à voir avec la vraie démocratie populaire ou le fait
de rendre le gouvernement réceptif aux souhaits de la majorité.
« Quelque chose dont j’ai toujours été
sûr », écrit Schröder, c’était que « Je devais à tout prix poursuivre
la voie que nous avions empruntée. L’agenda 2010 était une politique décisive
et tout changement de cours de ma part était inconcevable et aurait été un
désastre pour le SPD. Si des pressions exercées par certaines parties du parti
ou par son groupe parlementaire avaient imposé un tel changement, ma démission
aurait été inévitable. Voilà la situation telle que je la voyais, et c’était
aussi la raison pour laquelle j’avais soumis l’idée d’une élection anticipée à
Franz Müntefering. »
Donc, la décision de lancer des élections
anticipées faisait clairement partie d’une offensive pour effectuer des coupes
sociales en dépit d’une large opposition populaire. « Je reste convaincu,
qu’il s’agissait d’une décision politique de nécessité nationale », écrit
Schröder.
L’expression « politique de nécessité
nationale » est révélatrice. Qui détermine ce qui est une « politique
de nécessité nationale ? » La volonté démocratique de la majorité de
la population ou les intérêts économiques d’une petite élite privilégiée ?
Schröder se situe sans ambiguïté du côté de cette dernière.
Et parce qu’une telle politique suscite
forcément une résistance, la « politique de nécessité nationale »
requiert des mesures radicales appliquées par un Etat autoritaire. Schröder plaide
clairement pour la suppression de tout scrupule démocratique. Ce faisant, il
évoque une tradition qui eut des conséquences désastreuses au siècle dernier.
Depuis son vote historique en 1914 en faveur
des crédits de guerre, le SPD a placé la défense de l’ordre bourgeois au-dessus
de la défense des intérêts de la classe ouvrière. En 1930, le parti a soutenu
les décrets d’urgence imposés par le chancelier Brüning contre les
travailleurs. Même l’Etat social en Allemagne de l’Ouest avait été principalement
conçu par les sociaux-démocrates comme un moyen de contrôle. En 1970, le
chancelier SPD, Willy Brandt, fut encore en mesure de lier des mesures aussi
antidémocratiques que les lois sur l’état d’urgence et l’interdiction pour les
radicaux d’exercer leur profession dans la fonction publique à une amélioration
des conditions de vie. Mais la mondialisation de la production a fauché l’herbe
sous les pieds de toute politique de réformisme social du capitalisme.
C’est pourquoi, le SPD recourt de plus en plus
directement à des formes autoritaires de gouvernement dans l’intérêt de la
« politique de nécessité nationale ». Les extraits dans lesquels
Schröder traite du jugement de la Cour constitutionnelle allemande concernant
sa décision de lancer des élections anticipées montrent jusqu’où le SPD va dans
son rejet des principes démocratiques.
La constitution allemande proscrit la
dissolution du parlement sur la base d’une motion de confiance invoquée sur la
base d’une mise en scène. Cette disposition avait été établie après la Seconde Guerre
mondiale précisément dans le but d’éviter le genre d’instabilité politique qui
avait caractérisé la République de Weimar d’avant-guerre. Schröder a toutefois rejeté
cette disposition constitutionnelle, et en cela il bénéficia du soutien de tous
les autres corps constitutionnels : le président, le parlement et la Cour
constitutionnelle. Regardant en arrière, Schröder décrit cette manœuvre comme
ayant été un grand succès.
Il fait l’éloge du jugement prononcé par la
Cour constitutionnelle qui a légitimé les élections anticipées en écrivant que
la plus haute cour d’Allemagne a accordé au chancelier le droit de mettre en
scène « une fausse motion de confiance, à savoir de provoquer la
dissolution du parlement, s’il a l’impression de manquer au Bundestag [parlement]
d’une majorité suffisante pour la poursuite de sa politique ».
De ce fait, et selon Schröder, le rôle du
« chancelier est nettement renforcé au sein de la structure
constitutionnelle ». En d’autres termes : à l’avenir, le pouvoir
exécutif est habilité à agir de façon plus autonome vis-à-vis du parlement et
de la volonté des électeurs.
L’alliance
avec Poutine
La conception qu’a Schröder des structures
démocratiques et son soutien pour des formes autoritaires de gouvernement
ressortent également dans d’autres passages de son livre. A la page 34, il loue
Vladimir Poutine comme un grand homme d’Etat et un ami personnel, en approuvant
l’étroite collaboration entre l’Allemagne et la Russie. Alors qu’il était encore
au gouvernement, Schröder avait qualifié le président russe de « démocrate
pure à la loupe ».
Schröder rejette toute critique à l’encontre
de la Russie de Poutine en ignorant tout simplement les attaques croissantes
contre la liberté de la presse, les meurtres de journalistes, le tournant de
plus en plus flagrant vers le militarisme à l’intérieur comme à l’extérieur du
pays, les signes de racisme et d’antisémitisme, et l’aggravation de la misère
sociale dans le pays. Reprenant les paroles de Poutine, Schröder parle de la
« résurrection de la Russie » et loue Poutine en tant que garant de
la « pensée sur les vertus du libre marché» et des « valeurs
économiques » axées sur l’occident.
Depuis que Poutine est arrivé au pouvoir en
Russie, les investisseurs ne craignent plus pour leurs investissements, écrit
Schröder. Il poursuit : « Dans sa fonction de président, Poutine a
rendu possible le rétablissement de structures nationales et a mis en place pour
la première fois pour ses citoyens tout comme pour les entrepreneurs et les
investisseurs quelque chose comme une sécurité juridique. C’est ce qui
constitue son vrai mérite historique. »
Au vu de la « politique étrangère
américaine désastreuse », Schröder soutient que l’Allemagne devrait œuvrer
pour une coopération plus étroite entre l’Union européenne et la Russie et mettre
en avant les relations traditionnellement bonnes de Moscou avec la Syrie et
l’Iran pour stabiliser la situation au Proche-Orient. « Au lieu de
fantaisies d’encerclement », telles qu’elles sont encore préconisées par
les milieux conservateurs, les intérêts sécuritaires de la Russie devraient
être pris au sérieux et des efforts devraient être entrepris pour parvenir à
une étroite coopération économique, politique, culturelle et militaire.
Dans la partie qui traite de la Russie,
Schröder rend évident qu’il s’est pleinement intégré à l’élite corrompue qui a pris
le pouvoir en Union soviétique il y a quinze ans et qui a pillé les ressources
économiques et la richesse du pays sur la base de la politique de restauration
capitaliste pour ensuite découvrir son allié le plus important dans l’ancien
fonctionnaire du KGB, Vladimir Poutine. En effet, il y a à peine quelques mois,
après son départ de la chancellerie, Schröder a annoncé qu’il assumerait la
présidence de la North-European Gas Pipeline (NEGP) dont Gazprom est le
principal actionnaire, tout en empochant un salaire d’appoint somptueux.
Coupes
sociales et militarisme
Dans son livre, Schröder révèle au grand jour le
lien étroit existant entre le principal aspect de sa politique intérieure,
l’agenda 2010, et la politique étrangère poursuivie par son gouvernement destinée
à établir l’Allemagne comme une « puissance moyenne » sur la base
d’un militarisme accru.
La participation militaire de l’Allemagne à la
guerre au Kosovo en 1999 avait été « indubitablement une charnière durant
la première période législative », écrit Schröder. « Durant nos
discussions, le lien entre la résolution de crises ayant trait à la politique
étrangère et la force intérieure du pays a toujours joué un rôle considérable.
Nous étions de plus en plus conscients de combien la souveraineté de la
politique étrangère était liée au potentiel économique de l’Allemagne. »
« Nous serions seulement capables de maintenir
notre indépendance en ce qui concerne les décisions relatives à la politique étrangère
et sécuritaire en augmentant notre potentiel économique et en étant socialement
et politiquement mobiles », écrit Schröder un peu plus loin. « C’est
pourquoi nous devions être prêts à opérer un changement sur le front
intérieur. »
Si l’on écarte les euphémismes, deux conclusions
apparaissent : d’abord, l’opposition de Schröder à la guerre en Iraq
reposait avant tout sur le désir de sortir de l’ombre des Etats-Unis afin de concrétiser
le postulat de la « souveraineté allemande » par la pratique
politique. Ensuite, le programme gouvernemental de réductions sociales était
directement lié à la résurgence du militarisme allemand. Des milliards qui avaient
été économisés dans le domaine social et l’assurance sociale pouvaient à
présent servir à transformer l’armée allemande en une armée d’intervention bien
équipée.
Schröder ne mentionne pas directement le lien
entre le militarisme à l’extérieur et la militarisation de la société à
l’intérieur, mais il peut être aisément découvert en lisant entre les lignes.
Responsabilité
pour la grande coalition
Dans les dernières pages de son livre,
Schröder retourne une fois de plus aux élections anticipées de l’année
dernière. Au cours d’une campagne électorale courte et vigoureuse, le SPD fut
en mesure de réduire en grande partie l’avance de 20 pour cent dont avaient disposé
les partis conservateurs au début de la campagne. Ce faisant, le SPD devenait
la force motrice de la grande coalition qui fut formée après les élections.
« Le SPD a pu imposer son cachet sans équivoque au programme accepté par
le gouvernement », a souligné Schröder.
Le résultat découlant des négociations de
coalition fut un « programme social-démocrate modéré » qui
« dans l’ensemble… aurait pu être endossé par un gouvernement
Rouge-Verts ». En conséquence, la « tâche du SPD est en fait
définie : le cours de l’agenda 2010 doit être défendu et appliqué de façon
conséquente ».
Quelques pages plus loin, Schröder exige la
poursuite et l’intensification des coupes sociales par le biais d’un soi-disant
« agenda 2020 ». Le SPD, affirme-t-il, vient d’entamer son troisième
mandat gouvernemental de suite et est de ce fait la force la plus cruciale et
la plus créatrice de la politique allemande.
On ne pourrait l’exprimer plus
clairement : « l’ère sociale-démocrate » à laquelle Schröder se
réfère « avec une grande satisfaction » est en fait un complot contre
la population laborieuse organisé par l’ensemble des partis politiques établis
allemands sous la direction du SPD.
Tout en ne contenant rien de neuf, le livre de
Schröder est utile en montrant à quel point la social-démocratie s’est déplacée
à droite. Au cours des dernières quinze années, 400.000 membres, près de la
moitié des adhérents, ont quitté le parti, et des rapports récents font état de
branches locales entières qui se sont dissoutes.
Mais que personne ne s’y méprenne. Schröder,
Müntefering et compagnie se soucient moins de ces pertes qu’ils le prétendent.
Ils sont tout à fait disposés à accepter les départs de tous ceux qui escomptent
du SPD qu’il applique une politique visant à la justice sociale. L’actuelle
direction du SPD est disposée à prendre la tête d’un parti croupion capable de faire
avancer les intérêts de l’élite dirigeante allemande. Après tout, ils ne se
préoccupent guère des besoins et des problèmes auxquels la population
laborieuse qui représente la grande majorité des gens est confrontée.
Le nouveau livre de Schröder montre clairement
combien les affirmations et les espoirs de ceux qui prétendent que le SPD peut
être réformé par la pression d’en bas sont déplacés. Le contraire est le
cas : à chaque pression d’en bas, le parti réagit avec un autre virage à
droite.