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et analyses : Moyen-Orient
Israël, les Nations Unies et le comte Bernadotte
Par David Walsh
31 juillet 2006
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Le 25 juillet, les Forces de défense israéliennes (FDI) ont
lancé une attaque soutenue sur un avant-poste des Nations Unies (ONU) au Liban
sud. En l’espace de six heures, le poste de l’UNTSO (mission des Nations unies
pour la surveillance de la trêve au Moyen-Orient - établie en 1948) a été
touché au moins 16 fois, d’après des reportages de presse, dont cinq frappes
directes sur la base. Le personnel non armé, affirment les fonctionnaires de
l’ONU, a contacté à maintes reprises l’armée israélienne et l’a priée
d’arrêter.
Le Los Angeles Times écrit : « Les
fonctionnaires de l’ONU qui ont donné un compte-rendu aux journalistes ici ont
dit que l’attaque avait commencé aux environs de 13h20. Le contact radio avec
le poste a été perdu autour de 19h30 ce soir-là. Pendant ces heures, les
fonctionnaires de l’ONU ont fait au moins une demi-douzaine d’appels à la
mission israélienne de l’ONU pour chercher à faire cesser l’attaque, a dit un
haut fonctionnaire de l’ONU. D’autres appels ont été faits à l’armée
israélienne par des généraux de l’ONU sur place exigeant qu’Israël cesse le feu. »
Les appels ont été ignorés, et finalement les FDI ont réussi à
faire une frappe directe sur le bâtiment clairement marqué, l’ont rasé et ont tué
les quatre observateurs originaires du Canada, de Finlande, d’Autriche et de
Chine. Les corps de trois des observateurs à Khiam ont été récupérés, mais le
quatrième est enfoui sous les décombres. Les équipements lourds ne peuvent
atteindre la zone du fait des bombardements incessants d’Israël, a dit la FINUL
(Force intérimaire des Nations Unies au Liban – établie en 1978) qui travaille
généralement avec l’UNTSO.
A la suite de ces meurtres et de la déclaration par le
secrétaire général de l’ONU, Kofi Annan qu’à l’évidence cette attaque ne
pouvait qu’être intentionnelle, le gouvernement israélien, tout en prononçant
du bout des lèvres des déclarations de regret, s’est défendu, sûr de son bon
droit, contre les accusations de Annan. Le porte-parole du ministre israélien
des Affaires étrangères Yigal Palmor a lancé l’antienne : « Pourquoi
diable aurions-nous délibérément visé des observateurs des Nations Unies ?
Qu'est-ce que cela nous rapporterait d’un point de vue militaire ou politique, parce
qu’il est évident que cela serait néfaste. »
Le Jerusalem Post, un des porte-parole nocifs de
l’establishment politique israélien a fait écho aux commentaires de Palmor: « Et
dites-nous donc, je vous prie, pourquoi Israël ciblerait la FINUL [en fait l’ UNTSO] ?
Est-ce que Annan suggère une espèce de sadisme anti-ONU de la part d’Israël, ou
bien qu’Israël aurait des raisons de cibler la FINUL dans sa guerre contre le
Hezbollah ? »
L’argument selon lequel une telle attaque « n’apporterait
rien » à Israël est ouvertement absurde. L’attaque du Liban, les centaines
de civils tués, les milliers de blessés, le déplacement de près d’un million et
la destruction de l’infrastructure du pays, n’a pas non plus « rapporté
grand-chose » à Israël aux yeux de l’opinion publique mondiale, mais n’a
pas freiné le régime de Tel-Aviv et ses FDI meurtrières.
Quant au « pourquoi diable » l’armée israélienne attaquerait
l’UNTSO et la FINUL, on peut trouver un bon nombre d’excellentes raisons.
Les apologistes du régime sioniste en font toujours trop quand
ils commentent cette question. Rejetant la possibilité même qu’Israël puisse
être coupable d’un tel crime abominable, ils montrent ensuite invariablement
leur totale hostilité à l’égard de la force de l’ONU, arguant que les
observateurs internationaux ont plus ou moins été un bouclier, pour ne pas dire
un complice de l’activité du Hezbollah.
Ainsi les rédacteurs du Jerusalem Post, dans l’article
sus mentionné, exigent que soit menée une enquête qui déterminerait comment
« la FINUL est restée sans rien dire alors que l’organisation terroriste
amassait des milliers et des milliers de roquettes dont l’utilisation non
provoquée a tué et blessé des dizaines d’Israéliens et précipité la guerre
actuelle… On nous doit bien plus que cela : une enquête indépendante,
hautement fiable sur la manière dont les forces de la FINUL sont devenues des
boucliers humains pour l’armée terroriste qu’ils auraient dû combattre et
démanteler. »
Dan Gillerman, ambassadeur israélien à l’ONU est allé plus
loin en déclarant que les installations de la force de maintien de la paix de l’ONU
« avaient parfois été utilisées comme couverture par les militants du Hezbollah »,
d’après Associated Press. « Elle n’a jamais réussi à empêcher aucun
bombardement d’Israël, aucune attaque terroriste, aucun enlèvement »,
a-t-il dit à New York. « Soit ils ne voyaient pas, ou ne savaient pas ou
ne voulaient pas voir, mais ils n’ont servi à rien », a dit
Gillerman.
Etant donné qu’un diplomate israélien de premier plan accuse
les observateurs de l’ONU de collaborer consciemment ou inconsciemment avec le
Hezbollah, pourquoi devrait-on s’étonner d’une attaque délibérée d’un
avant-poste de l’ONU par les FDI ? Suivant la logique de Gillerman, une
telle attaque serait tout à fait légitime. Il y a toute une liste de telles
attaques. En 1996, les Israéliens avaient massacré plus de cent civils
cherchant refuge dans une installation de la FINUL à Qana, au sud est de Tyre.
Les FDI avaient là aussi prétendu que cela avait été accidentel.
Quoi qu’il en soit, les Israéliens ont des raisons toutes
pratiques pour attaquer les observateurs de l’ONU. Premièrement, écarter les
témoins de leur invasion du Liban et des crimes de guerre qu’ils commettent
contre la population civile libanaise. Deuxièmement, montrer clairement leur
attitude envers toute interférence internationale dans leurs opérations. Les
Israéliens n’acceptent pas que le l’ONU, partie victime, joue quelque rôle que
ce soit dans l’enquête sur la destruction de l’avant-poste de l’UNTSO. Par tout
cela, ils envoient le message que toute force de « maintien de la paix »
envoyée dans la région doit être totalement sous la coupe de Tel-Aviv.
Cette attitude n’a rien de nouveau. Le bilan israélien est un
bilan de défi, à la manière des gangsters, défi non seulement à l’égard de
l’ONU, mais plus généralement, de la loi internationale. Les sionistes ont
constamment rejeté toute suggestion que l’Etat d’Israël devrait être freiné
dans son choix de méthodes, aussi violentes soient-elles, dans la poursuite de
ses intérêts. Sur son site officiel, la Mission permanente d’Israël aux Nations
Unies a un document, « Israël et les Nations Unies, une relation difficile »,
qui accuse l’Assemblée générale d’avoir « une longue tradition de
distinguer Israël » pour ses atteintes aux droits de l’Homme contre les
Palestiniens. En effet, les divers régimes arabes sont coutumiers de jouer pour
la galerie à l’ONU, dénonçant bruyamment les crimes du régime sioniste, tout en
cédant sur toute la ligne à l’oppression incessante du peuple palestinien.
Bien que la Déclaration d’indépendance d’Israël de mai 1948
ait été officiellement rendue possible par une résolution de l’Assemblée
générale de l’ONU de novembre 47, les dirigeants sionistes étaient entrés en
conflit avec leurs sponsors internationaux dès le début. Ils n’étaient pas
satisfaits de la partition proposée par les l’ONU et étaient guidés par des
ambitions bien plus grandes que le monde a vu se déployer pendant ces presque
soixante dernières années.
L’assassinat du
comte Bernadotte
Lorsque les plans et les préoccupations des Nations unies sont
entrés en conflit avec les ambitions sionistes, ces derniers ont été prêts à se
tourner vers la violence et le terrorisme pour arriver à leurs fins. Un des
premiers actes criminels qu’a commis le mouvement sioniste contre l’ONU fut l’assassinat
du comte Folke Bernadotte le 17 septembre 1948.
Bernadotte (né en 1895) était un diplomate suédois, le neveu
du roi Gustave V, qui s’est fait connaître en tant que dirigeant de la
Croix-Rouge suédoise durant la Deuxième Guerre mondiale. Il a utilisé sa
position pour négocier avec le dirigeant nazi Heinrich Himmler et sauver de
15.000 à 20.000 juifs et autres, principalement de Scandinavie, des camps de
concentration. Près de la fin de la guerre, Bernadotte a reçu de Himmler
l’offre que l’Allemagne se rendrait aux Etats-Unis et à la Grande-Bretagne à la
condition qu’elle puisse continuer sa guerre contre l’URSS.
Le 20 mai 1948 (six jours après qu’Israël eut déclaré son
indépendance), Bernadotte a été nommé médiateur des Nations unies en Palestine.
Il avait le mandat de « faire la promotion d’une entente pacifique de la
situation future de la Palestine » et il pouvait conclure une entente qui
dépassait les termes du plan de partition.
À l’été de 1948, il a été envoyé par les Nations unies pour
arrange une trêve entre Israël et les pays arabes qui l’avaient attaqué. Le 11
juin, il a réussi à organiser une trêve de trente jours. Durant l’accalmie des
combats, Bernadotte « a présenté sa première proposition pour résoudre le
conflit. Ce fut son arrêt de mort. La transgression de Bernadotte, selon les
fanatiques juifs, fut d’inclure dans sa proposition du 28 juin la suggestion
que Jérusalem serait sous l’autorité de la Jordanie, car toute la région autour
de la ville allait à cet Etat arabe » (Donald Neff, Washington Report
on Middle East Affairs [WRMEA]).
D’autres propositions qu’avait envisagées Bernadotte et qui
furent publiées après sa mort, comprenaient d’accorder le désert de Néguev à
l’Etat arabe proposé et la Galilée à l’Etat juif ; de donner l’autorité
sur les sections arabes de la Palestine aux Etats arabes (dans les faits, à la
Transjordanie) ; de s’assurer que le port de Haïfa et que l’aéroport de
Lydda servent autant à la section arabe qu’à la section juive du pays ; du
retour des réfugiés arabes dans leurs demeures ; d’établir un comité de
réconciliation comme première étape pour arriver à une paix durable dans la
région.
La réaction des organisations sionistes à la suggestion de
Bernadotte quant à Jérusalem était prévisible.
« Le plan de partition de l’ONU avait prévu que Jérusalem
serait une ville internationale qui ne serait ni sous autorité arabe, ni sous
autorité juive. Mais les terroristes juifs, y compris [les futurs premiers
ministres Yitzhak] Shamir [membre des LEHI, aussi connu comme le groupe Stern]
et Menachem Begin, le dirigeant de la plus grande organisation terroriste,
Irgun Zvai Leumi — qui se traduit par Organisation militaire nationale et est
aussi connue sous son acronyme hébreux, le Etzel — ont rejeté la partition et
déclaré que toute la Palestine et la Jordanie constituaient l’Etat juif. Ces
juifs extrémistes ont été horrifiés de la suggestion de Bernadotte.
« En juillet, les sternistes avaient déjà menacé
Bernadotte de mort. Le chroniqueur du New York Times, C.L. Sulzberger,
écrivait suite à une rencontre qu’il avait eue avec deux membres du Stern le 24
juillet : « "Nous avons l’intention de tuer Bernadotte et tout
autre observateur des Nations unies en uniforme qui viendra à Jérusalem".
Lorsqu’il leur demanda pourquoi, "Ils ont répondu que leur organisation
était déterminée à ce que Jérusalem soit sous l’autorité de l’Etat d’Israël et
qu’elle ne permettrait pas d’interférence de la part d’une organisation
nationale ou internationale" » (Neff, [WRMEA]).
Les LEHI (Lohamei Herut Yisrael, les Combattants pour la
liberté d’Israël), le groupe Stern (nommé ainsi d’après Avraham
« Yair » Stern), étaient une organisation nationaliste-fasciste qui
appelait pour l’établissement d’un « royaume hébreux de l’Euphrate jusqu’au
Nil ». Après la mort de Stern aux mains de la police britannique en
février 1942, la bande a créé une nouvelle structure de commandement, mais
« Le terrorisme est demeuré le principe d’action de l’organisation »
(www.jewishvirtuallibrary.org).
Ils sont entrés en conflit avec les organisations sionistes plus
traditionnelles, y compris le Haganah, l’organisation militaire sioniste
souterraine entre 1920 et 1948.
Le 6 novembre 1944, deux membres du groupe Stern ont assassiné
Lord Moyne, le ministre britannique des Affaires du Moyen-Orient au Caire. Les
LEHI ont aussi bombardé les ateliers ferroviaires de Haïfa en juin 1946. En
décembre 1947, le mouvement de Begin, Etzel, a lancé des bombes à partir d’une
voiture dans une foule de plusieurs centaines d’Arabes, en tuant six et en
blessant 42. Dans la violence communautariste qui a suivi, 42 ouvriers juifs de
la raffinerie ont été tués et 49 blessés. Émulant le Etzel le jour suivant,
Haganah a organisé une attaque semblable dans une ville où les ouvriers arabes
de la raffinerie habitaient, tuant 60 hommes, femmes et enfants.
L’assassinat de Bernadotte a été décidé et planifié par les
trois dirigeants du groupe Stern, y compris Shamir, qui devait devenir premier
ministre d’Israël en 1983. Même si les LEHI avaient officiellement dissout leur
mouvement au sein des Forces de défense israéliennes à la fin de mai 1948, le
groupe Stern de Jérusalem est demeuré indépendant, insistant que le sort de la
ville n’était pas encore réglé.
Les LEHI ont dit que Bernadotte était un agent de l’Angleterre
et un collaborateur des nazis. (Ils avaient apparemment oublié que les
organisations sionistes avaient fait de nombreuses ententes avec les nazis, y
compris avec le dirigeant nazi Adolf Eichmann, durant la Deuxième Guerre
mondiale). « L’organisation considérait son plan comme une menace à son
but d’arriver à un Israël indépendant avec un territoire plus grand des deux
côtés du fleuve Jourdain » (www.palestinefacts.org).
Le 17 septembre 1948, le convoi de trois voitures dans lequel
se trouvait Bernadotte a été arrêté à une petite barricade dans Jérusalem Ouest
sous autorité juive. Deux hommes armés ont fait feu sur les pneus de
l’automobile et un troisième a fait feu dans la vitre arrière ouverte de
l’automobile de Bernadotte. Le médiateur de l’ONU a été touché six fois et est
mort immédiatement, comme l’officier français qui était assis à ses côtés.
Personne n’a jamais été accusé pour les meurtres, même si les
responsables étaient bien connus. Natan Yellin-Mor et Mattityahu Shmuelevitz,
des dirigeants du groupe Stern, ont été accusés d’appartenir à une organisation
terroriste. Trouvés coupables, ils ont immédiatement été libérés et pardonnés —
Yellin-Mor ayant entre-temps été élu au parlement israélien. Shamir n’a jamais
été condamné pour son rôle dans l’assassinat.
Celui qui a tué Bernadotte, Yehoshua Cohen, est devenu plus
tard un garde du corps du premier ministre David Ben-Gurion. La première reconnaissance
publique du rôle du groupe de Stern dans le meurtre n’a eu lieu qu’en 1977.
L’attaque sur un poste de l’ONU plus tôt cette semaine, en
d’autres mots, était entièrement en ligne avec les origines et les traditions
de l’Etat sioniste, dont les « contractions de la naissance »
impliquaient le terrorisme et le mépris pour le droit international.
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