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Les puissances du G8 cautionnent l’agression israélienne au Liban
Déclaration du comité de rédaction
19 juillet 2006
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Tandis que le sommet du Groupe des Huit
prenait fin lundi, sixième jour de brutales attaques aériennes israéliennes sur
le Liban, les chefs des grands régimes impérialistes ont approuvé dans les
faits la pulvérisation d’une petite nation par un pays satellite des
États-Unis, armé jusqu’aux dents par Washington. Au moment où des bombes et des
missiles fournis par les États-Unis, tirés par des avions de guerre fournis par
les États-Unis, s’abattaient sur les villes libanaises, l’administration Bush
prenait les devants pour bloquer tout appel, même symbolique, à un cessez-le-feu.
Bien que les médias américains tentent de
présenter la crise comme s’il était question de souffrances équivalentes de
part et d’autre – des civils israéliens atteints par des roquettes du
Hezbollah, des civils libanais atteints par des bombes israéliennes – la
réalité est toute autre. Plus de 200 Libanais ont été tués et des dommages
s’élevant à un milliard de dollars ont été infligés à leur pays,
comparativement à 24 morts israéliennes, dont presque la moitié sont des
soldats tués dans la lutte contre les combattants du Hezbollah.
Les roquettes du Hezbollah sont
relativement rudimentaires et imprécises, et beaucoup moins puissantes que les
bombes de 500 livres guidées au laser qui détruisent actuellement les routes,
les édifices publics, les centrales énergétiques, les installations portuaires,
bref, toutes les infrastructures de la vie moderne au Liban. Des représentants
israéliens ont juré publiquement de faire reculer le Luban 20 ans en arrière,
soit l’équivalent de la guerre civile qui a presque détruit le pays.
La résolution adoptée par le sommet du G8
dimanche rejetait le blâme de l’actuelle crise au Moyen-Orient sur le Hamas et
le Hezbollah, pour avoir kidnappé trois soldats israéliens et tiré des roquettes
sur Israël de Gaza et du Liban sud. Ces accusations de provocation sont des
inepties. Israël se préparait depuis des années à une autre intervention
massive au Liban et a simplement utilisé l’attaque du Hezbollah comme prétexte
pour réaliser ses plans de longue date.
Dans ce conflit, deux objectifs sont liés
entre eux: l’un, propre à l’élite dirigeante d’Israël, l’autre, partagé par ses
patrons américains.
Comme toujours, l’élite dirigeante
israélienne justifie ses actions militaires en affirmant qu’elle ne fait que se
défendre et réagir aux graves menaces à sa sécurité. Mais ce qu’Israël entend
par «sécurité» est le prosternement total de tous les autres États du
Moyen-Orient, pour ne pas mentionner les Palestiniens subjugués, dont les
développements économiques et/ou militaires pourraient d’une quelconque façon
nuire aux ambitions régionales sionistes.
Parce que le Hezbollah est en travers
d’une transformation de facto du Liban en outil malléable de la politique
israélienne, sa destruction est devenue un objectif. D’où le rejet par le
premier ministre Ehoud Olmert de la proposition d’envoyer des forces de
maintien de la paix de l’ONU à la frontière du Liban et d’Israël.
Comme l’a expliqué clairement Olmert dans
un discours à la Knesset lundi, son but est de repousser le Hezbollah de la
frontière, tâche qui ne peut être accomplie que par des troupes israéliennes,
peut-être avec l’aide d’unités symboliques de l’armée libanaise à majorité
chrétienne, déployées par le régime, soutenu par les États-Unis, qui a pris le
pouvoir à Beyrouth l’an dernier. Cela reproduirait les conditions d’avant 2000,
alors que l’armée du Liban sud, appuyée par Israël, un vestige de la milice
fasciste phalangiste, jouait le rôle de force policière israélienne dans la
région frontalière.
Sur un plan plus stratégique, la défaite
du Hezbollah fait partie du projet américano-israélien de subjuguer la totalité
du Moyen-Orient. L’administration Bush se prépare ouvertement à une guerre
contre l’Iran, utilisant l’Agence internationale de l’énergie atomique et le
fait de référer le programme nucléaire iranien au Conseil de sécurité de l’ONU
de la même manière qu’elle avait mis de l’avant ses fausses affirmations
«d’armes de destruction massive» contre le régime de Saddam Hussein en Irak.
Washington perçoit l’Iran comme le principal
obstacle à la consolidation de sa conquête de l’Irak et à l’établissement d’un
régime laquais stable à Bagdad. Avant d’entreprendre toute action militaire
contre l’Iran, que cela consiste en des frappes aériennes contre de présumées
installations nucléaires iraniennes ou un assaut terrestre de grande envergure,
il est impératif d’éliminer toutes les cellules qui appuient l’Iran ailleurs
dans la région. D’où l’attaque contre le Hezbollah, qui entretient des liens de
longue date avec l’Iran, et la menace qu’une action militaire pourrait
s’étendre jusqu’à la Syrie, qui est l’allié militaire de l’Iran depuis la
guerre Iran-Irak des années 80.
Ces préparatifs à la guerre se cachaient
derrière la campagne de l’année dernière visant à faire sortir les troupes
syriennes du Liban, lors de laquelle l’assassinat de l’ancien premier ministre
Rafik Hariri – par des forces dont on ne connaît toujours pas l’identité – a
été utilisé comme prétexte commode. À ce moment, l’administration Bush s’était associée
au président français Jacques Chirac pour se déclarer tous deux solidaires dans
la croisade pour rétablir la souveraineté libanaise en forçant le retrait des
troupes syriennes.
Le cynisme de cette campagne est montré
par la position que Bush et Chirac ont prise au sommet de Saint-Pétersbourg où
ils ont rejeté la demande du gouvernement libanais qu’ils exigent l’arrêt par
Israël de son assaut, lequel a résulté en plus de dévastation que les décennies
d’occupation syrienne.
Le sommet du G8 avait un relent des
années 1930, lorsque les grandes puissances défendaient leurs intérêts
immédiats aux dépens des petits pays ou des pays faibles, laissant faire
lorsque le Japon s’est emparé de la Mandchourie, que Mussolini a envahi
l’Éthiopie et qu’Hitler prenait le contrôle de l’Autriche et de la
Tchécoslovaquie.
L’atmosphère était très semblable, même
le langage brutal et cru qu’a utilisé le plus important criminel impérialiste
contemporain, George W. Bush, lorsqu’il laissa échapper une obscénité en
direction de son principal complice, Tony Blair de la Grande-Bretagne, en
voulant critiquer la réticence de la Syrie à faire pression sur le Hezbollah.
Il est évident que Bush pensait que la Syrie contrôle le Hezbollah comme son
propre gouvernement dirige le régime marionnette irakien à Bagdad. Il oublie
commodément que le régime israélien est coupable de crime de guerre lorsqu’il
impose une punition collective à la population d’un État supposément souverain.
Depuis les préparatifs pour l’invasion
irakienne, lorsqu’il y avait des divisions profondes sur la campagne sans
précédent d’agression internationale lancée par l’administration Bush, l’élite
européenne a accepté la politique américaine au Moyen-Orient, décidant que son
intérêt sera mieux servi si elle s’aligne avec Washington contre la Syrie et
l’Iran.
Tout en se chicanant sur les détails de
la politique israélienne envers les Palestiniens, pas une seule des puissances
européenne n’est prête à demander la fin de la violation flagrante de la loi
internationale que représente le bombardement jusqu’à saturation du Liban. Le
Conseil de sécurité de l’ONU n’a pas pris lui non plus d’action contre
l’agression menée sur un État souverain et un membre des Nations unies.
Même la possibilité que des citoyens des
pays du G8, travaillant ou en vacances au Liban, puissent être tués ou blessés
par les bombes et les missiles israéliens n’a mis en branle les grandes
puissances. Environ 25.000 citoyens américains et des milliers d’autres
citoyens de France, d’Italie, d’Angleterre et d’autres pays, sont maintenant
cloués au Liban, incapables de le quitter à cause du blocus aérien et naval
imposé par Israël et parce que les routes menant en Syrie ont été bombardées.
Ces personnes, la plupart d’origine libanaise
et visitant leur famille, risquent la mort non pas aux mains des terroristes et
des tireurs du Hezbollah, mais de la machine de guerre équipée par les
États-Unis, financée par les États-Unis et déployée avec le consentement de
l’administration Bush.
Les attaques aériennes israéliennes de
lundi ont dépassé de beaucoup la supposée cible des positions du Hezbollah. À
part Beyrouth, où les quartiers du centre-ville et du port ont encore été
touchés, les avions israéliens ont bombardé le port de pêche de Abdeh dans le
nord du Liban, la ville de Tripoli, elle aussi au nord du pays, dans une région
largement sunnite qu’il est impossible de croire avoir un lien quelconque avec
le Hezbollah chiite, et la ville de Baalbek dans la partie est du pays.
Les responsables libanais ont dit qu’au
moins 43 personnes ont été tuées lundi, ce qui amène le nombre total de morts à
plus de 209 personnes. Les dernières morts comprennent douze civils tués
lorsque le minibus dans lequel ils se trouvaient a été détruit par un missile
israélien dans la ville côtière de Rmeileh, au sud de Beyrouth. Personne n’a
été tué par une des roquettes du Hezbollah qui sont tombées sur plusieurs
villes au nord d’Israël, même si six civils israéliens ont été blessés.
Dans une adresse au peuple libanais
lundi, le premier ministre Fouad Siniora, dont la nomination avait été décrite
comme une victoire pour l’indépendance du Liban, a dénoncé l’assaut israélien.
«L’Israël accuse les autres de terrorisme en même temps qu’il le pratique dans
une de ces formes les plus dures», a-t-il déclaré.
Des troupes israéliennes ont été mobilisées
sur la frontière libanaise et une brève incursion au Liban a été menée par une
unité israélienne. Lundi dernier, les forces de défense israéliennes ont
rappelé plusieurs milliers de réservistes pour qu'ils servent en
Cisjordanie, ce qui permettrait de transférer des unités régulières de l'armée
des territoires palestiniens vers la région frontalière libanaise.
Selon au moins un rapport de presse ce
week-end, Israël a donné au président syrien Bashar Assad un préavis de 72
heures que des actions militaires seront lancées, y compris le bombardement
d'installations à l'intérieur de la Syrie, si ce dernier n'intervient pas pour
arrêter les attaques à la roquette du Hezbollah. Le rapport, publié par le
journal arabe basé à Londres Al-Hayat, qui a été mentionné par le
journal israélien Haaretz, a cité des sources du Pentagone. De telles
attaques seraient menées en coordination avec les troupes américaines qui
occupent maintenant l'Irak, dont des milliers sont déployées dans la province
d'Anbar près de la frontière avec la Syrie.
Il y a également la possibilité
grandissante d'une intervention militaire directe des États-Unis au Liban.
Environ 2.200 marines sont à bord de l'USS Iwo Jima et des navires qui
l'accompagnent, en provenance du Golfe d'Aqaba où ils s'adonnaient à des
exercices militaires aux côtés des forces jordaniennes. Ils vont traverser le
canal de Suez avec la permission de l'Égypte et arriver au large des côtes
libanaises dès mardi. Des hélicoptères de la 24ème unité expéditionnaire
des marines ont déjà débarqué un nombre limité de troupes à l'ambassade
américaine de Beyrouth et de Chypre.
L'inaction du G8 et la résolution cynique
adoptée par les grandes puissances ne peuvent qu'alimenter l'agression
menée par le régime israélien et frayer la voie à une catastrophe encore
plus grande pour les peuples du Liban, d'Israël, de la Palestine et de tout le
Moyen-Orient.
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