Peu importe le résultat des élections au Congrès et pour les postes de
gouverneurs qui ont lieu aujourd’hui [cette déclaration a été publiée le matin
du jour des élections], après 7 novembre, les travailleurs des Etats-Unis
feront face à un régime politique à Washington qui continuera à soutenir la
guerre impérialiste en Irak et les attaques sur les droits démocratiques et le
niveau de vie aux Etats-Unis.
Cette élection a encore une fois démontré l’incapacité du système bipartite
à s’adresser sérieusement aux questions les plus essentielles devant le peuple
américain : la guerre, la menace pesant sur les droits démocratiques, la
croissance de l’insécurité économique et l’inégalité sociale. En conséquence,
la plus grande partie de l’électorat sera celle qui ne se donnera pas la peine
d’aller voter.
Si, comme les sondages faits avant les élections le suggèrent, le Parti
démocrate faisait des gains importants au Congrès et qu’il regagnait le
contrôle de la Chambre des représentants, le Sénat ou encore les deux chambres,
il ne peut y avoir d’illusions que cela signifiera un changement de cap pour
l’élite dirigeante américaine.
Des dizaines de millions d’Américains sont opposés à l’administration Bush à
cause du nombre dévastateur de morts, tant américaines qu’irakiennes, résultant
de cette guerre depuis trois ans et demi. La principale raison pour voter pour
les démocrates, selon les sondages pré-électoraux,
est le désir de mettre fin à la guerre en Irak et d’en retirer les troupes
américaines.
Mais le parti qui recevra ces votes anti-guerres est lui-même un supporteur
inébranlable du « succès » en Irak, ce qui signifie assuré la
domination sans partage des Etats-Unis sur les ressources en pétrole du pays et
utilisé l’Irak comme une base pour des actions militaires plus larges dans la
région.
La véritable attitude des démocrates a été exprimée par le congressiste RahmEmanuel, le président du
comité électoral démocrate en chambre, dimanche lors de l’émission MeetthePress sur la chaîne NBC. Sa contrepartie républicaine,
Elizabeth Dole disait à l’animateur TimRussert que la position républicaine sur l’Irak était
d’obtenir la « victoire », alors que « les démocrates semblaient
accepter de perdre ». Emanuel a explosé,
protestant et demandant une rétractation. « Je ne vais pas rester assis
tranquillement alors que l’on accuse les démocrates d’accepter la défaite,
a-t-il dit. Nous voulons gagner et nous voulons une nouvelle direction en
Irak. »
Que signifie la « victoire » en Irak ? Elle signifie la
subjugation complète de la population de ce pays, qui s’oppose très
majoritairement à l’occupation américaine. Tous les sondages demandés par l’administration
Bush ont trouvé qu’une majorité importante des Irakiens désiraient que les
soldats américains quittent le pays et considéraient les attaques armées sur
les forces américaines comme légitimes.
La « victoire » dans un tel contexte ne peut être obtenue qu'en
exterminant en grande partie de la population irakienne — beaucoup plus que
l'estimation de 655 000 morts engendrées par les trois premières années de
guerre et d'occupation — et au prix de morts de milliers d'autres soldats
américains ou de leur mutilation.
La grande majorité du peuple américain rejette une telle avenue. Mais cette
majorité anti-guerre a vu dans les faits son droit de représentation bafoué
dans les élections 2006, qui maintiendront la domination de la droite sur la
vie politique américaine, même si la tendance politique parmi les masses
travailleuses est vers la gauche.
En ce sens, l'issue des élections 2006 est déjà préétablie. De hauts
représentants du Parti démocrate se sont affairés, après leur défaite à
l'élection présidentielle de 2004, à recruter des candidats engagés à des
politiques plus ouvertement à droite sur les questions sociales et
politiques : des opposants à l'avortement et aux droits des homosexuels,
des défenseurs de l'austérité fiscale et d'une répression accrue au pays au nom
de la « guerre au terrorisme », des défenseurs avoués du militarisme
et de la guerre.
Le résultat est que si un important vote anti-guerre et anti-Bush donne le
contrôle du Congrès aux démocrates, les nouveaux membres du Congrès et
sénateurs seront des partisans de la guerre en Irak, des défenseurs de coupes
dans les budgets plutôt que du développement des services sociaux, et seront sympathiques
aux perspectives réactionnaires des fondamentalistes chrétiens qui dominent le
Parti républicain.
On peut être certain que dans le cas d'un tel succès électoral, le premier
geste que poserait un leadership démocrate au Congrès serait de s'engager dans
une collaboration bipartite avec l'administration Bush et de demander à la
Maison-Blanche d'accueillir les démocrates en tant que partenaires à part
entière dans la lutte pour la « victoire » en Irak.
Encore une fois, l'élection 2006 confronte les travailleurs avec la
nécessité d'une alternative politique au système biparti existant dans lequel
les deux partis, les démocrates autant que les républicains, sont des
instruments politiques de l'oligarchie financière.
Voilà la question centrale que les candidats du Parti de l'égalité
socialiste ont cherché à exposer à la classe ouvrière. Dans les Etats où nos
candidats se présentent — Maine, New York, Michigan, Illinois, Californie et
Oregon —, nous incitons au plus grand vote possible pour l'alternative socialiste.
Mais la grande majorité du peuple américain n'aura pas la chance de voter
socialiste à cause des lois électorales antidémocratiques qui sont
particulièrement onéreuses pour les partis qui représentent la classe ouvrière
et qui ne reçoivent pas d'aide financière de la grande entreprise.
Dans plusieurs Etats, il y a des candidats du Parti vert sur la liste
électorale, mais ils ne représentent pas une véritable alternative au système
de profit. Les verts défendent des réformes modestes du capitalisme, cachant à
la classe ouvrière les véritables sources de l’oppression, de l’injustice et de
la guerre : la domination de la société par une aristocratie financière.
Ils cherchent à pousser le Parti démocrate vers la gauche au lieu de mobiliser
la classe ouvrière comme une force politique indépendante contre le système
politique et économique existant.
Le SEP fait cet
avertissement additionnel : dans la mesure où les résultats électoraux de
mardi expriment, même d’une façon limitée et de manière très distordue,
l’opposition croissante du peuple américain à la guerre, aux attaques contre
les droits démocratiques et contre la destruction des emplois et des services
sociaux, l’élite dirigeante va tirer la conclusion qu’elle doit maintenant
passer outre les formes creuses de démocratie et aller de l’avant vers des
méthodes de gouvernance ouvertement dictatoriales.
C’est clairement ce qui est
impliqué dans les déclarations répétées de Bush et Cheney, particulièrement
lors de la semaine avant l’élection, que les résultats du vote du 7 novembre
n’auront pas d’effet sur la politique de l’administration en Irak.
« Ce n’est
peut-être pas populaire auprès du public. Ça ne fait rien, en ce sens que nous
devons continuer ce que nous croyons être juste », a dit Cheney à ABC
News. « C’est exactement ce que nous faisons. Nous ne cherchons pas à
rester en poste. Nous faisons ce que nous croyons être juste. »
Cheney continue, « Le
président a clairement dit quel était son objectif. C’est la victoire en Irak.
Et c’est en avant à toute vitesse sur cette base. Et c’est exactement ce que
nous allons faire. »
Ce programme d’agression
militaire à tout crin a des implications sinistres, non seulement pour le
peuple irakien et le Moyen-Orient dans son ensemble, mais pour les droits démocratiques
du peuple américain. L’escalade de la guerre face à la montée de l’opposition
massive de la population mène inexorablement vers la répression de masse au
pays.
La période postélectorale
va être témoin de nouvelles mesures antidémocratiques qui viendront s’ajouter à
celles qui ont été adoptées durant les cinq dernières années — le PatriotAct, le programme secret
de torture de la CIA, l’établissement des camps de concentration américains à
Guantanamo, l’interception illégale en masse des communications et l’espionnage
des transactions financières, la loi sur les commissions militaires qui abolit
le droit à l’habeas corpus.
L’impact combiné de ces
mesures a été d’établir le cadre légal pour un Etat
policier aux Etats-Unis. Ces pouvoirs répressifs vont être dirigés
principalement contre la classe ouvrière et contre tous ceux qui s’opposent à
la politique de guerre de l’élite dirigeante.
La classe ouvrière peut
défendre ses droits démocratiques uniquement en rompant avec la ploutocratie
des deux partis et en construisant un parti politique de masse indépendant qui
lui est propre, basé sur un programme socialiste et cherchant à unifier la
classe ouvrière américaine avec le peuple ouvrier à travers le monde dans une
lutte commune contre le système de profit.