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La visite de Rice au Moyen-Orient: «diplomatie» au service de la guerre
par Chris Marsden
25 juillet 2006
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Un jour avant que ne soit prévu l’arrivée de la secrétaire
d’État des États-Unis, Condoleezza Rice, à Tel-Aviv pour discuter du conflit au
Liban et à Gaza, le New York Times a rapporté que l’administration Bush
se pressait à livrer des bombes guidées au laser et par satellite demandées par
Israël. Ce geste illustre parfaitement en quoi consiste réellement la
«diplomatie» de Washington: soutenir l’État stellite israélien avec la
puissance américaine afin de faire avancer ses plans pour assurer sa propre
hégémonie au Moyen-Orient par la force armée.
Selon le Times, la demande israélienne fut faite
«environ au moment où» Israël commençait à pilonner le Liban, par les airs et
par la mer, le 12 juillet. Le journal pro israélien ne dit pas si c’était avant
ou après que les hostilités aient débuté officiellement car il souhaite
maintenir la prétention que la guerre déclenchée par Israël était une opération
de défense en réaction à la capture de deux soldats israéliens par le
Hezbollah.
Parlant du reportage du Times sur la cargaison d’armes
américaines expédiées à Israël, un représentant du département d’État américain
a déclaré: «Nous ne ferons aucun commentaire sur cette affaire.»
Aucun commentaire n’est nécessaire. La cargaison d’armes est
une preuve supplémentaire qu’Israël agit en consultation directe et au nom de
Washington dans son attaque sur l’Autorité palestinienne et le Liban.
Tel-Aviv a fait la demande de ces armes sous les termes d’un
contrat approuvé en 2005 qui autorise Israël à acheter 100 GBU-28, des bombes «anti-bunker»
de 2.268 kilos guidées au laser. Personne ne sait combien sont livrées, mais
certains analystes ont fait remarquer que cela indiquait que le bombardement du
Liban allait se poursuivre pour un certain temps. De plus, il n’est pas du tout
certain que le Liban demeure l’unique cible.
Lorsque le contrat d’armement a été approuvé l’an dernier, le
premier ministre à l’époque, Ariel Sharon, avait été forcé de nier publiquement
que les bombes anti-bunker étaient prévues pour une frappe israélienne sur les
réacteurs nucléaires iraniens. Les bombes devaient être montées sur des
chasseurs F-15 fournis par les États-Unis, plaçant l’Iran à portée de tir.
Washington indiquait déjà à ce moment qu’il était prêt, en principe, à appuyer
une telle action, mais s’était retenu de donner le feu vert car il cherchait à
obtenir l’accord des puissances européennes pour une action contre Téhéran.
À la suite de discussions sur l’Iran avec le président Bush,
Sharon avait déclaré à CNN que si l’Iran réussissait à résoudre les «problèmes
techniques» dans la construction d’armes nucléaires, cela marquerait «le point de
non retour».
Les bombes anti-bunker ne constituent qu’une partie d’un vaste
arsenal d’armes déployées par Israël et qui sont faites aux États-Unis. Israël
reçoit plus de $2 milliards par année d’aide des États-Unis, dont deux tiers est
de l’aide militaire. Son armée de l’air est constituée de chasseurs Falcon
F-16, de chasseurs Eagle F-15 et d’hélicoptères d’attaque Apache AH-64, tous
produits par les États-Unis.
Le Pentagone a annoncé vendredi au Congrès qu’il comptait
vendre à Israël du carburant pour sa flotte aérienne, estimé à une valeur de
$210 millions, pour aider ses avions à «maintenir la paix et la sécurité dans
la région».
Devançant l’arrivée de Rice en Israël, l’administration Bush a
fait savoir clairement qu’elle allait continuer de laisser libre cours à
l’assaut sur le Liban, tout en dirigeant à plusieurs reprises des menaces
contre la Syrie et l’Iran. Samedi, lors d’une allocation radiophonique donnant
un avant-goût du voyage de Rice, Bush a affirmé qu’elle «exprimerait clairement
que la résolution de la crise exige la confrontation du groupe terroriste qui a
déclenché les attaques et des nations qui le soutiennent».
Le jour précédent, Rice avait rejeté encore une fois les
appels à un cessez-le-feu, déclarant qu’un arrêt de l’attaque d’Israël sur des
cibles et infrastructures civiles au Liban serait «une fausse promesse si cela
ne fait que nous ramener au statu quo». Ella a ajouté: «la Syrie sait ce
qu’elle a à faire et le Hezbollah est la source du problème».
Dans une des déclarations les plus indécentes sur le conflit,
elle a décrit la situation critique du Liban comme les «douleurs de
l’enfantement d’un nouveau Moyen-Orient.» Ce commentaire est instructif. Il
indique de façon évidente que l’administration Bush est la force active
derrière l’assaut sur le Liban et que ceci n’est que le début d’une campagne
pour réorganiser la région au complet.
Le gouvernement israélien, une coalition des partis Kadima et
travailliste, a ses propres motifs pour attaquer Gaza et le Liban. Il désire
écraser toute résistance, parmi les masses arabes, à ses plans pour un Grand
Israël, qui incorporerait la totalité de Jérusalem et une grande partie de la Cisjordanie.
Mais Israël n’est pas un acteur indépendant et ne peut réaliser ses objectifs
sans l’appui politique, militaire et financier total de Washington, y compris
l’intervention militaire directe des États-Unis.
Israël ne peut pas continuer à attaquer le Liban sans toucher
à son voisin plus puissant, la Syrie. Mais ce qui est encore plus important,
s’approprier le rôle de police régionale, au nom de Washington, exige
ultimement la défaite militaire de l’Iran, pays qualifié en mai par le premier
ministre Ehoud Olmert de «menace existentielle» à Israël.
Des reportages ont paru confirmant qu’Israël a cyniquement
utilisé la capture de ses soldats pour déployer une offensive militaire
planifiée longtemps d’avance, et discutée avec l’administration Bush.
Le World Socialist Web Site avait déjà signalé le
reportage paru le 21 juillet dans le San Francisco Chronicle : « La
réponse militaire aérienne, navale et terrestre d’Israël à ce qui est considéré
comme une provocation la semaine dernière des militants du Hezbollah se déroule
conformément aux plans achevés il y a plus d’une année. » Le Chronicle
continuait en notant : « Il y a plus d’une année, un officier de haut
rang de l’armée israélienne a fait des présentations PowerPoint, qui n’étaient
pas pour publication, à des diplomates, des journalistes et des experts des
États-Unis et d’autres pays, dévoilant les plans de l’opération actuellement en
cours d’une façon très détaillée. »
Un article écrit par David Horovitz dans le Jerusalem Post
offre une preuve supplémentaire que l’attaque contre le Liban était planifiée
depuis longtemps. Il note que « Le plan de bataille que les Forces de
défense israélienne ont suivi depuis les neuf derniers jours a été achevé il y
a quatre ou cinq mois, à peu près à l’époque où le nouveau gouvernement [de
Kadima] se formait. »
Un article publié dans le Haaretz du 23 juillet, titré
« Changement de politique : un nouveau plan, un nouvel ordre »
et écrit par Aluf Benn, notait aussi : « Le week-end dernier, [le
premier ministre Ehud] Olmert a envoyé le chef du Mossad Meir Dagan à Washington
pour discuter avec des responsables américains de la façon de mettre fin à la
menace nucléaire iranienne. Après que les batailles au Liban cesseront et qu’un
certain ordre sera imposé au nord, Olmert se rendra en toute probabilité à la
Maison-Blanche encore une fois pour discuter de nouveaux plans. »
La visite de la secrétaire d’État Rice au Moyen-Orient a été
coordonnée avec Israël pour donner une couverture diplomatique et une
légitimité politique à l’agression nue et aux attaques contre des civils
libanais par l’État sioniste et permettre ainsi qu’elles continuent. Après
qu’elle se soit rendue à Jérusalem pour discuter avec le premier ministre
Olmert et le président de l’Autorité palestinienne Mahmoud Abbas, Rice se
rendra à Rome et en Malaysie pour ne revenir en Israël que le 30 juillet. Les
hauts responsables israéliens ont dit au Haaretz que les États-Unis ont
donné leur autorisation pour que l’Israël continue ses opérations militaires au
moins jusqu’à cette date.
Rice vise à obtenir l’accord des autres principales puissances
et des régimes bourgeois arabes sur les plans des États-Unis et d’Israël pour
que le Liban devienne un protectorat de facto d’Israël et pour isoler la
Syrie et l’Iran.
Avant que Rice quitte les États-Unis, elle a participé avec
Bush, le vice-président Dick Cheney et d’autres responsables de haut niveau de
l’administration américaine à des rencontres avec le ministre des Affaires
étrangères de l’Arabie saoudite, le prince Bandar ibn Sultan et l’ambassadeur
saoudien à Washington, le prince Turki ibn Faisal. Le royaume, qui s’est rallié
aux États-Unis pour blâmer le Hezbollah pour le conflit actuel, est courtisé
pour qu’il donne son appui à de futures attaques contre la Syrie et l’Iran.
À Rome, Rice rencontrera des membres du « Groupe de
travail sur le Liban » qui comprend l’Angleterre, la France, l’Italie,
l’Union européenne, la Russie, l’Égypte, l’Arabie saoudite, la Jordanie, les
Nations unies, la Banque mondiale et le gouvernement libanais, et est dirigé
par le premier ministre Fouad Siniora. L’Égypte et la Jordanie ont, comme
l’Arabie saoudite, été clairement indiqué qu’elles étaient prêts à accepter la
politique américaine au Moyen-Orient.
Rice n’a pas l’intention de même parler à la Syrie, malgré les
menaces d’actions militaires qu’elle agite contre elle tous les jours. Lors
d’une entrevue que l’ambassadeur américain aux Nations unies John Bolton a
donnée hier à Fox News, il lui fut demandé de commenter la déclaration de
l’adjoint au ministre des Affaires étrangères de la Syrie, Faisal Meqdad, selon
qui « La Syrie est prête à un dialogue basé sur le respect et l’intérêt
mutuel avec les États-Unis. »
Bolton a rejeté l’offre de la Syrie, disant « La Syrie
n’a pas besoin de dialogue pour savoir ce qu’elle a à faire… La Syrie, comme
l’Iran, fait partie du problème… »
Israël profite de l'occasion qui lui est fournie par Washington
pour infliger le maximum de destruction au Liban. L'aviation israélienne a
effectué plus de 3.000 sorties au Liban, détruisant son infrastructure. Le 21
juillet, l'armée israélienne a rappelé 3.000 réservistes et commencé à masser
des troupes et des véhicules blindés près de la frontière libanaise en vue
d'une probable offensive terrestre dans le sud du Liban.
Au cours des dernières 24 heures, l'armée de l'air israélienne
a frappé plus de 120 cibles, y compris la station télé d'Al-Manar à Beyrouth,
geste destiné à empêcher toute couverture médiatique du carnage. Des
missiles ont frappé Sidon, une ville portuaire qui recevait des milliers de
réfugiés fuyant des villages le long de la frontière israélienne, ainsi qu'une
usine de textile à Al-Manara, près de la frontière, tuant une personne. Une
frappe sur un village près de la ville portuaire de Tyre a tué un garçon, et un
missile a frappé un minibus transportant des gens qui fuyaient
en direction de Tyre, tuant trois personnes.
Le Liban a subi une destruction effroyable. Selon des
chiffres des Nations Unies, 600.000 Libanais, plus de 15 pour cent de la
population, ont été forcés de fuir leurs maisons. Au moins 365 personnes ont
été tuées, dont près du tiers étaient des enfants, selon le coordonnateur des
secours d'urgence de l'ONU, Jan Egeland.
Parcourant Beyrouth, Egeland a condamné Israël pour ne
pas avoir garanti l'acheminent en toute sécurité de l'aide d'urgence
au peuple libanais et a lancé un appel pour la collecte immédiate de $100
millions pour éviter un désastre humanitaire. «Nous sommes particulièrement
inquiets pour cette région de Beyrouth et pour la partie sud du pays», a-t-il
dit. «Il y a des blessés qui n'obtiennent pas les traitements nécessaires. Il y
a des gens qui n'ont pas d'eau potable à boire. Il y a surtout des
dizaines de milliers de personnes qui sont maintenant assiégées…»
Examinant une pile de débris, il a accusé Israël d'avoir
enfreint la loi humanitaire internationale: «C'est horrible. Je ne savais
pas que c'était ainsi d'un pâté de maisons à l'autre. Cela en fait une
violation de la loi humanitaire. C'est plus gros, c'est plus vaste que
j'aurais jamais pu imaginer.»
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