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Canada: les travailleurs pauvres de plus en plus nombreux

Par Éric Marquis
11 mai 2006

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Au cours des derniers mois, plusieurs rapports et études statistiques ont démontré que, loin de régresser, la pauvreté et les inégalités sociales s'étaient aggravées au Canada.

Malgré un discours économique positif omniprésent, vantant les mérites et les profits record de telle ou telle autre entreprise, la situation vécue par une majorité de la population correspond plutôt à une lutte constante pour réussir à obtenir des conditions de vie décentes.

On a d'ailleurs pu constater à quel point la population mondiale était concernée par ces questions alors qu'un sondage international réalisé en mars dernier dévoilait que, pour 26 pour cent des répondants, «le plus grand problème dans le monde, à l'heure actuelle» était la pauvreté et l'écart entre les riches et les pauvres. Dans l'opinion publique, cette préoccupation devançait le terrorisme, les guerres ainsi que les problèmes environnementaux.

Au Canada, les dernières séries de statistiques nous montrent que, malgré un taux de chômage relativement bas, un nombre croissant de travailleurs voient leurs conditions de vie et leur pouvoir d'achat diminuer. Cette situation ne constitue nullement une contradiction dans la mesure où il y a une prolifération d'emplois précaires, sous-payés, à temps partiel ou ne disposant d'aucun avantage social.

Selon Statistique Canada, en 1986, 48 pour cent des hommes de 17 à 24 ans occupaient des emplois faiblement rémunérés, comparativement à 60 pour cent en 2004. En 1989, 11 pour cent des nouveaux employés avaient des postes temporaires, en 2005, la proportion grimpait à 21 pour cent. Selon un nouveau rapport du Conseil canadien de développement social (CCDS), les emplois à temps partiel, temporaires, contractuels et saisonniers constituent maintenant 37 pour cent de tous les emplois comparativement à 25 pour cent au milieu des années 70.

Au Québec, 14,6 pour cent des travailleurs à temps plein âgés de 16 à 64 ans occupent un emploi à faible rémunération. À ce chapitre, seuls l'Ontario, l'Alberta et la Colombie-Britannique font mieux que le Québec. À l'échelle du pays, c'est pratiquement un Canadien sur sept qui travaille à temps plein et qui doit vivre dans un état de pauvreté.

Pour appuyer ce constat, une nouvelle étude conduite à Montréal a montré qu'il ne suffisait pas d'avoir un travail pour se maintenir hors de la pauvreté. L'enquête intitulée «Quand le travail n'empêche plus d'être pauvre» dévoile que plus de 341.000 travailleurs montréalais, qui représentent environ 40 pour cent de la main-d'oeuvre de la région, doivent se contenter de gains annuels inférieurs à $20.000. Comme l'a souligné Micheline Dubé, présidente du Forum régional sur le développement social, «Pour les personnes qui vivent cette situation, les difficultés sont quotidiennes. Se nourrir, se soigner, se loger et, pour plusieurs, assumer des responsabilités familiales, s'avère problématique.»

D'autres statistiques sont aussi très évocatrices quant à la précarité dans laquelle doivent vivre un grand nombre de familles canadiennes. Selon une étude récente du ministère fédéral des Ressources humaines qui a évalué la capacité des Canadiens à se procurer un panier de biens et services essentiels (alimentation, logement, habillement, transport), on a découvert que, pour l'année 2000, 13,5 pour cent des gens n'étaient pas en mesure de se procurer ce minimum avec leur revenu disponible.

De plus, le rapport du CCDS dévoile d'autres statistiques alarmantes au sujet de la pauvreté chez les jeunes. En 2003, près de 18 pour cent des enfants canadiens, soit 1,2 million d'enfants, étaient pauvres. Et durant cette année, 317.242 enfants et jeunes ont eu recours aux banques alimentaires. Au Canada, un chômeur sur trois est âgé de moins de 25 ans.

Au même moment où la situation devient de plus en plus difficile pour les familles à faible revenu et pour de larges couches de la classe moyenne, les familles les plus riches ont quant à elles vu leur part de la richesse augmenter. En effet, le rapport du CCDS montre que, si l'on prend les 10 pour cent les plus riches des familles avec enfants et les 10 pour cent les plus pauvres, le revenu du premier groupe s'est accru de 35 pour cent de 1993 à 2003, alors que celui du second groupe n'a augmenté que de 7 pour cent durant la même période.

Dans le cas des inégalités, la répartition totale de la richesse nous indique de façon encore plus éloquente quelle est leur importance. En 1999, 10 pour cent des familles les plus riches du pays possédaient 53 pour cent de la richesse. Les 10 pour cent les plus pauvres, quant à eux, étaient endettés en moyenne de $10.656.

Avec les baisses massives d'impôt consenties aux plus riches et la pression constante à la baisse sur les salaires, on peut imaginer qu'aujourd'hui cet écart est encore plus important. Selon une étude du Globe & Mail auprès de 247 des 279 compagnies inscrites à la bourse de Toronto, les principaux PDG du Canada ont bénéficié en 2005 d'une hausse salariale moyenne de 39 pour cent par rapport à 2004; rien qu'en stock-options, chacun de ces pdg est allé chercher $1,8 million en moyenne.

Tous ces chiffres montrent bel et bien que, loin de s'améliorer, la situation sociale des plus démunis et de la classe ouvrière en général est attaquée de toutes parts. Loin d'être un problème «naturel», la prolifération de la pauvreté et des inégalités sociales constitue plutôt le résultat inévitable d'un système socio-économique en faillite, où la recherche du profit individuel se fait au détriment des besoins sociaux de la majorité travailleuse.

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