Le massacre de 19 civils par Israël à Beit
Hanoun dans la bande de Gaza le 8 novembre a provoqué des manifestations de
colère à travers les territoires palestiniens et au sein d’Israël lui-même.
Le gouvernement d’Ehoud Olmert a insisté
que le bombardement par les Forces de défense israéliennes (FDI) était un
accident dû à une erreur technique et des responsables de l’armée israélienne
ont dit que le tir d’artillerie visait une cible à 500 mètres de l’endroit
frappé.
Cette affirmation n’est pas crédible. L’incident
suit une offensive par les FDI qui a résulté en 53 morts à Beit Hanoun au cours
des derniers jours, prétendument pour mettre fin au tir de roquettes Qassam
par-dessus la frontière entre Gaza et le sud de l’Israël. Avant cette offensive,
il y avait eu l’opération majeure appelée « Pluies d’été » qui a été
menée avec le prétexte de sauver le caporal Gilad Shalit.
Le soldat israélien a été capturé près de
Gaza par des militants palestiniens le 25 juin, en réponse à une attaque
israélienne qui est étonnement semblable tant par la méthode employée que par l’intention
à l’attaque qui vient d’avoir lieu sur Beit Hanoun. Le 9 juin, des
bombardements sur une plage de Gaza ayant entraîné la mort de 8 personnes — y
compris sept membres d’une même famille, dans laquelle on comptait trois
enfants — ont été le début délibéré d’une campagne militaire de destruction de
l’infrastructure économique, sociale et politique de Gaza qui continue encore à
ce jour. C’est une offensive qui est liée à l’objectif d’Olmert d’établir le
Grand Israël par l’annexion permanente de la plus grande partie de la
Cisjordanie et de Jérusalem Est et qui a été aussi la cause de la guerre qu’a
menée Israël contre le Liban en juillet et en août.
Depuis la fin de juin, plus de 450
Palestiniens ont été tués dans la bande de Gaza. La dernière attaque sur Beit
Hanoun avait comme but politique essentiel de paver la voie à une augmentation
de l’agression militaire israélienne, mettant fin à toute possibilité de
reprendre les tentatives d’arriver à une entente négociée et rendant très
difficiles les discussions entre le Fatah et le Hamas pour former un gouvernement
d’unité nationale.
Des témoins oculaires ont peint un terrible
tableau de souffrance humaine où 18 membres de la famille al-Athamna ont perdu
la vie. Les 19 morts représentent le plus grand nombre de Palestiniens civils tués
en un seul incident depuis le début de la deuxième Intifada en septembre 2000.
Tous les membres de la famille venaient
juste de revenir à la maison après le retrait des troupes israéliennes le jour
précédent. Ce soir-là, entre 12 et 15 bombes ont touché le quartier en une
quinzaine de minutes. Plusieurs ont été tuées lorsqu’elles fuyaient leur
maison, en panique. Huit enfants et sept femmes figurent parmi les morts. Au
moins sept maisons de Beit Hanoun ont été touchées et au moins 40 personnes ont
été blessées, toutes des civils.
Un témoin a dit aux journalistes que « C’est
la scène et les images les plus tristes que je n’ai jamais vues. J’ai vu des
personnes couvertes de sang sortir des maisons. J’ai commencé à crier pour
réveiller les voisins. »
Un garçon de 14 ans, qui était blessé, a dit : « Nous
dormions et nous avons été réveillés par des obus qui tombaient sur la maison
voisine de notre oncle. Ensuite, les fenêtres de nos maisons ont éclaté. Nous
avons fui la maison, mais nous avons encore été attaqués à l'extérieur. Les
obus ont tué ma mère et ma sœur et ont blessé tous mes autres frères et
sœurs ».
Akram al-Athamna, un membre de la famille, a déclaré qu'il avait vu « de
la fumée s'échapper de la maison de mon oncle Saad ». Par la suite,
« des projectiles ont été tirés directement sur les gens qui s'enfuyaient
de la maison. Il y avait du sang partout. J'ai vu mon voisin, Sakher Adwan ;
il est allé chercher sa sœur et il a été tué ».
Rahwi Hamad a déclaré : « J'ai ouvert la fenêtre, j'ai regardé
dehors et j'ai vu un obus frapper la maison d'un voisin... Lorsque je suis
sorti, un autre obus avait frappé la maison. Il y avait une odeur fétide de
sang et de chair (brûlée) ».
Les membres de la famille qui ont survécu pleuraient, assis devant les
bâtiments. Selon un reportage, un homme aurait trempé ses doigts dans une mare
de sang pour ensuite s'en enduire le visage. « Dieu venge nous, Dieu venge
nous », pleura-t-il. Des pompiers avaient lavé au jet le sang des
bâtiments et du pavé, alors que les ambulanciers ramassaient les parties de
corps humains dans les rues et les jardins avoisinants.
Plus tard durant la journée, le chef de l'unité des roquettes Qassam du
Hamas, Ahmed Ouad, fut tué en même temps qu'un autre militant du Hamas lors
d'une frappe des forces aériennes israéliennes au sud de la bande de Gaza. Ouad
était le gendre du ministre palestinien des Affaires étrangères Mahmoud Zahar,
du Hamas. Deux autres militants du Hamas furent tués et quatre autres blessés
au nord de Gaza. Cinq Palestiniens, dont quatre commandants des Brigades des martyrs
d'al-Aqsa, ont aussi été tués en Cisjordanie.
Le gouvernement Olmert et les FDI auraient tous deux anticipé et compté sur
la réaction de colère des Palestiniens
Mercredi, plusieurs incidents violents ont été rapportés en Cisjordanie et
dans la bande de Gaza. A Jérusalem-Est, trois jours de deuil ont entraîné la
fermeture de commerces et d'écoles, et des manifestations comptant des
centaines de personnes ont eu lieu. Environ 200 écolières palestiniennes ont
manifesté spontanément au Mont du temple et elles ont été la cible des grenades
paralysantes de la brigade antiémeute de la police.
Jeudi, des dizaines de milliers de personnes ont assisté aux funérailles des
victimes. Leurs cercueils étaient enveloppés du drapeau jaune du Fatah. Environ
20 hommes armés de fusils ont tiré sporadiquement dans les airs. Abdel al-Hakim
Awad, un porte-parole du Fatah, a émis l'avertissement
suivant : « Les résidents de Sderot, les résidents de Ashkelon,
et même les résidents de Tel-Aviv, ne bénéficieront pas de la sécurité ni de la
paix tant que tu souffriras, peuple bien-aimé de Beit Hanoun. »
Le Hamas, qui est à la tête du gouvernement de l'Autorité palestinienne, a
dénoncé l'attaque.
Khaled Mashaal, le dirigeant politique du Hamas, en exil en Syrie, a annulé
le cessé le feu en vigueur avec Israël depuis février 2005. « Tous les
groupes palestiniens sont encouragés à augmenter la résistance en dépit des
difficultés sur le terrain. Notre confiance dans la réponse de notre aile
militaire est grande », a-t-il déclaré.
L'aile militaire du Hamas a également appelé pour des attaques contre des
cibles américaines, publiant une déclaration dans laquelle il est dit :
« l'Amérique offre une couverture politique, financière et logistique aux
crimes de l'occupation sioniste et est responsable du massacre de Beit Hanoun ».
Cependant, Ghazi Hamad, porte-parole du gouvernement dirigé par le Hamas, a dit
que le groupe n'avait pas l'intention d'attaquer des cibles américaines. Il a
exhorté les « nations arabes et les gouvernements des pays arabes de
protester contre le silence du monde et le parti pris des Américains ».
Le Jihad islamique a dit qu'en réponse à Beit Hanoun, il allait organiser
des attentats suicides et des tracts attribués à la Brigade des martyrs d’al-Aqsa
du Fatah, appelaient également à la reprise des attaques contre Israël.
Le président de l'Autorité palestinienne Mahmoud Abbas du Fatah a condamné
le « terrible et méprisable crime », mais appelait à la retenue.
Le premier ministre palestinien Ismail Haniyeh du Hamas avait annoncé
mercredi qu'il stoppait les discussions visant à établir un gouvernement
d'unité avec le Fatah, mais a dit plus tard que les discussions allaient
reprendre bientôt. Mustafa al-Barghouti du Fatah, qui agit comme médiateur,
insistait aussi que les discussions allaient se poursuivre malgré le « bain
de sang à Beit Hanun ».
À part une enquête sommaire interne que fera l'armée, Olmert a tout fait pour
s'assurer que les hostilités s'aggravent. Olmert, parlant en anglais durant une
réunion d'affaires hier, exprimait ses regrets pour « l'erreur »,
mais insistait sur le fait qu'Israël allait continuer ses opérations militaires
à Gaza tant que les attaques à la roquette des Palestiniens persisteront et que
d'autres tragédies étaient possibles. « Ça pourrait arriver », a-t-il
dit.
Israël a répondu à l'humiliation subite au Liban par un virage abrupt vers
la droite. Il offre ses services à Washington pour jouer le rôle de mandataire
régional et fabriquer des provocations contre l'Iran et la Syrie en retours
pour l'appui tactique des États-Unis a ses propres ambitions
territoriales. Olmert va rencontrer le président Bush à Washington plus
tard ce mois-ci pour coordonner la politique à l'égard du programme nucléaire
iranien.
Avant la dernière offensive des FDI à Gaza, Olmert a amené Avigdor
Lieberman, du parti d'extrême droite Yisrael Beitenu, dans son gouvernement de
coalition, le nommant premier ministre adjoint et « ministre de la Menace
stratégique » avec attributions spécifiques quant à l'Iran. A une
rencontre pour « compléter les préparatifs et l'entraînement pour une
vaste action » dans Gaza, Lieberman a dit qu'Israël devrait faire « comme
les Russes en Tchétchénie. »
(Article original anglais paru le 10
novembre 2006)