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Pourquoi le gouvernement conservateur du Canada a chanté les louanges du premier ministre australien John Howard

Par John Mackay
24 mai 2006

Le nouveau gouvernement conservateur du Canada a accordé au premier ministre australien, John Howard, l'honneur d'être le premier chef gouvernemental étranger à visiter le Canada sous sa responsabilité. Cet événement en dit long sur les intentions des conservateurs de pousser encore plus loin vers la droite la politique canadienne.

Howard est un des plus proches alliés de l'administration Bush (l'Australie s'est jointe à l'invasion américaine de l'Irak et a encore 1400 soldats sur place) et est le dirigeant étranger qui, par sa perspective de droite et son modus operandi politique brutal, ressemble le plus à l'actuel président des États-Unis.

Avant de venir à Ottawa pour une visite de trois jours la semaine dernière, Howard fut fêté avec un souper officiel à la Maison Blanche. Son accueil à Ottawa fut tout autant célébré. On accorda au premier ministre australien le rare privilège de s'adresser au parlement et il profita de l'occasion pour louanger largement le leadership des États-Unis dans le monde moderne.

Même si le Canada et l'Australie partagent un passé impérial britannique et sont membres du Commonwealth, aucun des deux pays n'a accordé jusqu'ici beaucoup d'importance à ses relations bilatérales. Le fait qu'il ne soit que le deuxième premier ministre australien en poste à faire une visite officielle au Canada met en évidence le caractère exceptionnel de l'honneur accordé à Howard par le gouvernement conservateur. La visite précédente avait été faite soixante ans auparavant par John Curtin, alors que l'Australie et le Canada étaient des membres importants, quoique secondaires, de la coalition alliée de la deuxième Guerre mondiale.

Durant la campagne pour les élections fédérales de janvier dernier, le premier ministre Stephen Harper a tenté de minimiser l'importance de ses politiques néo-conservatrices et des liens de son parti avec les fondamentalistes religieux et la droite républicaine américaine. Les médias ont fidèlement répété les affirmations de Harper selon lesquelles les conservateurs étaient un «parti modéré, loin de la marge» ainsi que les rejets cinglants de Harper, qualifiant les accusations de l'opposition à propos des plans «cachés» des conservateurs d'«alarmistes».

Mais la semaine passée, Harper a montré ce qui cachait ce masque politique. Mercredi, son gouvernement a imposé une motion au parlement qui a élargi le déploiement des Forces armées canadiennes (voir Malgré l'opposition populaire, le Canada intensifie de façon spectaculaire son intervention militaire en Afghanistan). Puis jeudi, Harper a déroulé le tapis rouge pour Howard et, à la tête des députés conservateurs, il a applaudi avec enthousiasme un discours dans lequel le premier ministre australien a défendu sans aucune honte l'administration Bush et le droit des États-Unis, du Canada, de l'Australie et des autres puissances capitalistes à organiser des invasions et des occupations en disant propager la liberté.

Howard et son gouvernement libéral australien ont donné un appui sans réserve à l'administration Bush à toutes les étapes de sa soi-disant guerre contre la terreur. En retour, son gouvernement a reçu l'appui de Washington pour ses propres ambitions impérialistes dans le Pacifique Sud, y compris le récent déploiement de troupes australiennes dans les Îles Salomon et l'envoi de navires de guerre au Timor oriental, et l'assertion du gouvernement australien qu'il a un droit d'entreprendre des «actes préventifs» contre la «terreur» partout dans l'Asie du Sud-Est.

Howard est à la tête d'un gouvernement qui se nourrit de réaction sociale. Avec un minimum d'opposition du Parti travailliste australien, Howard a supervisé l'extension de la détention des immigrants dans des centres spéciaux. Récemment, son gouvernement a abrogé des droits de la classe ouvrière australienne avec de nouvelles lois anti-syndicales et a lancé un assaut frontal contre les libertés civiles en passant des lois anti-terroristes en ligne avec le Patriot Act de l'administration Bush.

Howard, il faut ajouter, est bien connu pour ses appels franchement à droite, y compris ses efforts, à l'exemple de Bush, pour installer un climat de peur dans la population et pour fouetter les sentiments anti-immigrants.

Harper a copié sur Howard, qu'il a rencontré l'an dernier à Washington, plusieurs de ses politiques et une bonne partie de sa posture politique. Les conservateurs de Harper ont supposément étudié la première victoire électorale de Howard en 1996 et fait appel à un de ses principaux conseillers, le directeur du Parti libéral d'Australie Brian Loughnane, pour les aider à développer leur plateforme et leurs tactiques électorales lors des dernières élections fédérales au Canada.

Fait plus significatif, les conservateurs du Canada et la droite en général envient les relations étroites que le gouvernement australien a établies avec l'administration Bush et l'utilisation fréquente par le gouvernement australien de ses forces armées pour faire valoir les intérêts de la grande entreprise australienne sur la scène mondiale, particulièrement dans la région du Pacifique Sud. L'année dernière, le National Post a consacré une série d'articles déplorant le fait que l'Australie ait assumé le rôle de partenaire des États-Unis, rôle que le Canada devrait jouer.

Un éditorial dans le numéro du 20 mai du Globe & Mail, intitulé «La sagesse de Howard», a chaudement applaudi son allocution devant le parlement du Canada et exhorté le Canada à suivre son appel à coopérer plus étroitement avec l'administration Bush sur la scène mondiale, tournant que le gouvernement de Harper est déjà décidé à effectuer. Selon le Globe, «Les États-Unis sont le voisin, l'ami et l'allié du Canada, mais il a été donné à un premier ministre australien de dire ce que la plupart des dirigeants canadiens n'osent pas dire: que le monde devrait se montrer reconnaissant envers les États-Unis».

Le deuxième jour de la visite de Howard, Harper et Howard ont tenu des rencontres où ils ont discuté la possibilité de faire une demande commune à Washington pour que, au nom de la non-prolifération nucléaire, les États-Unis n'établissent pas un cartel pour l'exportation de l'uranium sans que le Canada et l'Australie, les deux plus grands fournisseurs d'uranium dans le monde, n'aient leur mot à dire. Ils ont également discuté la possibilité que le Canada se joigne à l'Australie et aux États-Unis pour s'opposer formellement à l'accord de Kyoto qui limite les émissions de gaz à effet de serre. Canberra et Washington ont refusé de signer l'accord de Kyoto sur les changements climatiques, joignant plutôt leurs forces à plusieurs autres États pour former le «Partenariat de l'Asie Pacifique pour un développement et un climat propres», qui va fixer des limites d'émission non contraignantes. Howard a fait savoir que son gouvernement «accueillerait chaudement» la participation du Canada au partenariat.

Les conservateurs ont déjà mis la hache aux programmes du ministère de l'Environnement reliés aux engagements du Canada sur Kyoto. Une note du gouvernement conservateur ayant fait l'objet d'une fuite indique qu'Ottawa s'oppose à ce que d'autres cibles de réduction des émissions soient adoptées dans la seconde phase de Kyoto prévue pour 2012, et qu'il favorise la mise au rancart du traité actuel en faveur d'une entente volontaire.

Kyoto a été vivement critiqué par une bonne partie de la grande entreprise canadienne, particulièrement l'industrie pétrolière du pays basée en Alberta, qui est depuis longtemps un partisan clé des conservateurs et des divers partis de droite d'où sortent ces derniers.




 

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