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Rice laisse des traces sanglantes au Liban

par le comité de rédaction
27 juillet 2006

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À un certain moment dans le futur, lorsque la fatale campagne américaine pour l’hégémonie durant la première décennie du 21ième siècle sera soumise à une étude critique, les historiens découvriront d’horribles parallèles entre le mandat de Condoleezza Rice comme secrétaire d’État américain sous le président Bush et celui de Joachim Ribbentrop comme ministre allemand des Affaires étrangères sous le chancelier Hitler. Toutes les caractéristiques de la politique étrangère du Troisième Reich au moment où il préparait le terrain pour la Guerre mondiale – sa duplicité dépravée, son cynisme, son hypocrisie, son manque de scrupules, sa fascination pour la violence et son mépris total pour la vie humaine – peuvent être observées 70 ans plus tard dans les opérations de l’administration Bush, pour laquelle Rice est la principale porte-parole en matière de politique étrangère.

Chacune de ces «qualités» a été mise bien en évidence au cours des 48 dernières heures, la secrétaire d’État Rice faisant une visite à l’improviste dans un Liban déchiré par la guerre, avant de se diriger ver Israël. Ce dont Rice a été témoin à Beyrouth est le résultat de la politique qu’elle-même a mise en branle. Mais, à part des regrets hypocrites et symboliques, elle n’a pas semblé être particulièrement troublée. Au contraire. Au beau milieu d’une ville qui a été soumise à un bombardement intensif, dans un pays qui a été complètement dévasté par la machine de guerre israélienne, où des dizaines de milliers d’hommes, de femmes et d’enfants sont sans logis, sans nourriture et eau adéquate, Rice a proclamé avec une évidente fierté qu’un nouveau Moyen-Orient était en train de naître.

On peut imaginer ce à quoi ses interlocuteurs libanais devaient penser en écoutant Rice insister sur le fait que les États-Unis n’appuyaient pas un cessez-le-feu à ce moment-ci. D’abord, les conditions d’une «paix durable» doivent être créées. Traduction: on doit donner du temps à Israël pour causer davantage de destruction, pour poursuivre son assaut barbare sur le Liban et son peuple, jusqu’à ce que soit éliminée toute résistance interne à la transformation du pays en un quasi-protectorat des États-Unis et d’Israël, et en une base auxiliaire d’opérations pour le renversement du gouvernement syrien et la future guerre contre l’Iran.

En Israël, le principal message de Rice au gouvernement Olmert fut: Au travail. Encouragée par l’appui sans réserve des États-Unis, l’armée israélienne s’est sentie libre de réduire en miettes un poste d’observation de l’ONU.

Aussitôt que Rice a quitté la région, le ministre israélien de la défense Amir Peretz a annoncé que l’armée israélienne établirait une «zone de sécurité» non précisée au Liban sud, signalant ainsi une autre invasion totale de la région, qu’Israël avait occupée de 1982 à 2000. Des sources du gouvernement israélien estiment que l’étendue de la zone pourrait atteindre jusqu’à 10 km, mais le général Alon Friedman, un des commandants de la région nord d’Israël, avait parlé plus tôt d’une incursion allant jusqu’à 70 km à l’intérieur du Liban.

Peu de temps après la déclaration de Peretz, une frappe aérienne israélienne a tué quatre soldats de la paix des Nations unies à un poste d’observation au sud du Liban. Les Nations unies au Liban affirment que les quatre personnes, d’Autriche, du Canada, de la Chine et de la Finlande, s’étaient réfugiées dans un bunker sous le poste après que celui-ci eut été bombardé 14 fois par l’artillerie israélienne. Une équipe de secours a aussi été bombardée alors qu’elle tentait de dégager les décombres.

Le secrétaire général de l’ONU Kofi Annan a déclaré qu’il était «choqué et profondément bouleversé» par «l’attaque apparemment délibérée» du poste. Le poste des Nations unies était clairement identifié et l’armée israélienne possédait ses coordonnées. La mission de l’ONU, composée de 2.000 soldats, était opérationnelle depuis 1978 dans la région frontalière.

Le seul motif que l’on peut imaginer pour détruire le poste de l’ONU était d’empêcher toute surveillance de l’offensive israélienne. Les observateurs de l’ONU qui se trouvent près de la frontière israélo-libanaise, connue sous le nom de Ligne bleue, suivent de près les actes de violence importants, de même que les incidents individuels, et émettent des rapports de presse quotidiens.

Les statistiques de l’ONU, qui ne tiennent pas compte des attaques plus au nord, fournissent une rare image de l’intensité de l’attaque au Liban sud. Par exemple, dans la seule journée du 24 juillet, Israël a mené 45 raids aériens et tirs d’artillerie près de la Ligne bleue, alors que le Hezbollah a tiré 12 missiles. Ceci était en plus des nombreux affrontements autour de la ville de Bint Jbeil, qui a été pulvérisée et capturée par Israël après six jours de violents combats.

Après que le poste de l’ONU eut été détruit, des avions de guerre israéliens ont détruit deux maisons voisines à Nabatiyé, qui se trouve à 10 km au nord de Bint Jbeil et qui a été fortement bombardée durant les derniers jours. Dans une maison, un homme, sa femme et leur enfant ont été tués, alors que dans l’autre, trois hommes sont morts.

Les démentis israéliens d’une attaque délibérée sur le poste de l’ONU pour limiter la surveillance de tels crimes de guerre n’ont aucune crédibilité. En fait, une telle attaque est tout à fait en accord avec le passé d’Israël. Quatre jours après qu’Israël eut déclenché la guerre israélo-arabe de 1967, ses bombardiers et ses hélicoptères de combat coulèrent le USS Liberty, un navire américain de renseignement qui se trouvait dans la péninsule du Sinaï, tuant 34 marins américains et en blessant 171. Le seul motif de cette attaque calculée était que les données interceptées par le Liberty contredisaient catégoriquement les affirmations d’Israël selon lesquelles l’Égypte avait attaqué Israël, et que l’important assaut aérien envoyé sur trois États arabes était en réplique à cette attaque.

En avril 1996, plus de cent civils libanais ont été tués et plusieurs centaines d’autres blessés après qu’Israël eut bombardé des bâtiments des Nations unies. Une enquête indépendante des Nations unies a trouvé que la déclaration d’Israël selon laquelle le bombardement était accidentel n’était pas appuyée par les faits.

Après que Rice eut quitté Beyrouth, Israël a recommencé ses raids aériens qui avaient cessé durant sa visite. Une série d’immenses explosions ont projeté des colonnes de fumée dans le ciel des quartiers de Beyrouth sud. Tôt mardi, Israël a aussi recommencé ses frappes aériennes sur le deuxième front, dans la bande de Gaza, blessant huit personnes, ont fait savoir des résidents et des ambulanciers.

Auparavant, dans une autre violation monstrueuse de la loi humanitaire, deux ambulances de la Croix-Rouge ont été frappées par des roquettes lancées à partir d’hélicoptères israéliens près de la ville portuaire de Tyr, où des réfugiés ont fui pour échapper à l’assaut sur le sud du Liban. Six personnes, y compris les deux conducteurs, ont été sérieusement blessées. Au moins à dix occasions, des ambulances, clairement identifiables avec les croix, les lumières bleues clignotantes et les drapeaux géants de la Croix-Rouge, ont été bombardées au cours des deux dernières semaines, causant la mort d’une douzaine de passagers civils.

Rejet des demandes de cessez-le-feu

À Beyrouth, dans ce qui fut un affront pour les millions de victimes et les innombrables morts du Liban, Rice a déclaré être « profondément touchée » par «ce qu’ils devaient endurer». Mais l’aide d’urgence qu’elle a annoncée pour les victimes, une somme d’environ 30 millions, est éclipsée par les milliards de dollars dépensés pour fournir les missiles et le matériel militaire à Israël pour qu’il mutile et terrorise la population.

Rice a rejeté du revers de la main les plaidoyers du premier ministre libanais Fouad Siniora pour une fin immédiate des combats, même après qu’il ait exprimé la crainte que son gouvernement puisse tomber si les bombardements continuaient. Elle a aussi rejeté une proposition du président du Parlement Nabih Berri, considéré comme un allié du Hezbollah, appelant à un cessez-le-feu immédiat qui serait suivi d’un échange de prisonniers, et à ce qu’Israël permette le retour des Libanais qui ont fui le Sud, avant de discuter de plans plus larges pour résoudre le conflit.

À Jérusalem, Rice a insisté pour que le gouvernement Kadima-travailliste augmente sa campagne au Liban devant les signes croissants de doute en Israël envers la guerre et la résistance beaucoup plus forte que prévue des combattants du Hezbollah. Au cours des derniers jours, plusieurs commentateurs israéliens importants ont exprimé la crainte qu’une guerre terrestre prolongée, avec les pertes que cela entraînerait, soulève inévitablement l’opposition. Écrivant dans le Haaretz du 23 juillet, Gideon Levy avertissait :

«La guerre va devenir un imbroglio. Lorsqu’il apparaîtra que la force aérienne ne suffit pas, l’invasion terrestre qui est déjà commencée s’intensifiera. Le cliché sur le bourbier libanais sera de nouveau valide et lorsque des soldats seront tués, comme cela se produit déjà sur une base quotidienne, dans une chasse de maison à maison, les manifestations vont se développer et diviser la société.»

Visitant le sud d’Israël le jour avant sa rencontre avec Rice, Olmert a reculé par rapport à ses promesses précédentes d’écraser le Hezbollah, disant plutôt que la «réponse internationale et les changements dans le monde arabe nous permettront, je crois, dans un délai raisonnable, de construire une solution qui va significativement affaiblir et isoler le Hezbollah». Olmert a aussi dit qu’Israël ne serait pas entraîné dans une invasion du Liban.

Juste après avoir quitté Jérusalem, Rice s’est arrêté en Cisjordanie pour rencontrer le président de l’Autorité palestinienne Mahmoud Abbas, qui a promis de maintenir une «période de calme» et d’arrêter les attaques palestiniennes contre les forces israéliennes, malgré que l’agression israélienne continue sur les deux fronts. Plusieurs factions palestiniennes ont appelé à une grève générale dans la bande de Gaza et la Cisjordanie, demandant à Abbas de boycotter la rencontre avec Rice. Ils ont accusé Israël de mener un «génocide» contre les Palestiniens et les Libanais après avoir reçu le feu vert de l’administration américaine.

Dans une opération transparente qui vise à donner plus de temps à l’armée israélienne pour qu’elle continue sa campagne guerrière financée par les États-Unis, Rice passera le reste de la semaine à deux conférences internationales pour discuter de la crise du Moyen-Orient. Elle se rendra d’abord à Rome où seront discutées diverses propositions pour une force de «stabilisation» de l’OTAN, ou de l’UE et des pays arabes, pour superviser le retrait du Hezbollah du sud du Liban. Fidèle à lui-même, le premier ministre britannique Tony Blair, un des plus proches alliés de Bush, a décrit la violence au Liban comme une «catastrophe», mais a insisté que la fin des hostilités exige la mise en place d’un tel plan.

Rice se rendra ensuite à une conférence du Forum régional de l’Asie à Kuala Lumpur jeudi et vendredi pour y rencontrer des représentants de la Chine, de la Russie, de l’Inde, de l’Australie, du Japon ainsi que de l’UE. Selon le Times de Londres, «Les politiciens occidentaux espèrent clairement que certains de ces pays leur fourniront les hommes pour une force dont les responsables britanniques disent qu’elle atteindra plusieurs milliers.»

Un tel plan d’occupation demandera non seulement de démolir militairement le Hezbollah, en tuant des milliers de ses combattants, mais aussi de démanteler toute son infrastructure d’écoles, d’hôpitaux, d’aide sociale et de projets de reconstruction. Cela va enflammer encore plus l’hostilité populaire au Moyen-Orient, déclenchant des éruptions de violence que Washington considère clairement pouvoir exploiter pour élargir la guerre contre la Syrie et l’Iran.

 

 

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