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Le premier ministre canadien Stephen Harper tente de museler la pressePar Keith Jones Utilisez cette version pour imprimer Le nouveau premier conservateur du Canada, Stephen Harper, refuse de rencontrer la presse nationale canadienne. Harper a annoncé mercredi qu'il ne donnerait plus de conférences de presse à la tribune de la presse parlementaire après que des journalistes aient contesté les tentatives du bureau du premier ministre de décider qui avait le droit ou non de poser des questions. Mardi, un grand nombre de journalistes ont quitté la conférence de presse de Harper pour protester contre les exigences demandant aux journalistes de fournir une liste de ceux qui voulaient poser des questions au premier ministre afin que ce dernier puisse choisir ceux qui seraient appelés à poser leurs questions. «On ne peut pas accepter que le bureau du premier ministre décide qui peut poser des questions», a déclaré Yves Malo, président de la tribune de la presse et journaliste à TVA. «Est-ce que ça veut dire qu'en situation de crise ils n'appelleront que les journalistes de qui ils peuvent attendre des questions faciles?» Harper a par la suite justifié sa tentative de contrôler et museler la presse, mesures calquées sur celles prises par la Maison Blanche de Bush, en accusant les médias nationaux d'être anti-conservateurs et pro libéraux. «Malheureusement», a déclaré Harper, «la tribune de la presse a décidé de jouer le rôle de l'opposition au gouvernement». Harper a ajouté que, dorénavant, il ne serait disponible que pour les médias régionaux. Les affirmations de Harper que la presse nationale tente de miner et de défaire son gouvernement sont, à première vue, risibles. Les médias ont joué un rôle central dans la victoire électorale des conservateurs, amplifiant les affirmations de Harper que les élections étaient un référendum sur le corruption des libéraux et qualifiant d'alarmisme tout examen sérieux des liens qu'ont les conservateurs avec les groupes néo-conservateurs et fondamentalistes chrétiens ainsi que la droite républicaine des États-Unis. Les comités éditoriaux des trois plus influents quotidiens canadiens: le Globe and Mail, le National Post et La Presse, ont conseillé vivement à leurs lecteurs d'élire un gouvernement conservateur. Depuis les élections il y a quatre mois, les médias ont continué à décrire Harper et ses conservateurs d'une façon positive. Cet état de fait est bien montré par la couverture de l'intervention des Forces armées canadiennes (FAC) dans le sud de l'Afghanistan. Les médias, y compris les chaînes gouvernementales Radio-Canada et Canadian Broadcasting Corporation, ont produit une série de reportages vantant l'héroïsme et le sacrifice de «nos hommes et nos femmes» en Afghanistan, dans le but de fouetter l'ardeur nationaliste et d'appuyer la participation du Canada aux interventions militaires d'outremer. Les conservateurs ont fait de l'Afghanistan leur priorité numéro un (la semaine passée, ils ont imposé une motion au Parlement qui décrétait une expansion majeure de l'intervention des FAC dans cet État de l'Asie centrale) avec l'objectif d'effectuer un changement fondamental de la stratégie géopolitique et militaire du Canada. Ils veulent faire de la participation des FAC à des opérations de contre-insurrection et des guerres outremer la pierre d'assise de la politique étrangère canadienne. Harper a lui-même dit qu'il voulait augmenter et réarmer les FAC au point où les principales puissances du monde les prendront en considération. Dominés par des conglomérats tel Power Corporation et Canwest Global, les médias du Canada, comme la grande entreprise dans son ensemble, se sont tournés franchement vers la droite depuis vingt ans. Les médias se sont faits les champions des «politiques du libre marché» qui ont mené à l'important transfert de richesse vers les plus privilégiés et ont augmenté l'insécurité économique des travailleurs en même temps qu'ils ont défendu le droit des grandes puissances capitalistes à rétablir «l'ordre» partout dans le monde. Même si le gouvernement libéral de Chrétien a à la dernière minute abandonné ses plans pour que les FAC se joignent à l'invasion de l'Irak aux côtés des États-Unis et du Royaume-Uni en 2003, les deux quotidiens nationaux du Canada, le Globe and Mail et le National Post ont fortement appuyé la conquête illégale de l'Irak et ont continué sur cette voie malgré que les arguments invoqués pour justifier l'invasion, les armes de destruction massive et les liens du régime de Saddam Hussein avec al-Qaida, ont été démasqués pour être des mensonges. Dans ces derniers mois, le Globe et le Post ont jeté tout leur poids derrière les tentatives de l'administration Bush de menacer et de brutaliser l'Iran en utilisant la question de son programme nucléaire, lançant des avertissements répétés sur les dangers «d'apaiser les agresseurs». Pour servir cette campagne, le Post a publié en une le 19 mai un article qui déclarait que l'Iran, d'une façon comparable à l'Allemagne nazie, avait voté une loi pour forcer les Juifs à porter un ruban jaune sur leurs vêtements. Cette semaine le Post a dû admettre que les affirmations de cet article étaient fausses, concédant que dans sa hâte à peindre le gouvernement de Téhéran comme étant comme celui des nazis, il n'avait pas «exercé une prudence et une méfiance suffisantes». Le fait que Harper, tout en bénéficiant de médias aussi serviles et de droite, se décrive comme étant confronté à un corps médiatique hostile et munie d'idées préconçues, est très révélateur. Sans aucun doute, les actions de Harper et de ses conseillers sont en partie une tentative d'intimider les reporters parlementaires pour qu'ils donnent une couverture plus favorable au gouvernement conservateur. Certains reporters vont réagir en cherchant à gagner les faveurs du gouvernement afin d'être sous les feux de la rampe aux prochaines conférences de presse et d'avoir un accès privilégié à l'information. D'autres vont se restreindre eux-mêmes afin de ne pas être accusés d'être biaisés à l'encontre du gouvernement. Mais les vives dénonciations par Harper des médias «libéraux» était clairement plus qu'une pose politique. Elles font écho au refrain néo-conservateur et mettent en évidence la colère et le dédain de Harper pour le corps médiatique. Si Harper et ses conservateurs se sentent assiégés,
c'est parce qu'il savent qu'il n'y a qu'une mince base d'appui
à leur politique de militarisme, de liens étroits
avec l'administration Bush, de baisses d'impôt pour les
riches, et de démantèlement des services sociaux
et publics. Hantés par le spectre d'une opposition de
masse, ils se tournent instinctivement vers des méthodes
autoritaires de gouvernement: ils utilisent les pouvoirs de l'exécutif
pour écarter le parlement sur des questions telles que
l'Afghanistan, l'accord de Kyoto et le registre des armes à
feu, et ils cherchent à intimider et museler même
les médias de la grande entreprise.
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