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Le voyage du dirigeant chinois en Arabie saoudite et en Afrique souligne la rivalité croissante liée aux ressources naturellesPar John Chan Utilisez cette version pour imprimer Alors que la visite, le mois dernier, du président chinois Hu Jintao à Washington a bénéficié d'une large couverture médiatique, le reste de sa tournée de visites outre-mer n'en a pratiquement pas reçue. Et pourtant, c'est le reste du voyage de Hu, en Arabie Saoudite et dans trois pays africains clé, qui a mis en évidence l'une des principales raisons expliquant la réception glaciale que lui avait réservé la Maison Blanche, à savoir la rivalité croissante entre la Chine et les Etats-Unis au sujet du pétrole, du gaz naturel et d'autres ressources rares. Hu s'est envolé directement le 22 avril de Washington à Riyad, capitale d'Arabie saoudite, pour une visite de trois jours afin de consolider les relations entre la Chine et le premier exportateur de pétrole du monde. La visite de Hu dans les Etats du Golfe a eu lieu quelques mois à peine après la visite du roi d'Arabie saoudite, Abdallah, à Beijing, autre première pour ces deux pays dont les relations diplomatiques ne remontent qu'à 1990. Plusieurs accords importants ont été signés. Parmi les accords les plus importants figure celui élargissant la coopération entre le géant pétrolier saoudien Aramco et la deuxième plus grande compagnie pétrolière chinoise, Sinopec, dans le domaine de l'exploration des immenses réserves de gaz dans le vaste désert, connu sous le nom de l'Empty Quarter. Hu a visité le siège du géant industriel saoudien du secteur non-pétrolier, Saudi Basic Industries Coporation, où il a discuté de la possibilité de lui permettre d'investir dans des projets pétrochimiques évalués à 5,3 milliards de dollars dans le nord-est de la Chine. Abdul-Rahman al-Attiya, secrétaire général du Conseil de Coopération du Golfe (CCG) sis à Riyad, a également promis à Hu que des accords de libre échange entre la Chine et les Etats du CCG seraient signés à la fin de cette année. Les liens économiques croissants entre Beijing et l'élite saoudienne sont fondés sur la demande de pétrole en plein essor de la Chine. La Chine est devenue en 2004, le deuxième plus important consommateur de pétrole devant le Japon, et l'Arabie saoudite fournit actuellement quelques 450.000 barils par jour soit 17 pour cent de l'ensemble des importations de pétrole de la Chine. Dans le même temps, les deux pays avancent prudemment dans la direction de relations politiques plus étroites, tout en étant conscients du potentiel de frictions avec Washington que cela peut entraîner. Les Etats-Unis considèrent depuis longtemps la monarchie saoudienne comme un allié politique crucial au Moyen-Orient et un fournisseur clé de pétrole. Le Pentagone s'est servi des Etats du Golfe comme d'une base opérationnelle pour lancer en 1991 la première guerre du Golfe contre l'Iraq en entretient des liens étroits avec les militaires saoudiens. Durant son voyage, Hu a obtenu le rare honneur de s'exprimer devant la Choura royale, organe législatif saoudien non élu, devenant ainsi le deuxième dirigeant étranger après le président français, Jacques Chirac, à jouir de cet honneur. Il a dit que le Moyen-Orient était une région capitale dans le monde et que la Chine était «prête à uvrer» avec l'Arabie saoudite. Faisant une prudente allusion au rôle déstabilisateur du militarisme américain dans la région, le dirigeant chinois a déclaré:«A la fin de la guerre froide de nombreuses questions étaient restées non résolues et de nouveaux conflits ont engendré une plus grande instabilité. » Pour la monarchie saoudienne, le fait de resserrer ses liens avec Beijing offre la possibilité de desserrer ses rapports de dépendance politique et économique avec Washington. Le prince saoudien, Walid bin Talal a déclaré le 23 avril au New York Time:«Nous ouvrons de nouvelles voies, nous nous dirigeons vers l'est. La Chine est un gros consommateur de pétrole. L'Arabie saoudite a besoin d'ouvrir de nouvelles voies au-delà de l'ouest.» Omar Bahlaiwa, secrétaire général de la commission saoudienne pour le développement du commerce international à la chambre du commerce, a déclaré que les Américains ne devraient pas s'alarmer au sujet des nouvelles relations saoudiennes avec la Chine. «Nous sommes engagés dans un mariage catholique avec les Etats-Unis,» dit-il. «Mais nous, nous sommes Musulmans, nous pouvons avoir plus d'une épouse. » Washington n'a pas commenté publiquement la visite de Hu en Arabie saoudite, mais la Maison Blanche l'aura sans doute considérée comme une intrusion indésirable au Moyen-Orient. Elle est survenue au moment où le gouvernement Bush presse le Conseil de sécurité des Nations unies de proférer des mesures punitives contre l'Iran au sujet de son programme nucléaire. L'opposition de la Chine aux sanctions constitue une source de tension supplémentaire avec Washington vu que l'un et l'autre cherche à avancer ses intérêts économiques et stratégiques dans la région. Les visites en Afrique D'Arabie saoudite, Hu s'est rendu en Afrique, au Maroc, au Nigeria et au Kenya. La première étape, le 24 avril au Maroc, était principalement pour des raisons diplomatiques. En 1958, ce pays avait été le deuxième pays d'Afrique, après l'Egypte, à reconnaître officiellement la Chine. Les deux autres étapes avaient, elles, pour objet principal, encore une fois, les ressources naturelles. La plus importante visite a été celle rendue le 26 avril au Nigeria, pays le plus peuplé d'Afrique et le plus gros producteur de pétrole, situé dans le golfe de Guinée, région riche en pétrole. La région assure actuellement 15 pour cent des importations pétrolières américaines et on s'attend à ce que ce pourcentage atteigne 25 pour cent dans les dix prochaines années. Dans un discours prononcé devant l'Assemblée nationale nigérienne, Hu a réclamé la mise en place d'un « partenariat stratégique » entre la Chine et l'Afrique. La visite était axée sur la finalisation d'un accord pour la Chine portant sur les droits préférentiels lors d'un appel d'offre sur quatre licences d'exploitation pétrolières, deux dans le delta du Niger riche en pétrole et deux dans la région du Lac du Tchad dont les ressources sont en grande partie non exploitées. Beijin projette d'investir 4 milliards de dollars dans l'infrastructure nigérienne, dont une raffinerie de pétrole entre les mains de l'Etat, une ligne de chemin de fer et des centrales électriques. Deux entreprises de télécommunication chinoises installeront des services téléphoniques dans les régions rurales financées par un crédit de 200 millions de dollars accordé par Beijing. La veille de la visite de Hu, la compagnie pétrolière chinoise, CNOOC, a payé 2,7 milliards de dollars pour l'achat de 45 pour cent des parts d'une concession pétrolière au Nigeria dont la production est censée démarrer en 2008. L'année dernière, le Nigeria s'est engagé à fournir 30.000 barils de pétrole par jour durant cinq ans à la plus grande compagnie publique de pétrole de Chine, PetroChina, contrat évalué à 800 millions de dollars. Le pétrole était également la question cruciale à l'ordre du jour au Kenya, les 27-30 avril. A Nairobi, le président chinois a signé un accord portant sur des licences pour l'entreprise CNOOC permettant la prospection de pétrole dans six éventuels blocs pétroliers au large des côtes kenyanes. L'année dernière, la Chine avait fourni une aide de 36,5 millions de dollars au Kenya, destinée en grande partie à moderniser ses centrales électriques. Les accords de la Chine avec le Nigeria, le Kenya ainsi qu'avec d'autres pays africains représentent un défi direct aux compagnies américaines et européennes qui exercent traditionnellement leur domination sur le pétrole de ce continent. La diplomatie énergétique de la Chine a été révélée par Yang Peidong, conseiller du ministère des Affaires étrangères, dans une récente édition de China Economic Weekly. Beijing porte à présent son attention sur «l'extension du commerce et la promotion de la coopération en matière d'énergie, de ressources et de technologie» comme étant au cur de la politique étrangère chinoise, écrivit-il. La stratégie de la Chine consiste à proposer des projets d'infrastructure aux pays du Moyen-Orient, d'Afrique et d'Amérique Latine, riches en ressources naturelles, pour faciliter et recevoir en retour, des exportations de minéraux vers la Chine. La Chine se situe à présent au sixième rang mondial dans le domaine de l'ingénierie, ses nouveaux contrats ayant enregistré une hausse de 24 pour cent et ont atteint 39 milliards de dollars l'année dernière. Dans certains cas, la Chine a également financé et même armé des régimes tels le Soudan et le Zimbabwe dans le but de protéger ses intérêts en matière de ressources naturelles. Dans des commentaires faits à Reuter durant la visite de Hu, l'ancien ministre des Affaires étrangères nigérien, Bolaji Akinyemi, a essayé de minimiser les éventuelles tensions avec Washington. «Au Moyen-Orient, les Etats-Unis considèrent l'incursion de la Chine avec inquiétude, mais le Nigeria est plutôt un territoire vierge pour les prétendants et Washington ne devrait pas trop s'inquiéter,» dit-il. Le gouvernement Bush, toutefois, considère les démarches de la Chine en Afrique comme loin d'être anodines. La Stratégie de sécurité nationale, qu'il a récemment publiée, parle ouvertement des craintes américaines au sujet de la Chine comme «développant le commerce, mais agissant comme s'ils pouvaient en quelque sorte 'verrouiller' l'approvisionnement énergétique de par le monde ou chercher à diriger les marchés plutôt qu'à les ouvrir, comme s'ils pouvaient appliquer un mercantilisme d'une époque discréditée ; et soutenir des pays riches en ressources naturelles sans tenir compte des écarts de conduite de ces régimes en matière de politique intérieure ou de leur mauvaise conduite à l'étranger.» Le soutien accordé par la Chine à divers régimes africains génère de fortes tensions avec les Etats-Unis et d'autres grandes puissances. Juste avant l'arrivée de Hu en Afrique, les médias occidentaux ont exprimé des craintes selon lesquelles la Chine serait le principal bénéficiaire de la tentative de coup d'Etat d'avril dernier perpétrée contre le gouvernement tchadien par des rebelles épaulés par le Soudan. Pour le moment, la Chine n'a pas de participation directe dans le pétrole tchadien et le régime actuel reconnaît Taïwan et non la Chine. Les troupes françaises ont écrasé la rébellion. Les activités de Beijing en Afrique ont été conduites sous la bannière diplomatique du «développement pacifique» de la Chine. Cette doctrine a été élaborée sous la direction de Hu pour réfuter les accusations des Etats-Unis, du Japon et même de pays européens selon lesquelles l'émergence économique de la Chine représenterait une menace. A la base, la Chine s'efforce d'éviter les confrontations avec les grandes puissances, tout en poursuivant tranquillement ses intérêts économiques internationaux. Cette stratégie est pourtant lourde de contradictions. Etant confrontée à une agitation grandissante de la population en raison du chômage et de l'inégalité sociale, Beijing ne peut se permettre le moindre ralentissement de sa croissance économique. Elle est forcée d'étendre sa production et donc d'accéder à de nouvelles sources de matières premières, surtout de pétrole et de nouveaux marchés. Inévitablement et en dépit de sa diplomatie de «développement pacifique», la Chine entre en conflit, en Afrique, au Moyen-Orient, en Amérique Latine et dans d'autres régions, avec les Etats-Unis, le Japon et les puissances européennes. A peine deux semaines avant la visite de Hu à Washington, la secrétaire d'Etat américaine, Condoleezza Rice, a résumé très clairement, le 5 avril dernier, devant le Comité des affaires étrangères du Sénat américain, la concurrence mondiale croissante pour les ressources naturelles. «Je peux vous dire que rien ne m'a vraiment plus déconcertée en tant que secrétaire d'Etat que la manière dont la politique énergétique est en train de - je vais employer le mot pervertir- la diplomatie de par le monde, » déclara-t-elle. «Elle lance certains Etats qui connaissent une croissance très rapide à la recherche d'énergie à tout prix - des Etats tels la Chine, tels l'Inde - c'est-à-dire qu'elle les envoie dans des parties du monde où on ne les avait jamais vus auparavant, un vrai défi, je pense, notre diplomatie,» ajouta Rice. Le gouvernement Bush a envahi l'Iraq pour assurer sa mainmise
sur les réserves de pétrole du pays et il prépare
une campagne contre l'Iran pour avancer les ambitions économiques
et stratégiques américaines au Moyen-Orient. Il
ne fait pas de doute que Washington ripostera de façon
tout aussi agressive à tout défi chinois posé
contre les intérêts américains dans les régions
stratégiques clés du monde. Voir aussi :
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