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Rice débute sa visite au Moyen-Orient pour promouvoir les objectifs de guerre américano-israéliens
par Patrick Martin
26 juillet 2006
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Lundi, la secrétaire d’État américaine, Condoleezza Rice, est
arrivée à Beyrouth, au Liban, le premier arrêt d’un voyage dont l’objectif est
de consolider la campagne militaire américaine et israélienne contre le
Hezbollah et de donner plus de temps à l’armée israélienne pour dévaster le
Liban à l’aide de bombes et autres armes américaines.
Rice ne visite pas Israël pour, comme le laissent entendre
les reportages des médias, agir comme influence modératrice sur le régime
sioniste. Plutôt, en poursuivant la logique de la politique étrangère de l’administration
Bush, Rice va exercer des pressions sur les Israéliens pour qu’ils intensifient
la violence au Liban sud afin de créer les conditions optimales pour faire
pression, à la fois par les États-Unis et Israël, sur le régime syrien du
président Bashar Assad.
Dévoilant par inadvertance les véritables raisons qui
sous-tendent la politique américaine, Rice a déclaré à son arrivée au Liban que
le gouvernement des États-Unis cherchait à créer un «nouveau Moyen-Orient».
Washington a encouragé l’assaut sur le Liban et a fourni à Israël les armes et
l’appui international nécessaires car l’administration Bush perçoit cette
intensification du conflit comme un moyen pour se sortir de l’impasse en Iraq
et affaiblir la Syrie et l’Iran.
Cette perspective est marquée d’un fort degré d’insouciance
et de désorientation. Les contradictions dans la politique étrangère américaine
sont évidentes: l’administration Bush cherche à consolider un gouvernement à
majorité chiite en Irak alors qu’elle tente au même moment de liquider le
Hezbollah chiite au Liban et se prépare à la guerre contre les fondamentalistes
chiites qui dirigent l’Iran.
Le premier ministre de l’Irak, appuyé par les États-Unis,
Nouri Maliki, a dénoncé à plusieurs reprises les attaques israéliennes sur le Hezbollah,
et d’importantes sections du clergé chiite lui ont demandé de reporter sa
visite prévue à Washington cette semaine pour protester contre la pluie de
bombes et de missiles américains – largués par des avions de guerre israéliens
de fabrication américaine – qui s’abat sur la population chiite du Liban sud.
Ces contradictions sont en grande partie cachées au public
par les médias américains serviles, mais elles sont bien connues dans des
cercles officiels à Washington, et certaines critiques se font entendre de
l’intérieur de l’establishment de la politique étrangère. Robert Malley, un
ancien expert du Moyen-Orient de l’administration Clinton, a fait remarquer que
la visite de Rice ne faisait aucun sens en terme de diplomatie car, selon
l’administration Bush, l’actuel conflit est composé de six parties – Israël,
l’Autorité palestinienne, le Hamas, le Hezbollah, la Syrie et l’Iran – et le
gouvernement américain refuse de s’adresser à quatre d’entre elles.
Encore plus cinglante a été l’évaluation faite par l’ancien
conseiller à la sécurité nationale, Zbigniew Brzezinski, qui a ridiculisé la
rhétorique de Rice au sujet de la naissance d’un nouveau Moyen-Orient. Dans une
entrevue à la presse allemande, il a averti: «Cela n’était pas une formulation
très heureuse. Les douleurs de l’enfantement se terminent parfois par la mort
du bébé. On doit essayer de savoir ce que ces douleurs produisent réellement.
Sans quoi l’on ne fait que spéculer, et jouer à une sorte de roulette russe
avec l’histoire. Tout cela pourrait finir pour les États-Unis en désastre au
Moyen-Orient.»
En se rendant à Jérusalem, le premier arrêt de Rice dans la
région fut une visite imprévue à Beyrouth. Son but était d’appuyer le
gouvernement du premier ministre Fouad Siniora, mis en place l’an dernier après
qu’une campagne soutenue par les États-Unis eut forcé les troupes syriennes à
se retirer du Liban. Rice cherche ainsi à organiser une certaine coalition de
forces politiques libanaises qui pourrait appuyer la destruction du Hezbollah.
Après deux semaines de guerre commune des États-Unis et
d’Israël contre le peuple du Liban, l’assaut militaire direct fait clairement
face à une crise, les troupes israéliennes se heurtant à une dure résistance
inattendue au sol et le bombardement intensif du Liban sud n’ayant pas réussi
jusqu’à maintenant à empêcher les forces du Hezbollah à lancer des roquettes
contre les villes du nord de l’Israël.
Lundi, une importante force de soldats israéliens de la
division Golani a réussi à pénétrer à Bint Jbail, place forte du Hezbollah de.
Les combattants du Hezbollah étaient toujours en contrôle de la ville mais les
Forces de défense israéliennes (FDI), équipées de chars d’assaut et de
bulldozers blindés, ont pris possession d’une colline stratégique. Les pertes
expriment l’intensité des combats: quatre soldats israéliens tués et 20
blessés, contre seulement deux combattants du Hezbollah faits prisonniers. Au
moins un char d’assaut israélien était en flammes.
«La seule force aérienne s’avère insuffisante à mettre en
déroute les guérilléros, qui se montrent aussi de redoutables adversaires au
sol», a affirmé un reportage de Associated Press. La dépêche continuait ainsi:
«Les petites opérations de précision pour dénicher les positions des
guérilléros le long de la frontière se sont avérées beaucoup plus intimidantes
que prévu, selon des soldats revenant de la bataille. Les troupes se plaignent
du terrain difficile et des attaques surprises par des guérilléros du Hezbollah
qui surgissent des buissons et qui tirent avec des armes automatiques ou des
grenades propulsées par roquette.»
Un autre journaliste d’Associated Press a décrit la scène
ainsi : «Les armes lourdes ont tonné avant l’aube lundi, envoyant des bombes
fatales sur la ville frontalière libanaise et ouvrant la voie aux troupes et chars
d’assaut israéliens. À la levée du jour, des soldats ensanglantés et meurtris,
le visage trahissant le choc, traversaient la frontière en sens inverse pour
revenir en Israël… Deux soldats israéliens étaient morts et au moins vingt
autres blessés lundi, a déclaré l’armée, alors que des guérilleros dans la
ville, un bastion du Hezbollah, ont opposé un barrage de balles, de missiles
antichars et de mortiers.»
La détermination de la résistance a clairement étonné autant
les officiers israéliens que les soldats des FDI. Selon Associated Press, un
char des FDI a été utilisé comme ambulance improvisée : «Après avoir
ramené un de ses camarades blessés, un conducteur de char s’est assis sur la
tourelle tenant sa tête entre ses mains gantées, pleurant pendant que deux
membres de son équipage tentaient de le consoler.»
Dans un hôpital au nord d’Israël où les soldats blessés
étaient dirigés, Yishai Green, 21 ans, dans son lit, donna la description
suivante de la bataille de Bint Jbail : «C’est un véritable gâchis et
je ne suis pas autorisé à en parler.»
L’état-major de l’armée israélienne semble avoir de la
difficulté à déterminer l’ampleur de la résistance. Le major général Gadi
Eizenkot, le chef des opérations des FDI avait tout d’abord dit que cent à deux
cents combattants du Hezbollah étaient terrés à Bint Jbail. Plus tard, le
commandant de toutes les FDI, Dan Halutz, a estimé que la force du Hezbollah se
chiffrait à plus de 500 hommes.
Malgré la plus importante offensive israélienne depuis que
la guerre a débuté le 12 juillet, les troupes israéliennes pénétrant en
territoire libanais jusqu’à huit kilomètres de la frontière longue de quarante
kilomètres, les unités du Hezbollah ont pu lancer près de cent roquettes, maintenant
le rythme qu’il a depuis deux semaines.
Peu importe comment se terminent les batailles frontalières
actuelles – et personne ne doute qu’avec une force de frappe beaucoup plus
importante et la domination de l’espace aérien, les FDI ne vont finir par
dominer dans un tel conflit tactique – il y a des indications nettes que d’un
point de vue stratégique l’opération militaire américano-israélienne est en
difficulté.
L’espoir que le bombardement massif viendrait seul à bout
du Hezbollah ne s’est pas concrétisé. Il y a toujours une résistance
importante, aucun dirigeant important du Hezbollah n’a été tué et le tir de
missiles continue sans faiblir.
Le principal impact sur le Liban ne fut pas de détruire le
Hezbollah, mais plutôt la majeure partie de l’infrastructure civile du pays,
dont la reconstruction avait été le fruit d’un immense travail au cours des
quinze années après la dévastation de la guerre civile. Il a été rapporté dans
la presse lundi soir qu’environ 90 pour cent des routes pavées et 95 pour cent
des ponts – un élément vital dans un territoire montagneux – étaient maintenant
inutilisables suite aux bombardements israéliens.
Une des attaques les plus fragrantes sur l’infrastructure a
eu lieu dimanche soir, lorsque deux tours de transmission de la télévision ont
été détruites dans les hauteurs libanaises, principalement habitées par les
chrétiens maronites qui avaient été courtisés par les Israéliens lors de leurs
précédentes invasions du Liban. Alors qu’une tour diffusait des émissions du
réseau du Hezbollah, l’autre était opérée par la Société de télédiffusion
libanaise, une chaîne maronite. La seule raison pour sa destruction était
d’empêcher tout reportage local sur l’impact dévastateur de la campagne de
bombardements d’Israël.
Ces actions reflètent la crainte de la part du gouvernement
israélien d’Olmert que de tels reportages attisent l’opposition internationale
aux bombardements. Mais une considération plus directe est l’impact que de tels
reportages pourraient avoir sur l’opinion publique israélienne.
Malgré les affirmations que la population appuie quasi
unanimement la campagne de bombardements, l’establishment politique israélien
se rappelle l’invasion du Liban en 1982 et la montée de la colère populaire qui
l’a suivie après les assassinats de masse commis par les FDI et par ses alliés
libanais, le mouvement fasciste des Phalanges. Le ministre de la Défense de
cette époque, Ariel Sharon, l’organisateur de l’invasion, avait été
subséquemment trouvé partiellement responsable de ces crimes par une commission
israélienne et forcé de démissionner.
L'assaut en cours sur le Liban est déjà un crime de guerre
d'une ampleur similaire. Bien que les médias américains répètent sans le
moindre esprit critique la propagande de l'État israélien et de l'administration
Bush, assimilant le Hezbollah à une organisation terroriste qui lance des
attaques à l'improviste sur des civils alors qu'Israël vise des combattants
terroristes et cherche à épargner les civils, les chiffres laissent voir le
véritable état des choses.
Jusqu'à lundi, il y a eu 39 morts du côté israélien, 22
étant des soldats tués au combat et 17 des civils. Du côté libanais, il y a eu
au moins 384 morts, dont 31 seulement étaient des guérilleros du Hezbollah ou des
soldats de l'armée libanaise (la plupart tués dans l'explosion de leurs
baraques sous les bombes israéliennes), alors que 353 étaient des civils.
En d'autres termes, 42 pour cent des victimes israéliennes
sont des civils, contre 91 pour cent côté libanais. En outre, Israël utilise
des bombes à guidage laser de fabrication américaine et d'autres armes qui sont
beaucoup plus précises que les roquettes Katioucha relativement primitives
du Hezbollah. Si ces armes tuent des centaines de civils libanais, ça fait
partie d'une politique délibérée.
À mesure que s’affirme l'ampleur de la tuerie et de la
destruction infligées au peuple libanais – et que le nombre de morts
parmi les troupes israéliennes commence également à monter – on peut
s'attendre à un revirement dans l'opinion publique israélienne.
La mobilisation militaire aura également un énorme effet
direct sur la population israélienne. Environ 18.000 réservistes de
l'armée ont été rappelés – l’équivalent d'une mobilisation
de 750.000 nouveaux soldats aux États-Unis. Près de dix pour cent de toute
la population israélienne, hommes, femmes et enfants, sont enrôlés soit dans
les FDI ou dans l'armée de réserve. Comme l'a noté le Los Angeles
Times, une telle mobilisation a suscité dans le passé une résistance
interne aux actions militaires comme les opérations punitives lancées
contre des villes palestiniennes en Cisjordanie: «Peut-être en raison du recul
qu'apportent l'âge et l'expérience, les réservistes sont plus susceptibles que
leurs pendants de l'armée régulière de douter que les actions militaires
israéliennes soient justifiées par la menace à laquelle le pays fait face.»
Le gouvernement israélien est en crise évidente après la
décision d'Olmert, prise sans consulter le conseil des ministres, de lancer une
action militaire de grande envergure en réponse à un incident – le kidnapping
de deux soldats – qui aurait été traité dans le passé par des négociations à
huis clos. Il n'y a aucun consensus au sein du conseil des ministres sur le
prochain pas à prendre si, comme tout le monde s'y attend, le Hezbollah
continue de rejeter les demandes qu'il libère les deux soldats, se retire de la
région frontalière et détruise sa réserve de roquettes.
Le gouvernement Olmert a déjà changé sa position sur
l'entrée d'une force internationale dans la région frontalière, un signe de
faiblesse et de désarroi interne. Des porte-parole du gouvernement qui avaient
initialement rejeté toute force internationale laissent maintenant entendre
qu'une force de l'OTAN serait acceptable.
Cependant, il est tout à fait possible que la réponse
israélienne à ses difficultés, sous la pression de Rice et de
l'administration Bush, sera d'intensifier sa violence au Liban et d'adopter une
posture encore plus provocatrice envers la Syrie et l'Iran.
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